Les congés obligatoires sont donc enfin achevés. Il fallait bien les prendre même si partir était impossible et rester insupportable. C’est formidable les congés. Pour ceux qui ont les moyens, pour ceux qui ne sont pas prisonniers.
Il a bien fallu que ces deux semaines passent. Des hauts et surtout des bas, à l’image de cette année où a été de mal en pis, si ce n’est ce rayon de soleil illusoire d’un amour éphémère. Je suis vivant et autant que je sache pas malade, il reste donc de l’espoir. La catastrophe n’est que matérielle et morale. Parfois, je n’ai même plus la force de me réfugier dans ces rêves écrits qui sont autant la réalité qu’un passage vers un autre monde. Le spleen est là, les vers s’oublient.
A-t-elle existé ? Ai-je vécu ces brefs moments où nous étions seuls au monde dans la ville ? Je ne suis plus retourné voir cette rue, celle de ce soir là où nous nous aimions sans voir tout ce qui nous en empêchait. L’été dernier, quand tout allait si mal, j’ai voulu la voir, être sûr qu’elle existait cette rue d’avril où je l’avait vue, elle, s’avancer vers moi, cette rue où quelques heures plus tard nous avions marché main dans la main, puis nous tenant par la taille et nous embrassant, offerts au regards des passants absents. Aujourd’hui, la rue n’est plus qu’un souvenir, comme celle que j’aimais ce soir là, comme celle qui me donnait son amour. Je sais que rien n’était normal, qu’aucun amour n’aurait dû naître d’une rencontre que j’ai racontée un peu trop fidèlement. Nous avons un temps oublié ce qui nous avait réuni, un temps espéré que nos solitudes et nos malheurs s’effaceraient. Nous avons cru à un amour, n’était-il donc qu’illusion ? Elle existe pourtant, elle vit, nous nous sommes même parlés depuis que nous ne sommes plus amants. Il m’arrive de penser à elle et de l’espérer heureuse dans une nouvelle vie où rien de ce qui nous avait réunis n’existe plus. Je lui ai souhaité un joyeux Noël, elle n’a pas répondu, je sais pourtant qu’elle a eu mon message. Pour la nouvelle année, je me suis abstenu : à quoi bon lui souhaiter une bonne année loin de moi puisque c’est à une année auprès d’elle que j’aurais pensé. Qui sait ce que l’avenir réserve ? Ah, cette formule… une façon de laisser une porte ouverte, de ne pas accepter que tout est fini, que peut-être rien n’a jamais vraiment commencé.
Les jours vont continuer de tomber. Je vais essayer de ne plus réveiller cette histoire que j’ai voulue plus belle et j’arriverai peut-être à ne garder que ce qui m’en éloignera.
Le quotidien reprend ses droits. J’ai retrouvé les inconnus du matin, ces visages figés du métro, familiers mais qu’on ne reconnaît pas, avec qui l’on partage quelques minutes et que l’on quitte pour toujours ou jusqu’à ce qu’on les croise, anonymes encore.
Je m’ennuie de nouveau au bureau.