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Gunter

Publié le 01 janvier 2011 par Banalalban

Je n’ai pas influencé tes choix et je n’ai là-dessus aucun droit, je n’ai rien fait. Je n’ai rien obligé de toi sur moi. Tes larmes sur mes bras n’étaient pas organisées mais venaient de toi. Ce n'est pas moi qui les aies faites couler. Tu serais injuste de prétendre le contraire. Tu es injuste de prétendre le contraire. Tout ça s'est passé.

Sans rien feindre, tu t’es livré, forcément qu’après tu devais tout reprendre. Tu as une fierté, je le sais, c'est sans doute ça le plus dur chez toi, cette même fierté avec laquelle les prêtres t’ont obligé à te draper, une fierté vile de croyant, un amalgame fait de duperie et de fiel, un mélange complexe de duplicité et d’abdication. Après les pleurs, le coup de fouet sur ma tendresse, sur cette émotion qui n’avait pas droit de citer et que tu censuras plus que moi. Toi pissant, moi poisseux. La remarque en pleine trogne, non, je m’inquiète c’est tout. Je ne projette pas de te la tenir, merde. Déconne pas. Je cherche ta fragilité qui était là, auparavant, et qui te poussais à te jeter au dessus de la grille de la pension et dans un sens, de ton paradoxe. Ne me blâme pas pour avoir pu saisir l’espace d’un instant ta vraie nature. Ta gueule en pleine gueule pour seule réponse. Et les verrous que tu les as autorisés à tirés. Nous étions dans la pension, soit, tu en as choisi une autre. Moi je suis libre. Ne m'en veux pas.

Et ce fut fait. Le jeu pouvait commencer. Le jeu ignoble de don et de captation : donne et reprends, sans aucune autre forme de satisfaction. Un instant adoré, adulé, l’autre maudit, l'être maladroit. Tu me caressais et puis te me jetais. Les règles du jeu étaient simples : pour tout instant de grâce devait suivre le coup de, batit dans la force du sale. Le but étant de blesser ce que nous connaissions de mieux en l’autre : je t’aime et je te hais. Ainsi parlait Zoroastre qui nous embrigada dans la conceptualisation de notre propre philosophie. Et les prêtres de continuer leur lavage de cerveau. Moi dans la pension pour filles, je me rebellais. J'étais courageuse. Toi, tu criais. Maintenant plus. Nous réinventions l’idée dans une reciprocité morbide qui ne devait plus nous quitter. La simple évocation de notre amitié équivoque devait être contrebalancée par l’idée du rejet réciproque. Il n’y avait pas de solution mieux que celle là. Nous ne savions pas quoi faire de ces sentiments abscons et dégoulinants d’étrangeté. Moi-même, je ne savais pas quoi faire de ça : nous étions deux gamins moulus dans la farine du non-sens, faiseurs d’une hostie sans goût. Une amitié, une amitié dont jamais je ne pourrai saisir véritablement la signification. Nous nous étions rapprochés, avions inventés les règles suicidaires, philosophiquement, le codex, nous réfutions les idées reçues et créions les nôtres, propres, dissolues, résolus que nous étions à influencer notre vie à notre manière. Et pourtant.

Tu as fini par prendre l'aube et je te regardais par la grille, toujours la même.

Je criais : "Gunter" et toi tu ne disais rien quand parfois : "tu es malsaine" en me regardant de haut.

Je suis revenue aujourd'hui, tu vois. Je suis là je te vois au fond, avec les autres. Je t'ai vu me regarder et puis tu l'as regardé lui, Ton Christ. Mon regard disait : "J'aimerais tant que nous rejouions"... le tiens, était sans équivoque.

Je me dis que peut-être tu repenses à moi lorsque tu utilises la flagelle. J'espère être là un peu lorsque tu fais ça. Que tu imagines un peu ma langue buvant tes plaies.

Peut-être que les années 60 te verront défroqué.

En tout cas, moi, je t'attendrai.


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