Yvan

Chère Irma von Pétronille,

J'ai bien reçu votre gentil courrier et soyez certaine d'ô combien il m'a touché le cœur et empli l'âme de mille jacinthes.

Les clochers n'ont de cesse depuis de chanter les mots qu'il égrainait et qu'il égraine encore tant je le cache dans la petite poche portée sur ma poitrine, lu et relu toutes ces fois.

Le papier est prêt à se fendre tant il a été plié-déplié-plié-déplié et l'encre a fusé à certains endroits, mais peu m'en fait.

Les petites fleurs de narcisse ont éclos plus tôt et je crois que c'est un peu de votre faute et pour le vol significatif des hirondelles, il en va bien sûr de même.

Je me sens si serein depuis que rien, j'en suis certain, ne pourra plus nous arriver.

Les soucis passeront sur nos corps comme l'eau du bain gorgé des huiles les plus subtiles : je suis, je dois bien l'avouer, si confis à vos fruits bénis.

Tous les jours, les bourgeons éclos me parlent de vous et ils ont de la bonne conversation à votre égard et des qualités qu'ils dépeignent découle un beau tableau.

J'attends votre prochain courrier avec une impatience sans bornes ni limites.

Veuillez pardonner le caractère succinct de cette lettre, j'en ai brodé une plus longue dans l'intérieur de ma veste. Il me tarde de vous la montrer.

Je vous embrasse.

Votre.

Yvan Mogreeiev.

PS: en ce qui concerne notre affaire et pour faire vite tant je ne puis être assuré de la confidentialité de cette missive:

_ Aucune nouvelle de Hurl / Piotr ou quel que soit désormais son nom

_ Les anges moribonds ne sont pas mauvais, ils nous surveillent avec bienveillance

_ Nous sommes sur la piste de trois vieilles dames dont je vous entretiendrai plus avant de vive voix

_ Le corps de La Môme a disparu

_ Avez-vous entendu parler de cette idée de fin du monde ?

_ Nous avons scrupuleusement appliqué vos protocoles de torture pour faire des bobos aux méchants et ce fut plus facile que prévu. Torturer des hideux est une chose aisée pour peu qu'on sache s'y prendre et qu'on ait bien appris (vos leçons, je le concède, était si claires et précises qu'elles furent triviales à appliquer). Ainsi donc ont été torturés par électrocution, perçage, pinçage, équarrissage, écorchage, lynchage, clouage, agrafage, vissage, arrachage, collage, marouflage, pliage... les vilains, les mauvais, les pas-biens, les coquins, les affreux, les vils, les canaillous, les arsouilles, les imbuvables, les maudits, les brigands, les drôles, les galapiats, les forbans, les frappes, les pirates, les filous, et les loulous de la pire espèce. Nous avons pris un soin bien particulier à développer la torture chimique, les rectums et les vagins, on le sait bien, étant de tendres réceptacles aux acides les plus forts. La technique plus classique de la Vierge de Fer fut particulièrement et étonnement des plus pertinentes. Nous nous sommes permis une petite variante (en espérant que cela n'entrave pas notre confiance) en mettant au point une épreuve des plus gentiment cruelle qui consiste en l'enfoncement d'aiguilles très fines sous les ongles des doigts et les gencives que des trous intelligemment percés dans l'acier nous permettaient d'atteindre. Nous avons dresser quelques rats que nous avons très précisément enfoncés après les avoir affamés. Ad exstirpanda. Les simulations de noyade ont été pour nous des plus rigolotes tant elles nous permettaient de faire une petite pause et de bien nous éclater la rate. En ce qui concerne la technique du chevalet, ne nous en veuillez pas, nous l'avons abandonnée : la chaise, en mauvais bois, dressait des échardes traîtresses qui nous ont vite mutilé les mains. Il est à noter que les poires d'angoisse, utilisées à trop fort écartement, s'avèrent vite très salissantes.

Voilà, en gros, pour les dernières nouvelles plus formelles.

Vous me manquez tant.

Les nuages qui roulent me rappellent constamment à vous et chantent si bien votre poésie. 

Posez vos lèvres ici, les miennes y sont encore un peu.

Y. votre serviteur esbaudi.