Je suis allée voir un film sorti le 8 décembre, Les trois prochains jours, avec Russell Crowe. J'avais fait une petite recherche internet après avoir vu l'affiche, et constaté que le synopsis était identique à celui d'un film français que j'ai vu en DVD il y a plusieurs mois, Pour elle, par Fred Cavayé et avec Vincent Lindon et Diane Kruger. Et pour cause, le réalisateur Paul Haggis en a fait un remake.
A partir de ce moment, il fallait absolument que j'aille voir ce film. J'avais beaucoup aimé la version française, et puis pour quelqu'un qui comme moi étudie les différences de culture (et la différence franco-américaine est celle qui me passionne le plus), cette adaptation est du pain bénit.
Je l'ai donc vu, en version originale (un bon point pour les cinés parisiens) mais sous-titrée en français (dommage, mais je peux comprendre qu'il ne soit pas rentable pour les cinés de passer des VO sans sous-titre, ou même sous-titrées dans la langue originale).
Et c'est un bon film. Pas assez bon pour me faire oublier Pour elle, mais je crois que si je n'avais pas vu ce dernier avant, j'aurais été aussi marquée par ce remake que je l'avais été à l'époque. Le thème, pour ceux qui ne connaîtraient aucune des deux versions, se résume finalement à: une fois les recours légaux épuisés, jusqu'où peut-on aller pour sauver une personne que l'on aime? Sur cette question s'en greffent d'autres, comme: jusqu'où garder la foi en l'innocence de cette personne quand personne n'y croit plus? A-t-on le droit de tout risquer quand on a un enfant? Est-on prêt à devenir une autre personne et à faire le mal pour atteindre son objectif? Il y a matière à débattre, sans aucun doute...
Comme je l'avais remarqué dans la bande-annonce, beaucoup de scènes ressemblent énormément à celles de Pour elle - Paul Haggis a même calqué celles qui selon moi étaient les meilleures dans le film français, ce qui prouve déjà qu'il a bon goût. Le tout est adapté aux Etats-Unis et à l'actualité - une petite référence à la crise économique, des noms de villes américaines.
Et puis certaines choses sont un peu modifiées, surtout vers la fin - disons, la façon d'arriver à la fin. Je cite une interview de Paul Haggis trouvée sur Internet: "I always wanted to do a thriller or caper movie and I thought there were very interesting questions that were raised in Pour Elle that weren’t truly explored enough and I wanted to explore them a little deeper. I was pretty faithful to the plot. I didn’t add much to it. It was the characters I wanted to delve into deeper." *
Concrètement, la question que Haggis a vraiment approfondie, selon moi, c'est celle de l'abandon possible du petit garçon pour arriver à s'enfuir (comme le dit le criminel à qui le héros demande des conseils, et je cite de mémoire: "il faut être capable de laisser ton gamin sur une station d'autoroute"), qui était moins étudiée dans Pour elle. Ce n'est pas inintéressant mais cela reste relativement consensuel sur la résolution et ce ne sont pas les meilleures scènes du film à mon goût.
J'ai trouvé les personnages de policiers plutôt intéressants, même si leur nombre important empêche de vraiment bien connaître un seul d'entre eux. Cela fait un moment que j'ai vu Pour elle, mais je ne crois pas que les persos de flics y étaient aussi développés.
Pour ce qui est de l'interprétation, les acteurs sont tous très bons et il me paraît difficile de départager Vincent Lindon et Russell Crowe, chacun jouant bien sûr avec son bagage français ou américain. Dans les deux films, j'ai particulièrement remarqué le père du héros, tout en subtilité dans un rôle quasi muet (pardonnez-moi si je ne retrouve pas le nom des acteurs). Le petit garçon s'en sort aussi très bien.
Le reste des modifs est relativement "insignifiant" selon moi - du point de vue cinématographique et narratif, car rien n'est insignifiant du point de vue culturel.
Je remarque par exemple que le covoiturage (utilisé par Vincent Lindon dans Pour elle pour passer entre les mailles du filer, car seuls les véhicules ayant pour seuls passagers un couple et un enfant sont vérifiés), qui avait dans le film français un côté écologique, organisé par Internet, devient une simple affaire de circonstances quand le héros propose à un couple bloqué par la fouille de la gare de les emmener en échange d'une participation au prix de l'essence...
Oh, et une scène complètement zappée dans Les trois prochains jours, je ne sais pas si c'est par manque de temps ou quelque chose de plus profond: dans Pour elle, le fils du héros trouvait le pistolet que ce dernier s'était procuré et jouait avec, causant une belle frousse au papa imprudent...
Autre ajout de Paul Haggis: un cours du héros (qui est prof) sur Don Quichotte, avec une citation sur la folie ou du moins l'irrationalité - qui nous ramène à une question que le héros lui-même ne se pose jamais, celle de l'innocence de sa femme.
Je trouve, pour finir, assez amusante cette "manie" que les Américains ont de faire des remakes de films français pour en suite nous les refourguer en France. Aucune critique là-dedans, c'est juste, là encore, intéressant culturellement, car de notre côté, nous nous contentons de faire nos propres films (et si nous pompons sur les Américains, nous faisons attention à ce que cela ne se voie pas trop) et sommes déjà bien contents s'ils sont un peu exportés.
Cela avait été le cas de Pour elle, qui était devenu en anglais Anything for her. J'ai trouvé sur Internet cette affiche - que je trouve d'ailleurs plus appropriée au contenu du film que l'affiche française (voir plus haut dans mon article).
* Traduction: "J'ai toujours voulu faire un thriller ou une comédie et j'ai trouvé qu'il y avait des questions très intéressantes soulevées dans Pour elle qui n'étaient pas vraiment assez explorées et je voulais les explorer de façon un peu plus approfondie. J'ai été plutôt fidèle au scénario. Je n'y ai pas ajouté grand-chose. C'est les personnages que je voulais creuser plus."