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Bénache

Publié le 15 décembre 2010 par Addiction2010

 

Il faudra bien que j’écrive à nouveau sur le nord. Et sur l’accent drôle. J’aime bien cette formule qu’un de mes anciens condisciples, devenu comédien et investi dans la culture régionale, comme on dit là-bas, a utilisée pour l’un de ses spectacles. C’est la lecture d’un petit texte, écrit par l’une de ces amies virtuelles, comment les désigner autrement, avec qui j’échange ici et ailleurs, qui m’a fait replonger dans ces souvenirs. Elle y évoque un patois qui n’est pas le mien, mais qui, comme lui, a été longtemps combattu avant de revenir à la mode durant les années 70.

Ah, mon cher vieux patois que je n’ai jamais vraiment parlé, que certains affublent du nom de « chti » alors qu’il est une forme de picard. Car ce « chti », venu à la mode, n’est souvent qu’un mélange de français, parfois de français déformé, et d’un vieux fond patoisant dont sont absents ces mots qui étaient si proches d’un vieux français, langue dont ils ont aussi disparu. Je revois ma grand-mère, née vers 1900, tellement surprise quand je lui demandais de me citer quelques mots de patois pour un devoir d’école et de m’expliquer ceux que je ne comprenais pas. Qui sait aujourd’hui ce que signifie le mot « buresse », trouvé dans un poème de notre Marceline ? C’est que pour sa génération, école et patois ne faisaient pas bon ménage. Le français était la langue de l’école, le patois celle des jeux, de la maison et de la rue où, petit à petit, le français a aussi pris le pouvoir. Quelques mots ont résisté : je n’ai appris que fort tard que « wassingue » n’était pas un mot français. Qui dirait encore aujourd’hui « va quer eun glen à l’cens » ? Il est vrai qu’on dira, pragmatique, « va chercher un poulet sous blister à Auchan ». Ne cherchez pas à trouver les mots, ma traduction n’est pas de ce registre, d’ailleurs c’est ainsi que devraient être toutes les traductions.

J’ai même perdu l’accent. Je l’entends quand d’autres parlent, cela me fait sourire en pensant qu’autrefois, moi aussi j’avais l’accent drôle. Ce n’est pas sans plaisir que je fais parfois remarquer aux opérateurs de certains centres d’appels que j’entends à leur voix qu’ils sont bel et bien toujours installés près du siège de leur société, dans mon Nord natal, et que s’ils ne l’entendent pas, je suis un compatriote! Je peux même retrouver cet accent drôle que personne ne nous envie Et pourquoi ne nous l’envierait-on pas d’ailleurs ? Serait-il laid ? Bien sûr, l’accent provençal est officiellement celui des vacances, celui de quelques vieux films aussi mais qu’a-t-il de plus joyeux, de plus beau que le nôtre ? Il paraît que notre patois n’est pas noble, qu’il n’est pas écrit. Foutaises ! Nos cousins wallons défendent mieux leur langue, si proche de la nôtre.

Et nos paysages ? Pourquoi ne pas les montrer eux aussi ? Qu’ont-ils à envier à ceux du sud ? Les corons… Oui, il y a eu la mine, les usines, les cheminées qui crachaient leur fumée. Mais souvent, il suffit de tourner le regard, de marcher quelques kilomètres pour retrouver une campagne qui vaut bien celle d’autres pays. J’aime beaucoup visiter un blog qui montre ces paysages de chez moi. C’est plat, c’est monotone, me rétorque-t-on parfois. C’est pour cela que nos ancêtres on élevé des beffrois. Mais pourquoi un pays plat serait-il inférieur à une montagne ? D’ailleurs, nous avons les terrils pour ceux à qui les pentes manqueraient. C’était interdit bien sûr, mais il m’est arrivé de grimper tout in haut de ch’terril. Dire qu’on en a rasé tant pour construire des autoroutes. D’autres sont devenus des « bases de loisir », et même une station de sports d’hiver. Quel destin!

Le fait est que nous sommes tous nés quelque part et qu’il n’y a aucune raison d’en être particulièrement fier. Et d’ailleurs, je me sens plus citoyen du monde que ressortissant d’un pays ou d’un autre. Il m’est arrivé de vivre à l’étranger, j’y ai découvert que je partageais beaucoup avec les autres européens, même nos ennemis héréditaires anglais et j’ai tendance à sauter l’étage de la nation française, sans renier toutefois Valmy, pour rejoindre un ensemble plus large qui n’a pourtant pas de langue commune, si ce n’est ce mauvais anglais qui nous permet de communiquer. Mais c’est aussi en vivant à l’étranger que je me suis senti le plus proche de ces racines plantées là bas entre le Hainaut et l’Artois, au bord des rivières calmes et des canaux qui se fondent dans un ciel d’automne.

Allons, les buveurs de bière valent bien les buveurs de vin !


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