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L’Attente Cordiale (Nouvelle)

Publié le 03 janvier 2011 par Paumadou

L’Attente Cordiale (Nouvelle)Suite à un commentaire posté sur un blog (mais pas le bon blog, je pouvais pas), je me suis trouvée inscrite à un défi d’écriture et bien évidemment, je l’ai complètement oublié ! Jusqu’à ce que Cathyy me le rappelle dans un commentaire il y a quelques jours (ou plutôt me rappelle le site, que je le visite et tombe sur mon nom dans la liste des participants… hum… bon ben ça va, hein, il me restait quelques jours pour le faire Razz )

J’ai donc profité de la dernière Nuit de l’Ecriture pour écrire la nouvelle demandée (nuit où je me suis pas trop mal débrouillée avec 4103 mots sur l’objectif, c’est pas mal, j’ai quand même tenu jusqu’à 1 heure du matin, rédigé cette nouvelle et un chapitre de L’Enfant du Louvre )

Voilà quelles étaient les contraintes :

- Le titre : L’attente cordiale ;
- toute l’histoire doit se dérouler dans une salle d’attente ;
- des éléments relatifs au fantastique doivent intervenir (folie, surnaturel, créatures…

Wink
;
- il faut caler les mots : raton-laveur, pistache, bouteille, métacarpe ;
- citer une réplique de film/de série de son choix ;
- nommer un personnage d’après un anagramme de son propre prénom ou de son pseudonyme.

Voilà ! Je vous mets la nouvelle (et dès que le PDF de tous les textes sera publié, je vous mettrai le lien pour voir ce que ça a donné chez les autres

Wink
)

L’Attente Cordiale par Pauline Doudelet

Une foule ordinaire. Comme on en trouve dans toutes les salles d’attente. Un quadragénaire à lunettes lisait le Canard Enchaîné, une jeune mère de famille un peu débordée par sa nouvelle progéniture encore vagissante, mais fort bruyante, une vieille d’un âge improbable et un tas d’autres personnes encore plus ordinaires. Disons-le, Elina Up, votre servante, n’était pas tellement différente du reste. Je portais peut-être juste un pull couleur pistache qui me permettait de me distinguer légèrement de la foule majoritairement vêtue de sombre. Autre caractéristique me différenciant de cette foule anonyme, je lisais un livre. Non pas que ce fut extraordinaire en soi, plusieurs dans cette pièce possédaient un tel attribut à contenu littéraire, mais je lisais un livre en anglais. Harry Potter and the Philosopher’s Stone. Pas vraiment plongée dans l’univers magique, car avouons-le lire dans une salle d’attente pleine à craquer, ce n’est pas le meilleur endroit pour s’évader. Mais ça permettait de passer le temps.

Ce n’était pas encore mon tour, et vu la foule qui se trouvait déjà présente quand j’étais arrivée, je doutais qu’il soit proche. Je devais bien prendre mon mal en patience. J’avais déjà lu ce livre, il m’avait passionné. Mais c’était dans un endroit calme, sans personne pour me déranger et, surtout, sans la tension qui habite toute personne patientant pour un événement (son tour) qui pourrait survenir à n’importe quel moment. Pas du tout l’esprit à cela. Je refermai donc le livre en soupirant, ne pouvant pas me concentrer correctement pour l’apprécier. Ça faisait cinq fois que je relisais le même paragraphe.

Autour de moi, tout était ordinaire. La jeune mère avait sorti une bouteille d’eau de son sac et s’affairait à confectionner un biberon plein et blanc de lait pour sa marmaille sonore, la vieille regardait fixement dans le vide devant elle avec un air légèrement perdu. Le type au Canard l’avait jeté devant lui sur la table basse, visiblement terminé, et s’amusait à faire craquer les jointures de ses métacarpes avec une délectation effrayante. Je ne sais pas ce qui m’énervait le plus, le bébé ou les craquements discrets des articulations de ce mec. Bientôt ça serait mon tour. Je me raccrochais à cette idée pour ne pas craquer moi-même, comme certainement toutes les personnes dans cette pièce.

