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Yann

Publié le 16 décembre 2010 par Banalalban

Toi_ Tu ne lui diras pas

Moi_ Je ne lui dirai pas.

Toi_ Tu ne lui diras pas.

Moi_ Je ne lui dirai pas.

Toi_ Tu ne lui diras pas.

Moi_ Je ne lui dirai pas.

Toi_ Jure-moi que tu ne lui diras pas.

Moi_ Non.

Toi_ Non tu ne veux pas jurer ou non tu ne lui diras pas ?

Moi_ Non, je ne lui dirai pas.

Toi_ Jure-moi que tu ne lui diras pas.

Moi_ Je ne lui dirai pas.

Toi_ Tu ne lui diras pas.

Moi_ Je ne lui dirai pas.

Toi_ Tu ne lui diras pas que tu l’aimes.

Moi_ Je ne lui dirai pas que je l’aime. Je ne l’aime pas.

Toi_ Jure-le moi.

Moi_ Je ne l’aime pas. Je ne t’aime pas.

Toi_ Tu ne l’aimes pas.

Moi_ Je ne t’aime pas.

Toi_ C’est un fratricide. Rien de plus.

Moi_ C’est un fratricide, rien de plus.

Toi_ Ne le dis à personne.

Moi_ Je ne le dirai à personne.

Toi_ Sinon nous n’aurions plus d’autre choix que de rester ici.

Moi_ Alors pourquoi mentir ?

Toi_ Ce n’est pas un mensonge, c’est une omission.

Moi_ C’est une omission.

Toi_ C’est une omission.

Moi_ C’est une émotion aussi, depuis que tu es là.

Toi_ Je ne suis pas là.

Moi_ Tu es là.

Toi_ Je ne suis pas là, aussi sûr que tu ne lui diras pas…

Moi_ … que je t’aime.

Toi_ Tu te perds…

Moi_ Je pars…

Toi_ Tu te perds, aussi sûr que tu lui diras malgré ta promesse.

Moi_ Je n’ai rien promis…

Toi_ Tu te perds…

Moi_ C’est un mensonge par omission…

Toi_ Une émission de toi. Dis-le moi.

Moi_ Je ne te le dirai pas.

Toi_ Dis-le moi.

Moi_ Je ne le dirai pas.

Toi_ Tu le lui diras.

Moi_ Quoi ?

Toi_ Que tu l’aimes.

Moi_ Que je t’aime ?

Toi_ Que tu m’aimes.

Moi_ Je ne le dirai pas.

Toi_ Alors pourquoi avoir fait ça ?

Moi_ Pour être avec toi.

Toi_ Nous ne sommes pas ensemble.

Moi_ Alors que faisons nous là ?

Toi_ Je dois veiller à ce que tu ne lui dises pas.

Moi_ Que je t’aime ?

Toi_ Que tu l’aimes. 

Moi_ Je ne l’aime pas. (Moi regarde le portrait de Toi en le montrant du doigt). Que devrais-je faire d’autre que de le haïr ? Ai-je un autre choix ? Ai-je un autre roi ? Il est au centre de moi, comment faire autrement pour qu’il ne soit pas toi ? Comment dois-je m’y prendre pour qu’il ne soit pas là en moi ?

Toi_ C’est un fratricide, pas un régicide…

Moi_ De toi à moi, il est autant toi que moi, il est autant moi que toi en moi. Tout est question d'insertion. D'emboîtage. Et de disque mis.

Toi_ De cela ne naîtra que confusion ici-bas. Ne lui dis pas, auquel cas…

Moi_ Auquel cas ?

Toi_ Auquel cas tu mourras aussi sûr que nous sommes ici pour ça.

Moi_ Pour mourir ?

Toi_ Pour mourir...

Moi_ Les frères ne meurent pas...

Toi_ Les frères meurent Yann, les frères meurent.

Yann_ Ne m'appelle pas Yann.

Toi_ Tu t'appelles Yann.

Yann_ Je m'appelle Yann, mais ne m'appelle pas Yann. Appelle-moi "Moi".

Toi_ Toi.

Yann_ Il n’y a pas d’échappatoire ?

Toi_ Nous avons déjà échafaudé tous les cas de figures possibles, il n’y a pas de porte de sortie, qu’une porte ouverte sur l’extérieur et cela n’est pas si réjouissant que ça.

Yann_ Nous n’avons pas besoin d’émerger d’ici. Nous n’avons pas besoin de pleurer encore.

Toi_ Je n’ai plus rien pour pleurer parce que je n’ai pas d’yeux pour pleurer. Tu me les as crevés.

Yann_ Tu es aveugle, tu es sec à l’intérieur.

Toi_ Et toi tu t’imposes moraliste... Combien de temps devrais-je encore attendre avec ces reproches dont tu me vêts alors même que j’ai chaud Yann ?

Yann_ Ne m'appelle pas Yann... je ne te donne pas le droit de m'appeler Yann. ne m'appelle pas par mon prénom. Chaque fois que tu le fais, tu me tues.

