Réjoui, parce que même si je ne suis pas fanatique de leurs trois albums (tous trois bourrés d’excellentes chansons mais que je ne suis jamais d’humeur à écouter en entier) je m’en suis longtemps voulu de les avoir ratés à Nimes en 2007.
Et que pour la première fois depuis des années, j’allais partager ce moment avec un peu plus d’amis et de connaissances sans avoir à les harceler (« mais si tu va voir c’est génial en live », « oh ça va c’est même pas le prix d’un restau », et le fameux « veille de jour férié !« ).
On critique souvent le Dôme à raison pour son acoustique dégueulasse mais s’il y a bien quelque chose à déplorer, c’est qu’on ait si peu l’occasion d’y voir des groupes de rock récents.
J’ai eu la chance, en 1997, d’avoir ma première grande claque musicale avec Radiohead pour la modique somme de 127 Francs, soit pour les plus jeunes moins de 20 euros.
Et à la même époque, on pouvait aussi y voir Portishead, Sonic Youth et Beck, Foo Fighters, pourquoi cela a tant changé depuis ?
Malgré toutes les explications des gens du milieu, je n’ai toujours pas compris que la plus grande salle de la 2eme ville de France se soit depuis autant renfermé dans la nostalgie.
En dix ans, les rares groupes que j’ai vu (R.E.M.) ou envie de voir (Cure, Depeche Mode, Massive Attack, Oasis…) sont en fin de carrière, fatalement moins inspirés et spontanés qu’à leurs débuts.
En matière de rock suffisamment connu comme ce soir pour attirer 4000 personnes, il y a de quoi se navrer que les tourneurs privent systématiquement notre ville de groupes récents, que ce soit ceux que j’aime bien (White Stripes, Strokes, Franz Ferdinand, Gossip…) ou pas (Coldplay, Killers, Kings Of Leon…).
Absolument rien contre la supprématie logique de la variété, je me régale d’ailleurs des chroniques souvent hilarantes de Gandalf sur les stars du genre.
Autant pour les groupes underground et émergeant, les petites salles font ce qu’elles peuvent pour nous procurer de bons moments chaque semaine, autant pour les groupes audibles plus connus nous sommes totalement à la ramasse comparé à des villes plus petites.
C’est donc rassurant et satisfaisant que le concert de ce soir vient un peu contrecarrer cette situation absurde.
Gros zob de démenti aux tourneurs trouillards : Arcade Fire, qui a très bonne presse mais passent ni sur les grandes radios ni à la tv, fait le plein à Marseille.
La première partie témoigne d’un culot et humour très particulier de la part de nos Canadiens.
Embarquer un groupe aussi bruyant et repoussant que Fucked Up dans leur tournée Européenne, c’est plus qu’incongru.
Des guitares déchiquetées lorgnant vers le punk hardcore, un frontman obèse torse poil beuglant et fendant les premiers rangs, le décalage est total.
Musicalement je dois confesser ne pas avoir détesté mais difficile venant d’un background pop d’apprécier ces cris incessants et assourdissants.
Pas autant ri, et c’est le bon coté de la chose, depuis un concert de Slipknot où j’avais atterri par hasard dans un festival.
L’attente fébrile et l’ambiance de communion s’installe progressivement au son d’excellentes sélections, de Smog aux regrettés Sparklehorse.
Et lorsque la troupe vient tout sourire partager ses morceaux phares, principalement issus du premier et du troisième disque, on comprend sans peine le pourquoi du succès.
Et on se fout complètement de savoir s’ils sont le meilleur groupe du monde ou je ne sais quoi, c’est juste inespéré et enthousiasmant de les voir à 15 minutes de chez soi.
Ce n’est pas le concert qui m’a le plus troublé (Jessie Evans puis Raveonettes) ou fait danser (Glass Candy puis Chk Chk Chk) cette année mais j’ai quand même pris un pied pas possible à les voir.
La grande force d’Arcade Fire sur scène, c’est cette euphorie qui se dégage de chaque morceau, y compris les plus déprimants (formidable « Intervention »).
Ces gens là semblent tout simplement heureux de rendre heureux, si tout semble millimétré, ça n’en est pas moins saisissant de générosité.
On ne compte pas les moments touchés par la grâce ce soir :
- l’intro tambour battant des « Ready to start »/ »Month of May »/ »Laika »
- l’enchaînement aérien des titres chantés par Regine « Haiti » et l’étrange « Sprawl II »
- le final époustouflant « We Used To Wait »/ »Power Out »/ »Rebellion » (dont les « ouuh ouhh » fredonnés par le public remplaçait les habituels « une autre » du rappel).
Ou encore cette belle version de « The Suburbs » terminée par un Win susurrant dans un recueillement assez magique.
D’autres plus familiers avec le groupe, les fans, les vrais, vous en parleront plus en détails et avec les dithyrambes qui s’imposent d’elles mêmes mais pour ma part, j’ai adoré.
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Photo: Solène Lanza
Vidéo : Benjamin Barlatier