Caroline Sagot Duvauroux | Mais avant

Publié le 19 décembre 2010 par Angèle Paoli
«  Poésie d'un jour

MAIS AVANT

Mais avant

L’apocalypse a tournoyé sur le plateau mais quoi révéler sur une main nue retournée. S’en est allée révéler l’avalanche aux jeunes glaciers. Il n’y a rien à révéler, là, c’est fait. Des simples, et la Vieille posée toute montrée, mamelles et fente, avec dressés très nus des désirs monstrueux. L’épaisse croûte a berné les apocalypses. C’est là que le dragon s’est réfugié. S’est enfoncé parmi les dracs et les saintes. Sous les mains voleuses des chardons baromètres et les cheveux d’ange qui parapentent dans le vent, se tordent et se détordent sur le Buffre et plantent leur légèreté renouvelable de la pointe d’une plume. C’est un fruit de plume. Malin. Le Buffre signifie battu des vents, c’est là qu’on a dégotté la piaule pour qu’elle raconte. Pour que la parole cherche avec nous ce qu’on peut bien chercher ici et elle aussi. S’est enfoncé le dragon dans le Méjan avec la complicité de la Vieille turpide, laissant à l’air libre un trou feuilleté par les nuages. Le livre d’heures de son ermitage. Dans le cul du monde. Dessus le Villaret. Une bibliothèque de pierres tranchées page à page par l’érosion d’un grand récit inutile à redire. Ciel dévorant un bout du calcaire ou lames de mer recrachées par les portes minérales et séchées illico par les vents tranchants. Le tout parfaitement anonyme. L’érigne d’angoisse et les crocs de folie s’émoussent sur l’anonyme. Seul l’anonymat fait des miracles. Quand un petit futé d’église retrouve au XIIIe siècle la tombe anonyme d’Énimie, c’est fini les miracles. Sont remplacés par un nom de sainte et le pouvoir de l’église sur l’économie.

On écrit parce que tout est là qui dit avec le silence en plus. On écrit parce qu’on n’a plus besoin de dire et que j’écris dit j’y suis. La vie n’est pas en moi je suis en vie, je trace mes bords dans le sens inconnaissable parmi les os blanchis par l’eau trimère, l’adonis d’été comme une goutte de sang venue d’orient, le dompte venin, la grande rue, l’œillet rose et les sépultures. Les filles qui ramassent la lavande autour de ce fracas-là ont les jambes griffées de grimoires. Mais la nuit est trop sombre au retour de lavande pour qu’elles déchiffrent aux griffures le grimoire. Peut-être n’y pensent-elles pas. Elles ont faim. C’est pourtant ce qu’elles cherchent, la trace sur elles de vivre et son étrange amour de mourir.

Caroline Sagot Duvauroux, « 20 au 20 juillet 2009 », Le Buffre, éditions barre parallèle, Barre-des-Cévennes, 2010, pp. 26-27.





CAROLINE SAGOT DUVAUROUX



■ Caroline Sagot Duvauroux
sur Terres de femmes

Caroline Sagot Duvauroux, Le Buffre (lecture de Tristan Hordé)
Le Vent chaule (lecture d’Angèle Paoli)
→ Je dissone (extrait de L'Herbe écrit)

■ Voir aussi ▼

→ (sur Poezibao) "Le Buffre", de Caroline Sagot Duvauroux (par Florence Trocmé)
→ (sur Poezibao) Le Buffre de Caroline Sagot Duvauroux (par Antoine Emaz)



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