Après les coups de fil anonymes(1) de l’année dernière, les mails. Ca doit faire environ deux mois que tous les matins, je reçois une chanson “d’amour”. Toujours la même. Enfin le lien. Qui me mène inlassablement à Hélène Ségara. “Trop de gens qui t’aiment.” Cool non ? Je suis sûre que vous êtes jalouses, les filles ^^
Alors bien sûre, vu la chanson, je vois tout de suite qui ça peut PAS être. Mais je vois pas qui ça peut être. Je connais pas de gens comme ça. Enfin plus. C’est dommage. Je voudrais bien lui dire, au gars, que s’il veut que je le vois, vaudrait mieux qu’il lâche Hélène Ségara. Enfin lui re dire. Parce que chaque fois, ça sert à rien. Même si je le bloque. Le lendemain, il remet ça. Avec une adresse différente. Du coup, tous les matins j’ai ma petite chanson à l’eau de rose qui pue bien l’eau précieuse. Et qui met du baume à la naphtaline dans mon cœur. Un peu de chaleur. Je me dis que quelqu’un m’aime. En ce bas monde !… Que quelqu’un pense à moi.
Tu m’as crue ? C’est vrai? Ça va pas la tête ?!… Ben non hein !!!… Beeeeuuuuurrrrrkkk. Je me déplace même plus. J’en ai marre de cliquer. Encore, y’aurait des surprises. Un petit Isabelle Boulay de temps en temps. Un petit Lara Fabian. “Je t’aime. Comme un fou. Comme un soldat. Comme une star de cinéma”. Même si je veux pas qu’on m’aime comme ça, ça changerait. Là, ça donne l’impression d’aller au taf. A force. De prendre toujours le même métro. La même destination connue. Et de parler avec des collègues à la machine à café. “Tu ne sortiras pas indemne de cet amour avec moi ?… C’est ton problème mon grand. J’ai envie de te dire. Je t’ai rien demandé.” Non mais c’est vrai. Ils sont pas gênés, les gens, de t’aimer. Comme ça. Sans ta permission. Ça se fait pas. Si? On a le droit d’aimer qui on veut ? Et si je veux pas ? Moi ? Si je veux pas qu’un mec qui tripe sur Hélène Ségara, il me kiffe ? J’ai pas le droit ?
Sans compter que je deviens parano avec toute cette histoire. Moi qu’avais arrêté !… C’est malin ! Je sors, je me mets à regarder partout. Sursauter quand on me dit “Vous êtes Caroline K ?”… “Ouais… comment tu le sais ? Ah !… C’est mon tour ? J’avais RV… oui c’est vrai ! Vous avez raison”. C’est pas une vie pour moi. De soupçonner tout le monde. Même ma coiffeuse quand elle me caresse la tête un peu trop langoureusement !… Parce que ça se trouve, c’est une meuf, même ?!… Je trouve ça tellement suspect. Un mec. Enfin tu vois quoi. Et si un inconnu surgit de nulle part, et qu’il m’offre des fleurs. Je fais quoi ? Je me mets à danser avec un réverbère en levant les bras ? Comme ça ? Avenue Lhiers ?
Je suis connue, dans mon quartier !…
“Ça se trouve il est mignon”, elle me dit ma copine. “Et romantique”. Lol. Mais quand bien même ce serait Georges Clooney (enfin le sosie de Georges Clooney on va dire. Parce que le vrai, même s’il écoutait du Jordy, hein… “What else ?!”… Non ?), un gars qui écoute de la sous variété, c’est ré-dhi-bi-toire. Pour moi. Pire que s’il regardait le foot. Ou qu’il faisait du tuning. T’es fou ? C’est des coups à se retrouver dans « Confessions intimes » ça… Tu parles d’un romantisme !
