III.- Les sens de l’Ecriture et les règles herméneutiques
15. Le sens littéral
e sens littéral est la pensée que les paroles de l’Ecriture expriment selon l’intention de celui qui les dit. Peu importe que les paroles soient prises en leur signification propre ou dans une acception métaphorique ; le sens qu’elles expriment selon l’intention de leur auteur est toujours littéral, qu’il s’agisse d’une littéralité propre ou métaphorique. On rencontre pareillement, dans la religion, des choses ou des actions qui tendent à exprimer les idées et les sentiments de celui qui les exécute. Ces idées et ces sentiments en sont, par conséquent, le sens littéral. Cependant, la Sainte Ecriture est, toute entière, l’oeuvre de deux auteurs : l’auteur humain et l’Esprit Saint, lequel éclaire l’auteur inspiré et le porte à écrire. Comme nous l’enseigne saint Thomas, l’esprit de l’auteur sacré est un instrument imparfait de l’Esprit Saint qui l'inspire. Par conséquent, même les véritables prophètes ne saisissent pas toujours pleinement, dans leurs visions ou dans les paroles qu’ils ont entendues, tout ce que l’Esprit Saint a voulu y exprimer. Dieu ne communique pas toujours à chacun des prophètes toute la lumière qu’il veut répandre par eux sur le monde. Chacun d’eux représente une étape dans le progrès du magistère divin, sans qu’il ait pour autant, parfois, une pleine connaissance de tout ce qui se trouve contenu obscurément et implicitement dans ses propres prophéties.
Voilà pourquoi il est possible de distinguer deux sens littéraux dans les Saintes Ecritures : l’un est le sens proprement littéral historique ; l’autre, plus spirituel, peut être qualifié de sens littéral évangélique, dans la mesure où il ne trouve la plénitude de son développement que dans l’Evangile.
Le premier dépend des circonstances historiques de l’écrivain sacré et de celles des destinataires immédiats de son oeuvre. C’est le cas, par exemple, du sens historique de la Loi, c’est-à-dire le sens que cette Loi avait pour les israélites qui la pratiquaient et pour lesquels elle constituait une norme de vie.
Le second sens est le sens littéral historique lui-même, mais considéré à la lumière des révélations postérieures, principalement de la révélation évangélique. Il est, par conséquent, plus ample, plus parfait, parce que l’Esprit Saint, qui destinait les Saintes Ecritures, y compris celles de l’Ancien Testament, à devenir l’aliment spirituel de l’Eglise du Christ, ne limitait pas le sens de la lettre à l’esprit de l’écrivain sacré, ni aux nécessités transitoires du peuple d’Israël, auquel étaient pourtant immédiatement destinés ces livres. Nous voyons ainsi que dans les psaumes, ou dans d’autres livres dont l’Eglise fait usage chaque jour, les fidèles trouvent de sublimes enseignements religieux et l’expression des plus exquis sentiments de piété, comme si ces livres avaient été écrits directement pour les chrétiens, car comme dit saint Thomas, “l’Esprit Saint a fécondé la Sainte Ecriture par une vérité bien plus abondante qu’il n’a été donné aux hommes de le comprendre" (II Sent. 12, 1, 2 ad 7).