La sono passe du Joe Dassin. Tous les employés chantent. Les chaises sont sur les tables, on rigole un peu. Je drague une stagiaire. Letonnelier, tout à son torchon, énergique, jovial, entonne le refrain :
— Eeeet si tu n'exiiiiisais paaaas…
Pendant l'interminable solo de cette version rémixée, il m'avise, comme ça, et demande cordialement (il songe à émigrer) :
— Dis, donc, le québécouais ?! Vous connaissez, la chanson française, au Québec, ou pas ?
— Les intellos connaissent Ferré et Brassens, les autres Claude Lefrançois et Goldman.
— Et les gros trucs hyperconnus comme Notre-Dame de Paris ou Starmania ? Le monde entier, connaît la chanson française, non ?! Vous connaissez-ça, au Québec ?
— Nous, on aime que les chanteurs québécois. Renaud, Bruce Springsteen, Bjork…
— Elle est pas Québécoise, qu'est-ce tu racontes ?!
— Si, si. Son vrai nom c'est Gingras. Nathalie Gingras.
— Tu te fous de ma gueule ?!
— Pourquoi tu crois qu'elle et Céline se détestent ?
— Beeh ?!
— Elles chantaient toutes les deux dans Abba, au début. Avant que ça se mette à marcher. J'allais les voir, moi, elle dansaient à poil sur la table de billard dans le petit bar Fulstom Prison, en face de chez moi, où jouait toujours Johnny Cash.
— Beeeh…
— Son vrai nom, c'est Jean Monnette. Johnny Cash.© Éric McComber