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Lorsque d’autres vies croisent et bouleversent la nôtre…

Publié le 21 décembre 2010 par Droledeprincesse

Je m’étais offert D’autres vies que la mienne dès sa sortie en librairie en mars 2009, très impatiente de mon plonger dans le récit de ces « autres vies » dont j’avais cru saisir quelques bribes à travers les nombreuses critiques littéraires. J’avais gardé un souvenir ému de La Classe de Neige, prix Fémina en 1995. J’ai pourtant attendu plus d’un an pour plonger dans D’autres vies que la mienne. Un peu comme si j’attendais le moment le plus propice, l’instant parfait pour me laisser envelopper par ce livre qu’on m’avait présenté comme émouvant, troublant, voire dérangeant.

Lorsque d’autres vies croisent et bouleversent la nôtre…

« Toi qui es écrivain, tu vas écrire un livre sur tout ça ? »

A travers un récit composé de mots simples et de phrases fluides, les paragraphes nous emmènent dans l’horreur de deux événements dont l’auteur est témoin : la mort d’un enfant pour ses parents et celle d’une jeune femme pour ses jeunes enfants et son mari. L’auteur, spectateur silencieux de ces tragédies mêlant étroitement et inexorablement la vie à la mort, se voit pris bien malgré lui pris à témoin. On lui demande alors : « Toi qui es écrivain, tu vas écrire un livre sur tout ça ? ». Oui pourquoi finalement ne pas retranscrire ces histoires qui l’ont touché au point de donner un sens nouveau à sa propre vie ?

C’est ainsi que naît le livre, fruit presqu’improvisé d’histoires vraies qui ont bouleversé ses acteurs, tant principaux que secondaires.

La première nuit… et la dernière

D’autres vies que la mienne ne sombre jamais dans le pathos. Il n’y est jamais question de leçons de morale. Emmanuel Carrère se contente de mettre son talent d’écrivain au service de ces histoires de vie et de mort vécues dignement par leurs prooagonistes. Il nous livre, sur le ton de la confidence, ce qu’il a ressenti au plus profond de lui même, alors qu’il était aux premières loges du Tsunami, ayant emporté des milliers de personnes dont la petite fille de quatre ans d’un couple d’ami…

« C’est la première nuit. La nuit qui suit le jour où leur fille est morte. Ce matin, elle était vivante, elle s’est réveillée, elle est venue jouer dans leur lit, elle les appelait papa et maman, elle riait, elle était chaude, elle était ce qu’il existe de plus beau et de plus chaud et de plus doux sur terre, et maintenant elle est morte. Elle sera toujours morte »

… puis, lors du décès de la soeur de sa femme.

« C’était la dernière nuit de leur enfant, ou l’avant-dernière. Elle avait trente trois ans. Ils étaient venus là pour sa mort. Et les trois petites filles, à quelques kilomètres d’ici ? Est-ce qu’elles dormaient ? Qu’est-ce qui se passait dans leur tête ? Cela veut dire quoi, quand on a sept ans, de savoir que sa mère est en train de mourir ? Et quand on a quatre ans ? Un an ? A un an, on ne sait pas, on ne comprend pas, dit-on, mais on doit, même sans mots, deviner qu’il se passe quelque chose d’immensément grave autour de soi, que la vie est en train de basculer, qu’il n’y aura plus jamais vraiment de sécurité.

Une question de langage me tournait dans la tête. Je déteste qu’on emploie le mot « maman » autrement qu’au vocatif et dans un cadre privé. Pourtant, même pour moi, celle qui allait mourir, ce n’était pas la mère d’Amélie, de Clara et de Diane, mais leur maman et ce mot que je n’aime pas, ce mot qui depuis si longtemps me rend triste (…) j’avais envie de le prononcer. J’avais envie de dire à voix basse : maman, et de pleurer et d’être, pas consolé, non, mais bercé, juste bercé, et de m’endormir ainsi ».

Tout est vrai dans ce livre. C’est sans doute ce qui donne davantage de gravité encore à chaque page que l’on se prend à lire lentement et à étirer en longueur, comme pour être certain de parfaitement saisir le sens de chaque mot, de chaque expression, de chaque souvenir couchés sur le papier.

Ces autres vies qui croisent soudain la nôtre dérangent autant qu’elles bouleversent. Elles nous recentrent sur notre essentiel. Sur la vie. Simplement.


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