Magazine Journal intime

Le dîner de Noël (ou le dîner de cons???)

Publié le 16 décembre 2010 par Semie
Enfin, il a eu lieu. Le dîner de Noël de notre service. Dans un resto portugais.
Il faisait tempête cette journée-là. J'ai embarqué avec deux collègues pour aller au resto. Comme le stationnement du resto était fait pour au plus 5 voitures, quand on est arrivés, on a dû arpenter les petites rues pour se stationner. Quelques bancs de neige enjambés plus tard, on arrive au resto.
On nous dirige vers le deuxième étage. Il y a deux grandes tables de 16 personnes pour notre service. Quand je suis arrivée, la première table était complète. Je m'assieds donc, avec mes deux covoitureurs, à une extrémité de la deuxième table, tout en zieutant si l'Étrange M. est assise à la première table. Non. Elle n'est pas encore arrivée. Devant moi, il y a G., une collègue copine. À côté de moi, V., un collègue sympathique. Mais voilà qu'en diagonale avec moi, vient s'asseoir C.
Depuis que je suis au bureau, tout ce que je sais d'elle c'est son nom. Elle travaille de la maison 4 jours sur 5, et le jour où elle est au bureau, elle ne parle à personne, mange seule à son bureau, et disparaît à la fin de la journée. Ce n'est pas du tout comme l'Étrange M. qui est affligée d'une gêne maladive. Dans le cas de C., c'est plutôt que personne n'est assez bon ou intéressant pour qu'elle daigne interagir avec eux. Ce que les autres m'ont dit d'elle, c'est qu'elle se pensait supérieure à tout le monde. Je vais donc la surnommer Cléopâtre.
J'étais un peu découragée, car je ne la connais pas du tout. Je me disais ouache, ça va être gai comme ambiance!! Bon. Comme je ne suis pas du tout gênée, je me dis que je vais lui parler et tant pis pour elle si je ne suis pas assez digne.
La table se remplit peu à peu. Malheureusement, l'Étrange M. arrive en dernier (quelle surprise). Elle s'assoit donc à l'autre bout de la table. Mais n'ayez crainte, vous ne serez pas en reste.
En passant, on gelait dans le restaurant. Ça commençait très mal.
Je discutais tranquillement avec B. et avec G. Tout à coup j'attrape des bribes d'une conversation entre Cléopâtre et sa voisine d'en face. Elles avaient l'air de parler d'une croisière ou d'un voyage ou de quelque chose comme ça. Je me dis que c'est l'occasion parfaite d'adresser la parole à la souveraine.
Maman pieuvre : Tu es allée en voyage?
Cléopâtre, me jetant un regard cinglant : Oui.
Maman pieuvre, aucunement effarouchée : Où ça?
Cléôpatre, trouvant que j'ai pas mal de culot de lui adresser deux phrases consécutives : On a fait une croisière à partir de Porto Rico et on a visité 5 îles.
Elle se retourne, son langage corporel me signifiant qu'elle m'avait assez parlé.
Je n'abandonne pas. Que voulez-vous, j'aime les voyages!! Et les défis!!!
Maman pieuvre : Quelles îles?
Cléopâtre se retourne lentement et dit d'une voix posée : Aruba. Curaçao. Saint-Martin. Grenade. Sainte-Lucie.
Maman pieuvre, ne lâchant pas sa proie : Wow. Quelle a été ton île préférée?
Devant moi, G. écarquillait les yeux en voulant dire : laisse faire, elle est super bête, elle veut rien savoir.
Cléopâtre, intriguée : Tu es déjà allée?
Maman pieuvre : Non, mais j'ai fait beaucoup de recherches parce que je voulais aller à Sainte-Lucie en mars, mais finalement on va à Antigua.
G., complètement perdue : C'est pas à Riviera Maya que tu vas?
Maman pieuvre : Bon en janvier, on va à Riviera Maya avec les enfants, mais en mars je pars seule avec l'Homme à Antigua pour ses 40 ans.
G., super frustrée : Tu vas deux fois dans le Sud cet hiver!!! Va chier!
Maman pieuvre, riant : Ben c'est ça quand on est globe-trotter.
