Lorsque LMO m’a dit récemment qu’elle me trouvait courageuse de parler de mes soucis avec mon corps et de ma relation à la nourriture car elle avait tenté plusieurs fois de le faire sur son propre blog sans jamais arriver à se lancer. Je lui ai donc demandé si ca l’aiderait de le faire ailleurs et cette ailleurs est ici.
Elle a accepté
Si toi aussi en lisant ce témoignage ou en te baladant sur ce blog tu as envie de nous raconter ton chemin de vie parsemé de régimes tous plus inefficaces les uns que les autres, j’entends par là qui n’ont serivs qu’à une chose te faire grossir de plus en plus et te faire culpabiliser de toujours ou presque reprendre.. Je t’invite à m’envoyer ton récit je le publierai car c’est toujours rassurant de voir qu’on n’est pas seule!
Je n’attends en aucun cas de témoignage sur tel ou tel régime.
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Aujourd’hui j’ai envie de parler d’un problème qui me tient au corps, mes kilos en trop.
Et je ne suis pas comme toi, qui te plains d’avoir 4 kilos à perdre, lavieesttrophorrible, non, moi je suis grosse pour de vrai.
Du genre qui rentre dans du 46. Tout de suite, ça calme.
Rassure toi, il n’y a pas si longtemps, j’étais comme toi, à me demander pourquoi le sort s’acharnait sur moi et refusait de laisser entrer mon cuissot dodu dans un pantalon taille 36. Il y a quelques années seulement.
Pourtant, mes soucis avec la bouffe remonte à beaucoup plus longtemps.
J’ai commencé mon premier régime à 8 ou 9 ans… Je trouvais que j’avais un gros ventre, j’étais complexée, j’ai décidé d’arrêter de manger…
J’ai tenu quelques heures, et puis j’ai été piquer du saucisson dans le frigo, ainsi que des carrés de chocolat, pour faire des réserves dans ma chambre… Paniquée à l’idée de manquer.
NE me demande pas pourquoi, je n’en sais rien, je n’ai pas fais la guerre pourtant!
A 10 ans, j’allais chez un médecin pour des migraines persistantes. Analyses de sang concluant que j’avais un fort taux de cholestérol, la cause de toutes mes douleurs (tu ne savais pas que le cholestérol donnait des migraines? Moi non plus…). Le médecin m’affirme tranquillou qu’il faut que j’arrête de bouffer des bonbons, sinon, je crèverai à 30 piges…
Je précise qu’à 10 balais, j’étais tout à fait normal, je n’avais pas de poids en trop du tout, j’étais pas une asperge non plus, mais c’est tout.
Dès le collège, j’ai commencé à m’arrêter de manger pour de vrai. Le midi, à la cantoche, j’allais avec les autres, mais je ne touchais pas à mon repas.
L’attention qu’on me portait alors était un sentiment jouissif. Mes copines me demandaient pourquoi je ne mangeais rien, et que c’était pas bon pour ma santé, et que ceci, et que cela… Rien que pour ça, j’ai continué à ne rien bouffé.
Je compensais le soir en rentrant… Quand je m’apercevais en montant sur la balance que je n’avais perdu que 12 grammes et que j’étais totalement désespérée.
Pendant toute l’adolescence, j’avais ces 3 kilos à perdre que je ne parvenais pas à éradiquer, peut être un peu parce qu’ils étaient surtout imaginaires.
Peut être parce que je m’y prenais de la pire manière qui soit, en arrêtant de manger pendant plusieurs jours d’affilé.
Je ne sais pas si c’est courant chez les jeunes filles, ce jeûne imposé, mais on y prend vite goût…
Le sentiment de toute puissance sur son corps, la maîtrise, puis l’euphorie qui survient subitement, la joie, le sentiment de réussir, d’être formidable… Le besoin de faire su sport, de se dépenser, pour que le sentiment soit renforcé. Un réel plaisir dans la douleur…
Et puis, comme après un shoot de coke (tu me diras, j’ai jamais essayé la coke, la comparaison est peut être exagérée), le bad trip… L’envie, … non… Le besoin irrépressible de manger, tout, n’importe quoi, heu non, pas la feuille de salade, non, un macdal, oui!!
On sort, en pleine nuit, et au va au Burger king le plus proche (40 mètres pour moi) demander 5 hamburgers, et on bouffe tout en prenant à peine le temps de respirer…
Après, on se sent sale, nulle, on se déteste encore plus, et c’est la spirale infernale…
Les troubles alimentaires ne prennent pas uniquement la forme basique de l’anorexie ou de la boulimie, il y a les mix de tout, pas nécessairement moins dangereux…
Avant d’avoir Mouflette et pendant ma courte vie en couple, j’ai pris une 20aine de kilos…
A force de régimes hyper restrictifs, de perte de 3 kilos et de reprise de 5, on arrive rapidement à un résultat fatal…
La haine d’un corps qui a déjà tant souffert et qui stigmatise le mal être intérieur si présent…
Pendant ma grossesse par contre, je me suis surpris à faire gaffe. Pas de débordement, ni dans un sens, ni dans l’autre.
