Magazine Journal intime

Jour 38

Publié le 14 décembre 2010 par Miimii
Jour 38

Je me rappelle de mon premier jour à la fac à Paris. Je me suis assise à côté de cette fille. On a sympathisé, et depuis ce jour nous sommes devenues amies. Les deux premiers mois d’université, j’ai eu une overdose de tunisiens à Paris, du Mabillon, du Montecristo... et de tous les repères Tuniso-parisiens. Cette fille s’appelle S. Schmidt, elle est de religion juive, et elle vit à Paris où elle fait les mêmes études de marketing que moi, et notre relation s’est étoffée chaque jour, chaque cours, chaque soir de Ramadhan et chaque jour de Shabbat. C’est devenu mon amie, ma confidente, ma compagne... J’ai eux d’horribles moments pendant mes études, je suis tombée dans tous les excès et tous les mauvais pas qui ont croisés ma route... Elle était là, toujours là, jamais pour me dire que j’avais raison ou tort mais pour me dire ce qu’elle pensait, comment elle voyait la chose, et pourquoi il fallait qu’elle me blesse quand il le fallait... L’amitié... je l’ai découverte sincèrement et dans ses coins et recoins grâce à elle.

Je rentrais pour les vacances ou pour l’été... et elle me manquait, alors on a décidé de s’inviter chacune chez l’autre pour les vacances qui s’allongent... du coup j’allais souvent en Espagne près de ses parents, du côté de Cordoba et elle venait souvent à Tunis, près des miens... et une fois l’an nous allons faire un pèlerinage dans notre destination de prédilection... Marrakech. Ces habitudes durent depuis 6 ans.

Au cours de la 2ème année, je trouve le vide intersidéral de la vie sentimentale de S. un peu douteux et il me faut quelque mois pour comprendre que les hommes n’ont pas beaucoup d’intérêt pour elle à part en tant qu’amis, et elle en a énormément des amis... et qui même, si ils courent derrière elle un temps (parce qu’elle est vraiment jolie et attirante) finissent par comprendre le message.

S. préfère les filles.

Quand j’apprends enfin la nouvelle de source sûre, c'est-à-dire par sa bouche à elle... qui me l’annonce comme si elle me testait pour savoir si ça me choque ou pas. J’ai pris la nouvelle comme une grande nouvelle quelque chose de rassurant, de plutôt normal et de compréhensible. Je ne suis pas du tout ce genre de filles qui est choquée par cette chose complètement contre nature. Non, je ne pense pas que c’est « contre-nature »... c’est peut être pas dans l’ordre « naturel » des choses, mais ce n’est pas un choix qu’on fait. Je l’ai vécu avec quelqu’un de proche, de très proche... et je sais qu’il ne s’agit pas du tout une orientation pour laquelle on opte, mais plutôt que tendance qu’on subit, qu’on cache, qu’on réprime.

Les premiers jours, je me suis posée des questions sur ma relation avec elle. Etait-ce vraiment de l’amitié entre nous ? Jusqu’au jour où après une disparition de quelques jours pour me laisser « digérer » la nouvelle... elle revient pour me dire : « Tu m’as plu... je l’avoue, mais j’ai toujours su que notre histoire était impossible, parce que toi tu es complètement hétéro, et c’est ton côté hétéro qui me repousse. Alors, je me suis peut être posée des questions pendant un jour ou deux mais après j’ai complètement intégré la notion d’amitié... et tu n’as jamais été autre chose qu’une amie... à qui on ne pouvait pas dire la vérité, de peur de la perdre. Aujourd’hui, je me sens mieux que tu saches la vérité, et quelque sera ta décision, je la respecte et j’ai l’habitude d’être jugée comme une chose contre nature. »

Je ne l’ai jamais jugée, et je l’aimais encore plus, la protégeais, la conseillais... unies envers et contre tout. J’ai appris à reconnaître quand quelqu’un lui plait ou pas, quand elle tente de séduire, quand l’autre personne est réceptive ou pas... et j’ai 88% de réussite au test de « Reconnaîtrais-tu une fille qui préfère les filles ?».

Je pense que moi qui ai toujours attiré les foudres des filles qui m’ont toujours trouvée, crâneuse et hautaine... avec elle je ne rencontrais aucun problème de jugement XX vs. XX (on parle bien de chromosomes).

Bref, ce que ne me pardonnais pas les garçons et ceux pourquoi mes copines me jugeaient, m’enviaient, me détestaient... elle, elle lui trouvait une explication. Elle a été tout simplement mon ange gardien, et d’ailleurs elle l’est toujours.