Et je pense que c'est cette phrase, que j'avais dite à la blague, qui a fait que Cléopâtre a daigné converser avec moi pendant presque tout le repas. On a parlé de voyages, d'îles, de vacances. J'en connaissais pas mal grâce à toutes mes recherches, et elle avait l'air un peu impressionnée. Tout allait comme sur des roulettes jusqu'au moment où j'ai dit quelque chose d'un peu grivois qui l'a fait fait tellement rire (tout un exploit) qu'elle s'est étouffée avec sa paella. Et pas à peu près. On la regardait, elle avait sa serviette de table sur sa bouche, avait peine à reprendre son souffle. Trois d'entre nous étions prêts à lui faire le Heimlick. Quel revirement de situation.
Quand elle a réussi à reprendre son souffle, elle a dit c'était un grain de riz de ma paella qui s'est inflitré dans mes voies respiratoires.
Ouf. Disons qu'il y a eu une petite pause dans les festivités. Je me sentais un peu coupable.
À la fin du repas, je mets mon manteau et mon chapeau. J'aime les chapeaux.
Je sors en même temps que l'Étrange M. J'enjambe le banc de neige, et j'étais dans la rue à regarder des deux côtés. Il y avait plusieurs voitures et c'était très glissant. J'essayais de trouver un moment pour traverser la rue. Je pense l'avoir trouvé, j'avance, je recule, je ne sais plus, je me décide et je cours. Sauf que l'Étrange M. m'a suivie et s'est décidée 10 secondes après moi, donc elle s'est fait klaxonner.
Elle arrive près de moi.
Maman pieuvre : Ouf. C'était peut-être pas une bonne idée de traverser comme ça.
L'Étrange M. : Et moi je t'ai suivie!
Maman pieuvre, riant : Je ne suis pas une bonne influence!
Et là, tenez-vous bien.
L'Étrange M. : Non, pas du tout!
Et d'un petit rire aigu et saccadé (je ne l'avais jamais entendue rire) : Je blague, hihihi!
J'étais tellement étonnée qu'elle ait fait preuve d'un peu d'humour, je lui ai presque demandé combien de verres de vin elle avait consommés au dîner.
Comme elle est probablement incapable d'être relaxe à côté de quelqu'un et qu'elle doit se sentir obligée de me parler, elle me lance : Il est beau ton chapeau!
Maman pieuvre : Merci!
L'Étrange M. : Tu l'as pris où?
Maman pieuvre, étonnée : Euh, ça fait 2 ans que je l'ai, je ne sais plus trop.
L'Étrange M., : Il est en laine?
Maman pieuvre : ...
Maman pieuvre : Je ne sais pas trop.
Et j'enlève mon chapeau, et je lis l'étiquette tout en me disant franchement, je suis au milieu de la rue, il neige, je veux seulement m'en aller et je lis la composition du matériau de mon chapeau pour le bénéfice de l'Étrange M.
Elle se penche vers moi pour lire mon étiquette.
L'Étrange M., après avoir lu l'étiquette : Ah.
Comme si ça changeait quelque chose à sa vie.
Maman pieuvre, contente de voir qu'elle avait une occasion de discuter avec l'étrange personnage : J'aime beaucoup les chapeaux, mais j'ai TELLEMENT de cheveux, que pour 20 chapeaux que j'essaie, il y en a un seul qui me fait.
L'Étrange M., déclarant une phrase qui restera probablement dans les annales : C'est mieux avoir trop de cheveux que pas assez de cheveux.
Je me retourne et la regarde, ne sachant pas trop si elle est sérieuse, si elle a dit ça parce qu'elle est mal à l'aise et qu'elle ne sait pas quoi dire, si elle parle d'elle-même (elle a les cheveux très courts et très fins). Donc je rétorque : surtout si on est un homme!
Elle sourit.
Et c'est là-dessus qu'on s'est quittées. On dirait que le lien se tisse de plus en plus, qu'elle me fait confiance et qu'elle me laissera l'approcher. Comme une biche effarouchée, la prochaine fois, elle mangera dans ma main. Elle est devenue mon projet personnel. Toute une aventure!

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