le gros lourd est un lion pour la femme.
Le gros lourd est insidieux. Il est partout. Surtout là ou on a pas envie de le voir.
Le vendredi soir, il est à la fête pizza surgelée-rouge qui tâche ou tu te rends dans l'espoir de passer un moment sympatoche et bon-enfant. Tu lui demandes s'il peut te passer une part de quiche, il te dit qu'il adore qu'on lui lèche le dos. Tu abordes le délicat problème du collant qui te cisaille le bide en deux passé deux bières avec ton hôtesse (ce qui est un vrai souci merde, on en parle pas assez!), il vient te faire part de son vif intérêt pour les strings ficelle en dentelle. Tu rigoles avec un gentil garçon qui te raconte comment il remplaçait les pastilles de pulmoll de son grand père par des crottes de lapin, pendant que tu lui expliques que la meilleure façon de chauffer son lit par le temps qu'il fait c'est encore de péter dedans, il vient te montrer que son téton pointe. Tu discutes politique internationale, presse-purée et prime à la casse avec Frénégonde, il vient te montrer qu'il est paré, la preuve il a deux capotes dans la poche de son jean. Pas une. Deux. T'aimerais savoir une bonne fois pour toute ou est passé ton verre, il te propose un plan à trois, comme si ça répondait à ta question. Au début tu rigoles. C'est toujours rafraîchissant quand quelqu'un que tu ne connais ni d'Eve ni d'Adam te propose un massage personnalisé du dos. Ensuite, tu es surprise: tu ne t'attendais pas à ce qu'un prof de marketing de 15 ans ton aîné, du genre à avoir une flopée d'étudiantes qui se pâment dès que le mot management sort de sa bouche, aie des goûts aussi tartes en matière de lingerie. Puis tu t'inquiètes: ne faut-il pas être un peu dérangé pour venir montrer son téton comme ça, au milieu d'une conversation très constructive? Puis tu t'agaces, tu trouves ça un peu déplacé qu'on vienne te secouer sous le nez deux préservatifs. Surtout quand le bellâtre se justifie en parlant de maturité et de prise de responsabilité (alors que les capotes sont à la fraise). Puis tu es carrément colère. Qu'est ce que c'est ces manières? Venir me proposer une activité sexuelle déviante alors que je ne sais même pas ou tu as bien pu mettre ton verre de blanc? Le gros lourd du vendredi est excessivement triste. Quand il ne te raconte pas comment ses étudiantes passent sous le bureau pour récolter un demi-point de plus, il parle de son ex, des trémollos dans la voix, et des larmes dans les yeux. Mais attention à l'apitoiement, il prend la moindre mimique de cocker compatissant pour une invite à faire pouët-pouët camion ("j'en ai besoin, tu comprends, je me sens tellement vide depuis qu'elle m'a quittée") (hé ouais ducon, mais tu serais moins mature et responsable avec tes capotes à la fraise que tu sors dès qu'une donzelle pointe le bout de son nez, elle serait peut être encore avec toi). Mais c'est pas parce qu'il est triste qu'il est attendrissant. La preuve, j'ai passé la soirée à avoir envie d'éclater son sourire plein de dents ultra-bright à coup de sapin de Noël.
Le samedi soir, le gros lourd se promène en bande. Tapi dans l'ombre, il attend que la jeune péronelle sorte du restaurant pour rentrer chez elle. Il a du flair pour la repérer. Tel un prédateur affamé, il attend patiemment que tout le monde aie dit au revoir à tout le monde. Et dès que la péronelle a tourné au coin de la rue, dépourvue de sa bande de pote (le gros lourd du samedi soir est courageux mais pas téméraire), la chasse commence.Il commence d'abord par se rapprocher de sa proie en dessinant des cercles concentriques de plus en plus petits en déclamant une longue (très longue, trop longue) et étrange litanie probablement destinée à hypnotiser sa proie. "hé pssssst psssssst hé! hé! mamouzelle! hééééééé! hého! psssst pssssst! mamouzelle! c't'a toi qu'je parle! héééééhoooooo!" Quand il est suffisamment près, il se plante devant elle. C'est à ce moment là qu'elle a l'opportunité de l'observer pour la première fois. Il a le crâne rasé, une doudoune adiddas sans manches, sous laquelle on devine un maillot de football à l'effigie de son équipe de ballonpied favorite, un pantalon de jogging en nylon umbro rentré dans ses chaussettes puma, et des airmax rouges. On ne voit pas trop ou il veut en venir: on hésite entre l'intimidation et le carnaval. Mais pour le coup, la proie, seule, dans une rue déserte, à minuit du soir, elle flippe. C'est là que le Lourd attaque:
Le lourd: rahh là là, déjà de dos, je te trouve trop charmante, mais de face alors...La proie:...Le lourd: allez, tu veux pas qu'on aille boire un verre?La proie:...Le lourd: tu veux? allez t'es tellement charmante, viens!La proie: NonLe lourd: Un café alors? (nb. la première proposition concernait un VERRE. Or, le café se boit dans une TASSE. La question du lourd est parfaitement légitime)La proie: NonLe lourd: Pourquoi?La proie: il est tard, il fait froid, et mon mec ceinture noire de ju jitsu m'attends, merci au revoirLe lourd: ok, je t'accompagne alorsLa proie: NonLe lourd: Pourquoi? T'es tellement charmanteLa proie: Allez bonne soirée, au revoir.Le lourd: SALOPEJe ne suis pas sure qu'il faille faire le moindre commentaire sur cette technique de chasse. Je la trouve personnellement très parlante, de part son inefficacité inébranlable.
Le dimanche soir, le lourd se cache au marché de noël. Il tient le stand de charcuterie ardéchoise (mon préféré). Et c'est le seul à vendre du pain. Alors quand je lui dit que j'en veux un (de pain), il me demande de choisir une miche. Deux sont effectivement fabriquées à partir de farine. La troisième, le charcutier ardéchois a pour coutume de s'asseoir dessus dès qu'il le peut. Voilà voilà, j'ai envie de dire.
Le gros lourd est une vermine.