Mémoire, embusquée comme la truite contre le cours de l’eau, le cours du temps. Elle jaillit pour gober l’éphémère qu’un soir de juin lui jette, puis se coule sous la pierre où notre main saisit sa chair glissante. Comme langée de fougère dans la besace, elle arque encore son vouloir-vivre contre l’étouffement.
Enfance, à la vie dure, juchée dans les fourches des chênes. Le barbarie au crépuscule tarde à descendre du faîtage pour rejoindre en bas l’enclos où l’attend son sort de volaille. Sait-il -« cani ! bibi ! »- la fin que lui mijotent la voix douce et l’œil aigu de la fermière ? Il aura fallu les hauts cris, les mains battantes, une perche brandie pour ramener le gros oiseau à son devoir.
Mémoire d’enfance, blottie dans les cabanes d’ajoncs et de genêts ; figures enfuies des petites amours quand effleurer la joue suffisait ; greniers sans grain, emplis de vieilleries, ces pauvres empoussiérées guettant un retour d’affection alors qu’on médite leur bûcher, une grande fête d’avenir où l’on promet de dégager l’espace, d’isoler la toiture et de faire des chambres.