Ici se
présente une bien grande difficulté. Nous devons faire la guerre à notre corps
? mais, hélas ! ce corps, qui m'est si cher, que j'aime si tendrement, comment
pourrais-je l'enchaîner, le juger et le condamner, ainsi que je jugerais et que
je condamnerais les vices les plus honteux ? Mais il m'échappe au moment même
que je suis près de lui mettre des chaînes; je n'ai pas plus tôt résolu de le
juger, que je me réconcilie avec lui, et si je vais quelquefois jusqu'à le
condamner, je m'empresse bien vite de lui pardonner. Comment pouvoir haïr ce
que la nature m'ordonne d'aimer ? comment serait-il possible de se séparer de
ce à quoi l'on doit être éternellement uni ? Pourrai-je faire mourir ce qui
doit ressusciter un jour pour vivre avec moi dans les siècles infinis ? par
quels moyens me sera-t-il donné de rendre incorruptible ce qui est corruptible
de sa nature ? quelles bonnes raisons à donner à celui qui, pour me convaincre,
m'en donne qui sont fondées sur l'essence même des choses ? Si j'essaie
d'enchaîner mon corps par des jeûnes, je me livre à lui, en le condamnant
lorsqu'il ne les observe pas; si, en me préservant des jugements téméraires, je
me délivre de son esclavage, la vaine gloire me fait retomber sous sa
servitude. Mon corps est tout à la fois et mon ennemi et mon ami, et mon
adversaire et mon auxiliaire, et mon persécuteur et mon défenseur. En prends-je
soin, le flatté-je ? il devient insolent et se révolte contre moi; le
mortifié-je ? il me fait tomber en défaillance; le rétablis-je ? il ne me
laisse plus de repos et ne veut recevoir aucune réprimande ? l'affligé-je, il
m'expose au dernier malheur ? le ruiné-je d'austérités, je n'ai plus les moyens
pour acquérir et pratiquer les vertus : mon corps est un être que je haïs et
que j'aime. Mais enfin quelle est donc cette merveille extraordinaire que je
trouve en moi ? quelle peut être la raison de ce mélange singulier de mon corps
avec mon âme, de ces affections corporelles avec ces affections spirituelles ?
Expliquez-moi donc comment il peut se faire que je me chérisse et me déteste en
même temps. Mais c'est à toi que je m'adresse, mon pauvre corps, ma pauvre
chair, ma compagne inséparable, toi qui es une partie essentielle de moi-même !
Dis-moi, je te prie; apprends-moi, je t'en conjure, ce grand mystère qui
m'étonne et me confond; car tu peux seule m'en donner la connaissance que je
désire. Raconte-moi, s'il-te-plaît, par quels moyens je peux vivre sans être
blessé, en demeurant avec toi; daigne m'apprendre comment je pourrai éviter les
dangers nombreux auxquels je me vois exposé chaque jour, à cause de l'union
inséparable et nécessaire que j'ai avec toi; car tu ne peux l'ignorer : j'ai
promis au Christ de te faire la guerre. Enseigne-moi donc de quelle manière je
dois et peux triompher de ta tyrannique domination ; il m'est ordonné d'user de
toutes mes forces pour te vaincre et te subjuguer. Alors la concupiscence, que
le corps représente, nous donne les réponses suivantes : «Je ne vous dirai pas
des choses inconnues; mais je vous raconterai, ô mon âme, ce que nous savons
également l'une et l'autre. Je me glorifie d'avoir pour mère l'affection
intérieure que je me porte. Je suis bien aise de pouvoir profiter et de jouir
de la délicatesse avec laquelle on me traite, et de la négligence avec laquelle
on remplit ses devoirs et l'on pratique la vertu, afin de produire au dehors
les flammes d'un grand embrasement. Pour causer intérieurement les ardeurs et
les feux criminels, je me sers du relâchement dans la piété et du souvenir
bruyant des choses passées. Lorsque j'ai bien médité les péchés et les crimes
dans lesquels je veux vous faire tomber, j'en viens assez facilement à bout;
et, lorsque je vous ai fait tomber dans cet abîme, je vous précipite dans un
autre, qui est la mort éternelle causée par l'abattement et le désespoir. La
connaissance de ma faiblesse et de la vôtre, me lie entièrement les mains, et
la tempérance, les pieds, de manière que je ne peux ni agir ni marcher.
L'obéissance parfaite vous délivre absolument de ma tyrannie, et une profonde
humilité me donne la mort.»
Quiconque, pour prix de ses travaux, a reçu le don de chasteté, qui est le
quinzième degré de la perfection, quoique dans une chair corruptible, est mort
et ressuscité tout à la fois, et commence dès ce monde à jouir de la
bienheureuse incorruptibilité.
saint Jean
Climaque : L'Échelle sainte
«De la Chasteté incorruptible que des hommes corruptibles par leur nature
acquièrent par des travaux et des sueurs» (О нетленной чистоте и
целомудрии, которое тленные приобретают трудами и
потами.)
Enregistrement en russe du 15
e degré :
1) 2)
3)
Запись 15-го слова Лествицы на русском языке (в трех частях)
► Pour achever ce
degré sur la chasteté, voilà une dernière sentence bien longue et utile. En
particulier en ce jour du Nouvel An qui, selon l'ancien calendrier, correspond
actuellement à la fête du grand martyr Boniface, un grand pécheur
repenti.
ptit moine