Impulsion

Publié le 13 décembre 2010 par Addiction2010

Cela m’a pris hier. C’est impulsif, déraisonné et déraisonnable, je ne vais pas chercher à le combattre. Il s’agit d’écriture, bien sûr. Elle s’impose de nouveau à moi. C’est le point de départ d’une histoire qui m’a traversé l’esprit. Est-ce ma vie, est-ce une vie rêvée ? Les évènements, les circonstances pèsent sur ce qui me vient et j’aurais sans doute d’autres pensées, d’autres envies peut-être que celle d’écrire, qui est plus une nécessité d’ailleurs, si ma vie était plus rangée, plus simple, plus conforme à ce que les plans établis par d’autres disaient.

Comment puis-je envisager de me lancer dans cette nouvelle aventure ? Les deux textes dont des extraits sont publiés sur ce blog ne sont même pas achevés et je me demande parfois s’ils se seront un jour. Certes, j’ai posé le point final, pour chacun d’eux, mais est-ce que cela signifie que le travail est terminé ? Il le serait si j’étais satisfait de ces romans. Je ne le suis pas. « Addiction » a rempli son rôle, de libération, mais il reste trop près de la réalité, il ne donne pas assez de place à ses vrais sujets et laisse le cours, anecdotique, de l’histoire prendre le dessus. Il faudrait soit que j’élague au milieu, soit que j’étoffe la fin, et peut-être le début. Quant à « Crime passionnel », il est enlisé dans une quête sans issue et si j’ai décidé qu’il devait s’arrêter là où il en est, c’est aussi que l’essentiel est dit, que finir, quel que soit le sens, n’apporte rien et ne m’intéresse plus guère. J’ai pourtant envie de reprendre ce texte, mais je dois d’abord le laisser décanter.

Ecrire ! C’est une drogue aussi. Je m’en sers une petite dose chaque jour avec ces billets qui font ce blog. Oui, il est devenu un blog, c'est-à-dire un journal qui au lieu d’être intime est impudiquement exposé au monde. Il prend parfois des tournures qui me surprennent. Quand De Gaulle me renvoie au nord, et le 11 novembre à une enfance si lointaine, ou quand j’essaie de communiquer cette étrange sentiment qu’éveille la Chine à l’occasion de voyages que je n’ai pas choisis. Le plus étonnant, ces derniers temps, reste tout de même cette rafale de haïkus qui s’est imposée, un matin, sur le quai d’une gare. Ce blog, c’est ma dose quotidienne. Elle m’est aussi indispensable qu’elle est envahissante. Quelle énergie me laisse-t-elle ?

Et puis, où est le temps ? Je dois aussi me consacrer à un travail qui n’est certes pas passionnant, qui est ennuyeux même certains jours, mais qui me procure une feuille de paie tellement indispensable. J’ai beau savoir que mon implication n’a que peu d’effet sur l’éventuelle considération qu’on me porte, ou sur le sort qu’on me réservera, j’essaie tout de même de ne pas le négliger. C’est une grande entreprise, chacun y est anonyme et je sais bien que si je le veux, je peux passer la matinée, ou l’après-midi à écrire au lieu de me livrer à de savants calculs, au lieu de produire ses fameux « reportings » si indispensables que personne, sans doute, ne regarde. J’ai pourtant un reste de morale, de morale bourgeoise, celle que réprouve tant le personnage de « Crime passionnel », qui m’oblige à sauvegarder, au moins quelques apparences.

C’est dit, je n’ai ni temps, ni énergie pour ce nouveau texte qui s’impose, insidieusement, à moi. Et pourtant, il va venir, se construire, et peu à peu m’emporter. Je ne sais pas ce qu’il sera. Un roman, une nouvelle ? A ce stade, quelle importance ? Il est là, il s’impose déjà et s’est emparé d’une part de moi. C’est lui déjà qui me force à exposer ici son existence, comme s’il voulait faire entendre à tous le cri du nouveau né, comme s’il voulait que sa présence ainsi montrée soit irrévocable. Pourtant, il n’est rien, juste une idée, une circonstance et une résolution mais il est là, bien réel qui impose sa marque. J’hésite à en dire plus sur lui, sur cet être vivant qui va m’habiter et m’envahir. Peut-être dois-je laisser filtrer la résolution qui, de toute manière constituera le début de ce texte. Elle est simple, sans doute simpliste. Il s’agit de dire « je t’aime » à une femme. Une femme, que celui qui sera le narrateur, qui n’est pas moi, ne connaît pas. Ces mots, je les ai dit à une femme il n’y a pas si longtemps, je ne peux plus les lui dire et parfois, je doute de les avoir vraiment pensés. Ces mots, j’ai eu envie de les dire à une autre, à qui je les ai dit souvent et depuis tant d’années mais est-ce encore possible ? Et ces mots, sous la forme de « je vous aime », je les ai aussi écrits à une autre encore, que je ne connais pas, que je ne rencontrerai probablement jamais, qui m’avait, un instant, par les mots qu’elle a tressés, offert le rêve de l’évasion. Elle se reconnaîtra. Je ne regrette ni ces « je t’aime », ni ce « je vous aime » impulsif, naïf et sincère.

Voilà, je suis de nouveau l’esclave de l’écriture. Douce servitude en fait.