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15 décembre 1922 | Thomas Stearns Eliot, The Waste Land

Publié le 15 décembre 2010 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

   Le 15 décembre 1922 paraît chez Boni and Liveright, à New York, The Waste Land  (La Terre vaine) de T.S. Eliot.

T.S. ELIOT
Source

  Cette publication américaine a été précédée, en octobre 1922, par une première parution du poème dans le magazine de T.S. Eliot, The Criterion, puis, en novembre, dans la revue américaine The Dial. L’année suivante, en septembre 1923, The Waste Land est publié en Grande-Bretagne à la Hogarth Press, la maison d’édition fondée en 1917 par Leonard et Virginia Woolf.


LA TERRE VAINE

  Dédiée à Ezra Pound, « il miglior fabbro », La Terre vaine est un vaste poème qui, au-delà de l’enfer moderne et de la « civilisation défunte » qu’il évoque, proclame l’intuition de l’éternel.
  Composée de cinq livres/cinq temps ― L’enterrement des morts ; Une partie d’échecs ; Le sermon du feu ; Mort par Eau ; Ce qu’a dit le tonnerre ― La Terre vaine met en scène trois personnages, dont les masques varient d’un poème à l’autre. Le Roi Pêcheur ― qui ne fait qu’un avec Tirésias et avec le Marin Phénicien ― attend que le chevalier errant ― Phlébas, Ferdinand de Naples, le noyé du jeu de tarot ― le délivre, lui et son royaume, de la malédiction qui frappe La Terre vaine. Le troisième personnage est une femme aux visages multiples : Cléopâtre, Didon, Madame Sosostris, la reine Elizabeth, la dactylo… Trois thèmes sont abordés dans le cinquième livre : Le voyage à Emmaüs, La Marche vers la Chapelle Périlleuse et le présent déclin de l’Europe Orientale.
  Considéré comme un texte profondément novateur, devenu depuis un classique de la poésie anglo-saxonne, le chef-d’œuvre de T.S. Eliot est placé sous l’égide du Satyricon de Pétrone et s’ouvre sur l’exergue :

  Nam Sibyllam quidem Cumis ego ipse oculis meis vidi in ampulla pendere et cum illi pueri dicerent : Σίβυλλα τί θέλειζ ; respondebat illa : αποθανειν θέλω.

  « J'ai vu de mes propres yeux la Sibylle de Cumes suspendue dans une cage, et quand les garçons lui dirent: « Sibylle, que veux-tu ? » Elle répondit : « Je veux mourir ».

Qui est-ce donc qui marche - ton c-t-

Ph., G.AdC

V. WHAT THE THUNDER SAID | EXTRAIT

After the torchlight red on sweaty faces
After the frosty silence in the gardens
After the agony in stony places
The shouting and the crying
Prison and palace and reverberation
Of thunder of spring over distant mountains
He who was living is now dead
We who were living are now dying
With a little patience

Here is no water but only rock
Rock and no water and the sandy road
The road winding above among the mountains
Which are mountains of rock without water
If there were water we should stop and drink
Amongst the rock one cannot stop or think
Sweat is dry and feet are in the sand
If there were only water amongst the rock
Dead mountain mouth of carious teeth that cannot spit
Here one can neither stand not lie nor sit
There is not even silence in the mountains
But dry sterile thunder without rain
There is not even solitude in the mountains
But red sullen faces sneer and snarl
From doors of mudcracked houses
  If there were water
And no rock
If there were rock
And also water
And water
A spring
A pool among the rock
If there were the sound of water only
Not the cicada
And dry grass singing
But sound of water over a rock
Where the hermit-thrush sings in the pine trees
Drip drop drip drop drop drop drop
But there is no water

Who is the third who walks always beside you?
When I count, there are only you and I together
But when I look ahead up the white road
There is always another one walking beside you
Gliding wrapt in a brown mantle, hooded
I do not know whether a man or a woman
― But who is that on the other side of you?...


V. CE QU’A DIT LE TONNERRE

Après le feu des torches sur les faces en sueur
Après le gel du silence aux jardins
Après l’agonie aux lieux rocailleux
Après les cris et les clameurs
Après la geôle et le palais après l’écho
Du tonnerre printanier au loin sur les montagnes
Lui qui vivait Le voici mort
Nous qui vivions voici que nous allons mourir
Avec un peu de patience

Ici point d’eau rien que le roc
Point d’eau le roc et la route poudreuse
La route qui serpente à travers la montagne
La montagne de roc sans eau
S’il y avait de l’eau nous ferions halte et nous boirions
Comment parmi les rocs faire halte ou penser
La sueur est séchée les pieds sont dans le sable
Si seulement il y avait de l’eau parmi ces rocs
Montagne morte, bouche aux dents cariées qui ne peut pas cracher
Comment rester debout comment s’asseoir ou se coucher
Il n’y a même pas de silence dans les montagnes
Mais un sec, un stérile tonnerre sans nulle pluie
Il n’y a pas même de solitude dans les montagnes
Mais des faces enflammées des faces hargneuses qui ricanent
Au seuil des maisons de boue craquelée
  S’il y avait de l’eau
Et pas de roc
Ou bien le roc
Avec de l’eau
Et puis de l’eau
Une source
Une mare dans le roc
S’il n’y avait que le seul bruit de l’eau
Pas la cigale
Ni l’herbe sèche qui chante
Mais le seul bruit de l’eau sur le rocher
Là où la grive-ermite chante parmi les pins
Drip drop drip drop drop drop drop
Mais il n’y a pas d’eau.

― Quel est donc ce troisième qui marche à ton côté ?
Lorsque je compte il n’y a que nous deux
Mais lorsque je regarde au loin la route blanche
Il y a toujours un autre qui glisse à ton côté
Enveloppé d’un manteau brun, le chef voilé
Je ne sais pas si c’est un homme ou une femme
- Qui est-ce donc qui marche à ton côté ?

Thomas Stearns Eliot, La Terre vaine [The Waste Land, 1921-1922], Éditions du Seuil, 1976, pour la traduction française ; Collection Points Poésie, 2006, pp. 86-89. Traduit de l’anglais par Pierre Leyris.


■ T.S. Eliot
sur Terres de femmes

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