Magazine Humeur

La série ose

Publié le 17 janvier 2008 par Brunoh
Comment se passe la sexualité d’une femme atteinte d’un cancer, lorsque les effets de la chimiothérapie provoquent, entre autres désagréments, une perte complète de ses cheveux ?
Est-il possible d’être élu deux fois de suite Président des Etats-Unis en mentant délibérément au sujet de prétendues menaces terroristes ?
Une fille particulièrement disgracieuse peut-elle réussir dans le milieu de la mode, malgré les nombreuses chausse-trapes qui lui sont tendues ?
Autant de questions qui pourraient faire l’objet d’essais de sociologie, de politique ou de psychologie comportementale. Autant d’excellents sujet de romans, également.
En l’occurrence, ces quelques exemples apparaissent quotidiennement, parmi de nombreux autres, sur les écrans des télévisions américaines, sous la forme de scénarios de séries et de films à succès.
Que s’est-il passé ? Comment ce qui était considéré jusqu’alors comme un art mineur, une forme de distraction peu valorisée culturellement, est devenu progressivement un territoire d’expression dans lequel les transgressions les plus explicites, les questions les plus dérangeantes, voire certaines problématiques fondamentales de nos sociétés sont désormais traitées par le biais de l’humour, du suspense ou de l’introspection ?
Bref, tout sauf de la caricature superficielle...
Pourtant, les séries américaines reviennent de loin. Du “Cosby Show” à “K2000”, en passant par “Columbo”, on ne peut pas dire que l’univers narratif des années 70/80 dépassait le domaine gentillet d’un manichéisme de bon aloi.
Puis, une nouvelle génération de scénaristes est arrivée, elle a su s’imposer...
Là où des séries comme “Le Prisonnier” ou “Clair de Lune” (avec Bruce Willlis) apparaissaient comme des Ovnis envoûtants, “Ally Mc Beal” et “Sex and The City” sont venues planter leurs premiers grains de fantaisie déjantée.
Les formats aussi se sont mis à l’avenant, damant le pion à cet “art noble” que représentait le cinéma versus la série : 24h chrono et son rythme en temps réel se révèle ainsi plus riche et plus complet que n’importe quelle ellipse temporelle cinématographique.
Du coup, pressentant la manne publicitaire qui allait en découler, des producteurs ont laissé la main libre à des créateurs de plus en plus allumés, capables d’aller toujours plus loin dans la surenchère. Peut-on parler de provocation gratuite ? Pas si sûr...
Bien entendu, on retrouve dans ces séries les plus gros défauts de la société américaines : un cloisonnement sociologique et ethnique, une prédominance de la violence, tant symbolique que physique, et la domination d’un modèle libéral capable de broyer les êtres, impitoyablement. Malgré tout ça, les drames évoqués dans des séries comme “Urgences” dénoncent presque aussi efficacement les failles du système de protection sociale aux Etats-Unis que ne l’a fait Michael Moore dans Sicko.
Et nous, qui nous disons si fiers de notre bonne vieille démocratie française, terre de liberté, imaginons-nous un seul instant une chaîne grand public, financée par la publicité, diffuser en prime time un véritable pamphlet politique ? Ou une série qui parlerait ouvertement du cynisme de certains journalistes et de leur collusion avec le pouvoir en place ? Aurions nous le courage de sortir des personnages convenus de séries comme “PJ” ou “Avocats et Associés” pour créer enfin des êtres de chair et de sang, susceptibles de nous faire partager une existence réelle, ou du moins crédible ?

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