Un vieux entra alors. Un grand type longuement barbu avec un accoutrement assez particulier. On l’aurait dit sorti d’un film des années soixante-dix. Un pantalon à carreaux écossais, mais plus dans les verts-orange fluo que dans les bruns discrets, et une chemise à rayures bleues et jaunes. Il portait également des lunettes de soleil derrière lesquelles son regard demeurait invisible, mystérieux. Il entra et alla s’asseoir à côté de la jeune mère de famille. Je m’attendais presque à ce qu’il se mette à tourner sur lui-même et dise « Lancez-moi tout de suite à Saint Trop ! » comme Merlin l’enchanteur dans le dessin animé du même nom. Mais il se contenta d’ôter ses lunettes et de les ranger soigneusement dans sa poche de chemise.

Le tour du quadragénaire arriva. Si je comptais bien, il restait 2 personnes avant moi : le quadragénaire qui venait d’entrer dans l’autre pièce et un étudiant tout autant occupé à réviser ses cours qu’à se vider le nez dans un mouchoir en tissu qui n’avait plus de forme, et certainement plus un seul centimètre carré de sec. Le vieux me regardait à présent. Je n’allais certainement pas lui laisser ma place. Certaines personnes âgées font cela. Elles repèrent quelqu’un dans la foule, la fixent pour les apitoyer sur leur sort et faire jouer le sentiment de culpabilité : ainsi, souvent elles gagnent quelques places dans une file d’attente ou même passent avant les autres chez le médecin. Mais je connaissais bien trop le stratagème pour y céder. Il lui faudrait trouver quelqu’un d’autre.

Ses yeux étaient cependant magnifiques : bleus et presque pétillants. Une image me sauta aux yeux. Ce n’était pas Merlin que j’avais devant moi, mais Dumbledore ! Évidemment, cet accoutrement anachronique, ses yeux pétillants. J’imaginais presque qu’il allait sortir son déluminateur et l’agiter au milieu de la pièce. Toujours en me fixant, il se mit à rire.

Non, non, ce n’était pas possible. Je retournais à ma lecture anglophone et tentait de me concentrer. En réalité, je me dissimulais derrière mon livre. Ce vieux ne pouvait pas être Dumbledore et pourtant, il avait paru lire dans mes pensées. Il avait ri, juste au moment où je pensais à une chose qui aurait pu le faire sourire. Rien d’autre ne s’était produit, rien que ma simple pensée. Non, ce n’était pas possible.

Le vieux observait la salle désormais, le regard toujours brillant. Le bébé se remit à brayer, ayant terminé sa dose abondante de nourriture liquide.

« Je suis désolée, je ne sais pas ce qu’il a, il n’arrête pas de réclamer à boire en ce moment. » La mère semblait parfaitement contrite du désagrément qu’imposait sa descendance.

« C’est un charmant petit garçon, il a quel âge ?
- Un mois. »

Une parfaite conversation polie entre deux personnes qui ne se connaissent pas, comme il y en a partout, tous les jours et à toutes heures, dans le bus, le métro ou n’importe quel lieu dans lequel des inconnus sont forcés de cohabiter. La civilisation nous pousse à nous parler pour nous sentir moins mal à l’aise. Où à nous planquer derrière un livre pour éviter les autres. Je crus percevoir un sourire au coin de la bouche d’Albus quand je pensais cette dernière phrase. De quoi me perturber d’avantage.

« Il a faim. Encore…
- Peut-être qu’il a juste un peu froid ou alors… »

Et le vieux posa une main sur la joue du bébé en murmurant quelque chose qui fit sourire la jeune mère, mais que je n’entendis pas. Le marmot cessa immédiatement de pleurer.

