Tu te souviens un peu comment c'était avant. Comment c'était d'avoir 15 ou 17 ans et de tomber amoureuse comme on tombe d'une chaise ? Tu te souviens, comme ça faisait mal et comme c'était compliqué ? Enfin , je te signale que c'était surtout de ta faute si ça faisait mal et si c'était compliqué ! Bah oui, tu tombais toujours amoureuse du mauvais garçon, enfin "mauvais", pas au sens bad boy, non ça pour ça, t'as toujours aimé les premiers de la classe, déjà des sortes de geek en puissance qui s'ignoraient. Non, c'était le mauvais garçon, dans le sens où tu ne les connaissais pas ces garçons, tu les fantasmais. D'ailleurs tu fais ta maligne en disant 15 ou 17 ans, comme si tout cela appartenait à une adolescence révolue, comme les posters des Spice Girls ou ta collection de bâtons d'encens, alors qu'en fait tu t'es traînée ces obsessions maladives jusqu'à très récemment.
Tu cherchais les coups un peu. Faut croire que t'aimais ça, souffrir. Tu pensais que ça t'apportais plus d'inspiration. C'est en partie vraie, ta plume peine un peu depuis que tu vas bien. Mais foncièrement, c'est quoi ce truc là, de rêver complètement une personne ? Je veux dire, ça n'est pas mieux d'apprendre à connaître quelqu'un et de construire bout par bout ? Si, c'est mieux. Beaucoup mieux. Chaque jour ou presque est inondé de soleil depuis que tu marches sur ce chemin là. A l'époque, pourquoi agissais-tu ainsi ?
Tu vivais encore dans ton monde à toi, c'est ça ? Celui où tu plonges parfois quand les matins parisiens sont trop gris. Celui où tu vas le soir, quand le mal de crâne se fait trop fort sous les soucis. Tu le sais pourtant, que ce monde, il n'existe pas.
Mais c'est plus fort que toi ! Du moins ça l'était. Alors dans ce monde, tu y mettais le beau brun mal rasé et tu imaginais sa vie, ses rêves, sa chambre. Tu sentais son odeur des jours et des jours après l'avoir croisé, tu voyais ses yeux sur tous les visages que tu croisais. Et puis surtout, oh oui surtout, tu projetais votre histoire dans toutes les fictions que les livres ou les films te donnaient.
Je te regarde de loin maintenant. Oh, pas de bien loin hein, ce serait présomptueux. Je serai même capable de redevenir toi si ça tournait mal. Mais pour le moment je te regarde. Avant je t'aurai moquée, je t'aurai niée, je me serai fichue de celle que tu étais. Aujourd'hui j'ai une infinie tendresse pour toi. Il était peut-être nécessaire d'être toi pour être moi.
Maintenant tout est apaisé, maintenant la course immense dont tu croyais faire partie s'est arrêtée. Tu as le droit de continuer de rêver bien sûr, tu peux y aller dans ton monde, les jours de pluie ou pour projeter de belles diapo sur l'écran noir de tes nuits blanches, mais pour la souffrance, c'est bien que tu te sois calmée. C'est reposant de ne plus te voir essoufflée et exsangue, lorsque tu courrais après des chimères, sous les traits d'hommes imaginaires.
C'est apaisant de vivre ainsi.
Je ne te le dis pas souvent, mais je suis fière de toi.