Par Sophie Verney-Caillat | Rue89 | 07/12/2010 | 18H54
Vaccin pour prévenir le cancer du sol de l'utérus
Les autorités ont interdit une pub vantant les mérites du Gardasil, vaccin contre le cancer du col d’utérus à l’efficacité non prouvée.
Une publicité en faisant un peu trop sur le Gardasil, le vaccin de Sanofi Pasteur contre le cancer du col de l’utérus, a été interdite. Il fallait lire le Journal officiel du 22 septembre 2010 pour l’apprendre et comprendre que tout le monde n’est pas convaincu de l’efficacité de ce produit.
Il est reproché à Sanofi Pasteur, dans le supplément « spécial congrès » de la revue hebdomadaire Impact médecine, d’avoir fait une publicité inexacte pour son vaccin Gardasil. Interrogé, Sanofi Pasteur MSD « prend acte » de la décision et refuse de la commenter.
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a beau expliquer qu’elle interdit régulièrement des publicités pour des médicaments et qu’elle ne communique jamais dessus, celle-ci est particulière. Ce qui nous a alertés ? Dans la motivation de l’interdiction, l’Afssaps écrit :
« En l’état actuel des données, il n’y a pas d’étude démontrant un effet préventif de la vaccination sur la survenue des cancers, le délai entre l’infection et l’apparition d’un cancer invasif étant estimé à quinze à vingt-cinq ans. »
Il faut donc comprendre qu’il n’est pas établi que le vaccin Gardasil prévienne le cancer du col de l’utérus. Étonnant, dès lors, qu’il soit remboursé à 65% par l’Assurance maladie et recommandé à coups de campagnes éducatives financées par le labo…
Rappelons que le cancer du col de l’utérus est causé par le virus HPV (papillomavirus humain). Le vaccin protège contre quatre génotypes de ce virus.
Un impact réel connu dans une décennieComment expliquer que l’on rembourse et conseille un vaccin dont l’efficacité n’est pas prouvée ? Comme nous l’écrivions déjà il y a un an et demi, les bénéfices attendus ne sont pas absolument démontrés.
A la Haute autorité de santé, on nous explique que l’autorisation de mise sur le marché a été délivrée par l’Agence européenne du médicament (EFSA), suite aux essais cliniques présentés par le laboratoire. Ensuite, le service médical rendu a été jugé « important » mais l’amélioration du service médical rendu est qualifiée de « modérée » (par rapport au frottis).Le discours de la Haute autorité de santé vire un peu au jeu de piste. Ainsi, dans son« état des lieux et recommandations » daté de novembre dernier sur le sujet, on peut lire :
« L’impact réel de la vaccination sur le dépistage ne sera pas connu avant au moins une décennie puisque sont vaccinées les jeunes filles à partir de 14 ans, les premières vaccinées n’entreront donc dans le dépistage que dix ans plus tard [le dépistage par frottis ne démarrant qu'à 24 ans, ndlr]. »
Dans le même document, il est écrit (page 22) que :
« L’augmentation du taux de couverture du dépistage [par frottis, ndlr] joue un rôle plus important sur la baisse du nombre de cancers et de la mortalité associée que l’augmentation du taux de couverture du vaccin. »
Certains médecins qui ont suivi le dossier ont d’ailleurs décidé de ne plus conseiller le vaccin mais de plutôt mettre l’accent sur le seul suivi régulier par frottis du col.
Des conflits d’intérêts manifestes à la Haute autorité de santéPour mieux comprendre ce qui amène les autorités à protéger absolument ce vaccin, il faut regarder, comme dans l’affaire du Mediator, du côté des pressions exercées par le laboratoire, dans le cas présent, Sanofi Pasteur, géant français de la pharmacie.
Le plus pertinent est de rechercher les conflits d’intérêts concernant les experts. Ainsi, dans le groupe de travail « Stratégies de dépistage du cancer du col de l’utérus », qui s’est réuni pendant plus d’un an pour éclairer les politiques publiques, on trouve des personnes ayant plusieurs casquettes.
Pour ne citer que deux exemples : Jean-Jacques Baldauf, dans sa déclaration de conflits d’intérêts, mentionne qu’il est « investigateur principal » sur le Gardasil pour Sanofi Pasteur ;
sa consoeur Brigitte Letombe, outre des missions ponctuelles pour les laboratoires fabricant ce vaccin, signale à la rubrique « autre » de la longue liste des conflits d’intérêts, qu’elle travaille pour la communication de Sanofi depuis janvier 2009.
Sans préjuger de leur impartialité, on peut se demander s’il est normal que les politiques de santé publique coûteuses et à l’efficacité incertaine soient inspirées par des médecins aussi liés financièrement aux laboratoires.