Toi_ Je t'appelle. Tu réponds. Il n'y a pas de mort là-dedans.

Yann_ Tu t’habilles tout seul de mes reproches et t’endors avec…

Toi_ Ce ne sont pas des vêtements, c’est une camisole.

Yann_ Je ne suis pas fou…

Toi_ Nous avons toujours su dans la famille que tu étais spécial et qu’il fallait qu’on t’épargne.

Yann_ Personne ne m’a épargné, de la différence, de l’indifférence et de la bite de notre père, personne... même pas toi. Et de ta bite aussi.

Toi_ Ce n'était rien. Tu m'as tué depuis.

Yann_ J'ai cette vision très précise de ce que peut être la notion d'inceste tu sais.

Toi_ Et moi cette vision très précise du puits dans lequel tu m'as jeté.

Yann_ Mais je ne sais plus lequel des deux aimer...

Toi_ Et de la façon dont tu as fait passer ça pour un accident...

Yann_ Ni même s'il est normal de vous aimer après tout ça.

Toi_ Et de la façon dont tout est passé inaperçu et normal pour tout le monde.

Yann_ Personne ne m'a épargné de ça, de tout ça. Personne ne m'a protégé.

Toi_ Tu n’avais pas besoin de moi dans ces moments là.

Yann_ J’avais besoin de toi plus que de quelqu’un d’autre.

Toi (montrant le portrait de Toi)_  Même pas lui ?

Yann_ Il n’a été qu’un prétexte pour toi.

Toi_ Mais tu l’aimais plus que moi.

Yann_ Mais il était toi, cela revient au même. Il n’a cessé d’être toi plus que moi. Lorsque je rêvais de lui en roi, je ne faisais que rêver de toi en moi.

Toi_ Notre Père...

Yann_ Notre Père...

Toi_ Il écoutait souvent un disque de Maria Callas.

Yann_ Il écoutait un disque de Maria Callas et il me la mettait.

Toi_ Je n'ai jamais pu écouter du Maria Callas.

Yann_ Tu écoutais un disque de Maria Callas et tu me la mettais.

Toi_ Tu te places en martyre. Je n’ai jamais rien fait que tu n’aurais voulu que je fasse.

Yann_ Je ne savais plus ce que je voulais. Ni si au final je vous aimais. J'étais trop petit pour ça. Et depuis j'écoute souvent le disque de Maria Callas.

Toi_ Le temps a passé. Nous avons changé. Je n'ai ensuite rien fait que tu n'aurais voulu que je fasse.

Yann_ Non, c’est bien tout le contraire : tu as fait tout ce que je n’aurais pas fait. Tu as choisi une vie de résigné, une vie de merde engluée dans la gangue de la banalité. Tu t’es marié, tu as enfanté. Tu t’es collé sur la colle de mes cauchemars. Tu m'as oublié. Tu n'aurais pas dû. J'ai tout essayé. Je t'ai offert le disque de Maria Callas pour ne pas que tu prétendes que rien ne s'était passé.

Toi (montrant le portrait de Toi)_  Et lui ? Qu’a-t-il fait que je n’ai pas fait ? Qu’a-t-il fait pour que tu l’aimes plus que moi ?

Yann_ Il m’a fait croire qu’il en crèverait, toi, j’ai toujours su que tu t'en sortirais.

Toi_ C’est pour ça que tu m’as tué ?

Yann_ Je ne t’ai pas tué et tu le sais.

Toi_ Aussi sûr que tu lui diras.

Yann_ Tout ça est hors contexte.

Toi_ Alors tu le lui diras.

Moi_ Oui.

Toi_ Que tu l'aimes.

Moi_ Que je t'aime.

Toi_ Tu le lui diras.

Moi_ Il est mon père.

Toi_ Les pères, ça s'oublie.

Moi_ Va-t-en!!!

Toi_ Tu l'aimes plus que moi.

Moi_ Je ne sais plus qui aimer ni qui haïr. Vous mettiez le disque de Maria Callas et vous me la mettiez.

Toi _ C'est du passé.

Moi_ Vous l'avez détruit.

Toi_ Tu m'as tué.

Moi_ Un partout, balle au centre. Appelle mon père. Dis-lui de venir. J'ai besoin de lui parler. Apporte-nous du vin. Je suis adulte maintenant, je bois du vin. Je bois du vin en société et je prétends qu'il est délicieux. Je m'essuie les commissures des lèvres très proprement pour faire bien. Et je continue de boire du vin. J'ai de beaux habits. J'ai de beaux habits qu'il ne faut pas tâcher lorsque je bois du vin. Appelle-le. Dis-lui que je dois lui parler. Que je dois lui dire que je l'aime comme je t'ai aimé. Que je le hais. Apporte le puits aussi. Apporte-le. Mets-le sur ton dos et s'il est trop lourd, demande à mon père à ce qu'il t'aide. Il a toujours aimé t'aider en tout. Il a toujours aimé ce puits, Maria Callas et me la mettre...


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