Quand je suis rentrée à Tunis, pour bosser et retrouver ma famille, elle est restée à Paris, loin des siens, pour garder son secret très secret... et pour éviter de souffrir en se faisant harceler de questions « Une aussi belle fille que toi, célibataire ?... on va te présenter untel... »... c’était la rengaine chez elle !! Quand on y était toutes les deux on prétextait qu’on sortait avec deux frères à Paris.

On s’est vraiment éclatées à se foutre de la gueule de nos parents... on était toutes les deux rebelles... :) et on prenait un malin plaisir à faire chier nos mères.

S. adore la Tunisie, elle se sent comme chez elle, et elle y fait des petits sauts dès qu’elle peut. Elle se sent en famille chez moi... et mes frères et sœurs l’adorent. Il y a trois ans, à Hammamet, elle rencontre Rym une de mes amies. Toutes les troiss, nous avons été le trio infernal de l’été.

Je me doutais qu’il y avait un jeu de séduction entre elles, mais je n’avais jamais imaginé que Rym préférait aussi les filles... Je ne suis pas ce genre de personne qui s’attarde sur le cas des autres, j’avais déjà assez de problèmes avec ma personne, je volais les instants d’amusement et de bonheur quelque soit le vis-à-vis... les garçons s’en rappellent des ravages de cet été là... Ils nous ont suivies tout l’été nous ont gâtées, chouchoutées, mais aucun n’a réussit à conclure... Il y a avait de l’amour un peu plus chaque jour... qui naissait mais pas dans un couple mixte.

Elles ont eu le temps d’asseoir leur relation, me l’ont déclarée au bout de 6 mois. Je pense avoir été la personne la plus heureuse du monde, les voir finalement, toutes les deux si bien...et trouvant un équilibre pour lequel elles ont toujours envié toute la terre. Elles sont en couple, l’affichent, l’assument et je cautionne à 100%.

Peu importe qu’il s’agisse de deux filles, d’homosexuelles, de lesbiennes, d’appeler ça comme vous voulez... elles forment un couple... qui est régi par les même règles que n’importe quel autre couple, le respect, l’admiration, le soutien, l’amour... mais il est plus solide parce que leur quête du bonheur défie les lois sociales... et elles bataillent pour y arriver, et ce n’est pas facile tous les jours... je les défends, je suis à fond avec elle... parce qu’elles sont bien plus heureuses que certaines de mes amies ou filles de mon entourage, qui ne vivent pas ce qu’elles veulent, qui n’arrivent pas à trouver l’amour, le respect et la compassion qu’elles attendent de la vie. La notion d’être « 2 ».

D’un point de vue purement religieux, elles me disent toutes les deux : « Nous sommes déjà homos, alors deux homos, une « presque » musulmane et une « presque » juive... ça change pas grand-chose, c’est toujours pas toléré. » Pourquoi « presque » parce que même si elles croient en les préceptes de ces deux religions, les religions, elles, les rejettent... elles se réconfortent à l’idée d’être deux, ensembles plutôt que d’avoir à supporter ce fardeau seules, chacune de son côté, en créant leurs propres règles dans une situation dans laquelle elles se sont retrouvées parachutées...

Tout ça pour vous dire, que S. et Rym on décidé de s’installer ensemble. Quelles ont décidé de former un duo, sur le même sol, d’avoir un avenir et de construire ensemble, et que j’en suis la plus heureuse car je trouve une grande sincérité dans ces deux cœurs, beaucoup d’affection, peu de jugement et un énorme mépris pour la société. L’une est pédiatre et l’autre peintre, elles sont toutes les deux, et chacune toute seule pleinement respectées et réputées dans leur domaine, personne ne sait pour leur vie privée, personne ne s’en doute, elles sont tellement « normales »... et certainement, personne ne se doute de la joie qui emballe leurs cœurs, de pouvoir vivre ensemble, sous le même toit, pour partager, construire et grandir de leur amour.

Je suis transportée de joie de voir qu’elles vont enfin arrêté de souffrir de la distance et se retrouver... Je pourrais les avoir toutes les deux ensemble pour moi quand je les vois... que ce soit à Paris, Tunis ou ailleurs... C’est un grand jour, et je salue leur décision et leur courage.

PS : Maintenant tout le monde sait pourquoi le petit blondinet qui me vend les DVD, me menace de dire à la société entière que je suis homosexuelle parce que je regarde The L word et The real L word. En fait, je les regarde avec mes amies, on débat, on polémique... et on en rit. Petit Skan, comme ça, c’est dit... Je peux changer de fournisseur quand je veux... ou alors te présenter mes copines pour accroître tes ventes de DVD... :))




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