« Ah, ah, je crois que vous avez raison ! »

Riant désormais de cette intervention quasi-magique, Maman semblait ravie. Bébé s’était endormi. Même en ayant peu fréquenté de nourrissons, je voyais bien dans la caresse du vieux avait quelque chose de non-naturel. Un hurleur ne se calme pas sur un geste de la main, même un doux. C’était vraiment perturbant. Dumbledore retourna sa tête vers moi et m’offrit un immense sourire. Il recommençait, je replongeai dans ma cachette.

Ça allait bientôt être au tour de l’étudiant. J’étais là depuis une heure, peut-être deux. Le temps semble toujours distendu dans ce genre d’attente. Parfois, même il semble remonter, et alors que vous croyez qu’il était déjà bien avancé, vous vous rendez compte que vous venez de revenir dix minutes en arrière. C’était interminable. Le vieux tripotait quelque chose dans sa main. C’était un pendentif au bout d’une chaine. Je devenais folle. Ça ressemblait parfaitement à un retourneur de temps… Une espèce de petit sablier à remonter comme une horloge. Je clignais fixement des yeux sur l’objet. Il disparut rapidement sous la chemise d’Albus.

L’étudiant refit alors tomber ses feuilles de cours. Impossible, il VENAIT de le faire, quelques instants auparavant ! Non, non, je devenais folle. J’aurai du prendre un autre livre, un policier avec un meurtre à résoudre, aucune chance alors que je me prenne la tête à imaginer toutes ces choses. Quelqu’un appela le jeune homme qui ramassa ses affaires et disparut promptement par la porte. J’étais la prochaine.

« C’est bientôt à vous ? »

Albus avait une voix assez agréable, mais un accent curieux, mêlant amusement et sarcasme, me la rendait assez odieuse. J’inclinai la tête sans répondre. J’en étais à la page 139.

Le sorcier se tourna alors par dépit, vers la vieille Alzheimer qui se trouvait sur sa gauche. La conversation toujours aussi polie et habituelle, j’essayais de me concentrer sur mon livre. Non, si ce type tentait de me convaincre de le laisser passer, je resterais de marbre. Impassible. C’était mon tour, celui de personne d’autre.

« Oh… oui, Paul est adorable. Il m’a offert des fleurs vous savez… »

La vieille délirait visiblement sur son passé, parlant de son défunt mari comme s’il était encore parmi nous. Une pauvre femme, j’espérais ne jamais finir comme ça.

« Et les jeunes, je ne les comprends pas…
- Je suis d’accord avec vous, madame, les jeunes ne comprennent pas les personnes âgées. »

Cette phrase sortit du brouillard dans lequel j’essayais d’étouffer la conversation afin de me donner toute entière à ma lecture. Le sorcier à la barbe blanche, mais peu soignée, ne répondait pas à la vieille, mais à mes propres pensées. D’ailleurs, il me fixait avec des yeux pétillants dans l’ombre de ses arcades sourcilières, ça lui donnait un petit air de raton-laveur. Et je lui rendais un visage d’ahurie bouche bée et globes oculaires exorbités. Non, ce n’était pas POSSIBLE.

Finalement, une charmante voix féminine m’appela. Perturbée, je fis tomber mon livre en ramassant sac et manteau. Une main d’aspect assez jeune pour l’âge qu’il devait avoir le saisit et me le tendit.

« Rien n’est impossible, mademoiselle. »

Ce fut un murmure. Peut-être de mon esprit trop perturbé. Ça ne pouvait être que ça.

Durant tout l’entretien, je ne cessais de penser à ce qui s’était passé. Albus Dumbledore m’était apparu, lisant dans mes pensées. Proprement improbable, et pourtant. Pourtant, il avait calmé ce nouveau-né hurleur d’un geste de la main. Pire, il avait lu dans mes pensées ! C’était impossible et pourtant, il me l’avait soufflé lui-même « Rien n’est impossible. » Je devais en avoir le cœur net.

En sortant, je fis un détour par la salle d’attente, pour lui poser la question. Au mieux, j’aurai une réponse. Au pire, j’aurais juste l’air bête. Ce ne serait pas la première fois. Mais il n’était plus là. Disparu, comme par magie !


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