Toute façon moi l’amour, j’ai arrêté. Y’a dix ans. Après la mort de Bat(2), mon mec. Je te l’avais déjà dit, je crois. Que je fêtais plus la Saint Valentin depuis 2001. Après, ça veut pas dire que j’ai jamais plus eu d’amoureux tu vois. Des amoureux, j’en ai toujours eu. C’est moi qui le suis plus. Depuis. J’y arrive plus. Encore moins le 14 février. Toute façon la Saint Valentin, j’y crois pas. Je préfère m’engueuler, moi, ce jour là. Ou fêter Noël. Un truc en décalé quoi… Avec de l’imagination. Du « fun ». Du vrai. Des épices. Des aromates… Et du sucré, aussi. Là, avec les contes de fée qu’ont suivi, j’avais juste envie de rester chez moi. Toute seule. Ce jour là. Avec un bon film. Un joint. Et une coupe de champagne.
Le premier, après Bat, je l’ai quitté parce que je croyais qu’il ressentait tout comme moi. Vu qu’il avait perdu sa meuf. Lui aussi. Y’a dix ans. Quand il avait vingt ans. Mais c’était loin pour lui. Il avait oublié. Alors que moi, j’en étais encore au stade ou si je restais en vie, c’était pour pouvoir penser à lui. Encore et encore. Toujours. Alors quand il m’a dit : « Mais il est mort ton mec… il t’a quitté : il s’est suicidé tu comprends ? Sui-ci-dé. C’est de l’amour pour toi, ça ? », je savais pas s’il avait tort. Ou s’il avait raison. Le suicide moi, je me pose plus trop de questions. Je suis vaccinée. On va dire. C’est quand il a insinué que lui, en revanche, il était là… et que j’aurais préféré qu’il le soit pas, que j’ai rompu. Tu me trouves méchante?
Après, c’est vrai, j’avoue : j’ai connu deux trois histoires glauques. Des gars que je prévenais de pas s’attacher. Mais qui respectaient pas le contrat. Des narvalos en instance de divorce qui me faisaient rêver dans les gondoles des supermarchés. Voyager jusqu’à Ikéa. Qui me racontaient la vie. En proverbes. Faisaient des plans sur la comète en te parlant PEL. Aventures et Villégiatures. La vie. Pas avant la retraite. Noel chez sa mère. Et tout le tralala. Le baltringue qui croit que tu vas craquer parce qu’il te demande de quelle couleur tu voudrais repeindre les toilettes. Et la salle de bain. Alors que, qu’est ce tu t’en fous : t’habiteras jamais là. Le genre qui t’appelle « sa petite femme » après deux petites nuits d’égarement. Ou qui te dit “nous” en parlant de lui et de toi. Comme si ça existait : “nous” ! Et pis j’en ai eu marre. Overdose du bouffon qui veut tout quitter. Divorcer. Et refaire sa vie avec toi. Comme si ça se refaisait, une vie. Sans compter que si t’étais avec lui, c’était surtout parce qu’il en avait déjà une. De vie. Une qui prendrait jamais toute la tienne. Et je te passe l’épouse jalouse qui te harcèle. Que tu connais ni d’Eve. Ni de Adam. Et qui te supplie de lui rendre son mari. Comme si c’était juste un stylo. Ou un briquet. Et que tu voudrais bien… toi. Mais que c’est lui qui veut pas. Ras le bol des mecs qui se sentent obligés de partager des choses avec toi. Restos. Cinés. Conversations. Alors que t’as des tas d’amis, déjà, pour faire ça : Sortir. Parler. Délirer. Rigoler. Alors que t’as juste envie de lui dire : “Chépa? T’as pas une autre idée, là ? Un truc que je peux pas faire avec les autres, par exemple ?”. Parce que voilà quoi. Faut être logique. Ça sert à quoi d’avoir un mec si tout ce qu’il te propose, tu peux le faire avec tes amies, j’me dis ?!… Si c’est pour l’écouter te raconter sa vie pendant que tu te dis que t’aurais mieux fait de rester devant secret story ? Les petits diners en amoureux, faut quand même des affinités pour avoir envie de passer plus d’une heure en tête à tête avec quelqu’un,. Je sais pas moi. Sans parler de passion. Sans aller jusqu’à la fusion. Jusqu’au truc atomique qui explose… deux trois atomes crochus. Quelques étincelles. Et on fait un feu d’artifice. Que Diable !… Quelle ennui ! Quelle monotonie. Même Bat avait l’air plus vivant. A côté. Et même Mohamed. Peut être qu’on avait droit qu’à deux amours par vie ! Deux amours immortels. Qui pourtant, l’étaient bel et bien. Et que après, y’avait plus rien!
Moi l’amour, faut que ça me transcende. Que ça me fasse croire que tout est possible. Construire une île au dessus du monde. Ou un navire. Une maison sous les étoiles. Allumer le soleil. Des lumières au fond de la mer. Trouver de l’eau dans le désert. Faire pousser des fleurs. Dans la douleur. Des couleurs. Dans le désespoir. Voir. Dans le noir. Des papillons de nuit s’envoler en plein jour. Croire. Que le feu ça brule pas toujours. Qu’il y a de la mort dans l’amour. Des soupirs. Sous des ponts. A Venise. Écrire. Des poèmes. Des mots providentiels. Des ailes. Des allégories dans le ciel. Ne jamais dire je t’aime… Enfin tu vois ? Tout ça quoi ! Comme Hélène Ségara. Un peu… o_O Faut que ça m’inspire. Sinon ça sert à quoi ? Ah l’amour !… C’est fou comme ça change pas ! Comme tu peux pas le tuer. Ni le fuir. Même en courant plus vite que lui. Partout. Surtout où il est pas. Même y en résistant. Ni corps. Ni âme. Moi je croyais qu’au bout de dix ans, c’était fini.
Alors je te rassure hein : je vais pas te raconter ma vie sentimentale. Mais c’est pas mon fan de Hélène Ségara. C’est un homme quoi. Un vrai. Pas un truc en plastic que j’ai pécho sur Meetic. Un vrai truc. Avec de l’aventure. Du mystère. Des risques. La vraie vie, quoi.
Je sais même pas comment il a fait. Pour réveiller mes vieux démons. Ouvrir la porte. Ranimer des souvenirs que j’avais enfermés. A jamais. Dans les couloirs de ma mémoire morte. Re-susciter les émotions que j’avais étouffées. Je sais même pas s’il a fait quoi que ce soit. En fait. Ca se trouve, c’est moi. Tout ce que je sais, c’est qu’il est beau. Intelligent. Instruit. Tellement charismatique que lui, par contre, je pourrais même l’assumer devant Fifi. Ou devant mes jeunes. Si j’étais obligée, je veux dire. Si au pire, on se croisait par hasard. Quelque part. Eux et nous. Alors que les autres, c’était comment dire… plus aléatoire. Plus délicat aussi. Ça les vexait que je les invite jamais. Que je leurs présente pas les êtres les plus chers de ma vie. Fallait toujours que je prenne mille paires de gants pour leurs faire comprendre que non, n’importe quoi, j’avais pas honte d’eux, c’était pas ça… C’était juste que pas mélanger l’amour et l’amitié… Ma vraie vie. Avec mes aventures. Privées. C’est tout ! Et pis arrête de me taper un scandale. Y’a des gens. Tu vois pas ? Autour de nous. Je voudrais pas qu’ils croient qu’chuis ta meuf !
Ben lui tu vois, il s’en fout de tout ça. Toutes ces broutilles. Ces pacotilles. Il voit la vie comme moi. Panoramique. Surround. L’amour comme une symphonie. Pas comme du Hélène Ségara.
Allez arrête petit… Vas sur tes mille boites mails et supprime mon adresse. Tu veux?
OUBLIE MOI …
PS : Si tu veux je te présente des copines. Les filles ?!… :)
RE-PS : J’existe pas, en vrai.
RE-RE-PS : Je suis un homme.
(Ca fait drôle de dire ça : “Je suis un homme.” C’est la première fois que je prononce cette phrase !…)
RE-RE-RE-PS : Facebook : je sais que c’est pas toi, t’inquiète. Toi, je te vois TOUS. Ou alors si je te vois pas, je te supprime. Tu vois ? Et pis je sais très bien que tu vas pas m’envoyer du Hélène Ségara. Ou alors on se serait mal compris ? Lol !… J’rigole. Je sais que tu me connais. T’en fais pas… Toi ça me dérange même pas que tu me donnes des petits noms mignons.
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