Ce corps si détesté était enfin utile. Il ne transportait plus que moi, mais une autre vie dont je devais prendre soin…
Et le vide si difficile à supporter n’était plus, puisque j’étais habitée.
Après la naissance et une rupture difficile, j’ai perdu les 20 kilos, avec même un bonus.
Je n’avais jamais été aussi mince.
Un corps que j’avais du mal à appréhender… Une nouvelle identité physique.
Des hommes qui se retournent et sifflent, être accoster dans la rue, avec ou sans poussette au bout des mains.
En profiter, draguer, séduire, juste pour le plaisir de coller un vent ensuite…
Par vengeance un peu. Et par envie de prendre un risque aussi.
Voir jusqu’où on peut aller sans qu’il ne se passe rien…
Tenter, sans succès, de se prouver que oui, quoi qu’on fasse, en principe, ça ne se termine pas en drame.
Et puis les affres de la nourriture m’ont rattrapés.
Oui, j’étais mince, mais pas assez… 58 kilos, je voulais en faire 55.
J’ai réussi, j’ai voulu n’en faire plus que 52. Je ne les ai jamais atteint, mais je sais que si j’y étais parvenu, j’aurais voulu tenter 49…
De 3 kilos perdus avec grosses frustrations, 5 repris en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
Et puis une introspection qui survient, une agression un peu plus évidente que les autres et c’est la vie qui bascule.
En bien, j’aurais tendance à dire.
Mais ce sont 30 kilos qui sont venus se greffer en moins de 6 mois…
La métamorphose a été si brutale que même 6 ans après, je n’arrive toujours pas à comprendre les contours de mon corps. Je me cogne, je suis maladroite, je ne me vois pas si grosse que je suis en réalité.
Je suis coincée dans un scaphandre de graisse…
Ces kilos dont j’ai si honte, mais qui m’ont permis de me réconcilier avec moi-même, curieusement…
Pendant des mois, j’ai haïs le regard posé sur moi, ce mélange de dégoût et de condescendance… « Mais comment a t’elle pu en arriver là? Comment peut on se laisser aller de la sorte? »
J’ai donné l’argument de la maladie. Les regards sceptiques m’ont dissuadés d’en reparler…
Pourtant, j’ai bien une hypothyroïdie, qui explique en partie la facilité déconcertante avec laquelle j’ai pris tout ce poids.
Et la difficulté pour les perdre sans traitement adéquat.
Il y a aussi les raisons plus intimes, que je n’ai pas envie de développer, ni ici, ni avec les gens qui me le demandent alors que ça ne les regarde pas.
Quand on est gros, et surtout quand on ne l’a pas toujours été, le regard de l’autre est difficile à accepter…
Le mépris, l’incompréhension, le besoin de se mêler du problème, l’envie « d’aider », les félicitations au moindre gramme perdu ou les encouragements quand la personne croit qu’un régime est entamé.
En tout et au maximum de mon record, j’ai pris 45 kilos (je te laisse faire le calcul, c’est spectaculaire).
J’en ai perdu 10 avec la naissance de MissCouette. Le bon dosage du traitement au Levothyrox ayant enfin été trouvé quelques mois avant que je tombe enceinte. Et je n’ai pas pris un gramme pendant ma grossesse (valait mieux tu me diras!)
Il m’en reste une 20aine à perdre. Le but n’étant pas de rentrer dans du 36/38 à nouveau, mais seulement de retrouver forme humaine.
Pouvoir entrer dans une boutique et ne pas ressortir avec l’envie de mourir tellement RIEN ne me va.
Plaire à mon mari. Ne pas faire honte à ma fille. Me regarder dans un miroir et voir autre chose qu’un monstre.
Pourtant, maigrir me fait peur.
La peur de l’échec, évidement. De la frustration aussi… Mon expérience des régimes est tellement négative que j’ai du mal à me projeter dans quelque chose de sain, même si je sais que ça existe. Même si j’adore les légumes et aussi les cuisiner.
Mais surtout la peur du malheur…
Je suis peut être grosse et moche, mais tout dans ma vie est parfait. J’ai le bonheur dont je n’ai jamais osé rêver, celui que l’on m’a convaincu que je ne méritais pas.
J’ai la conviction totalement idiote que la rançon de ce bonheur là, ce sont mes formes… généreuses, on va dire, pour être poli.
Maigrir, c’est aussi prendre le risque de ne pas plaire qu’à mon mari.
Je ne suis pas stupide, je sais que je suis une jolie fille cachée dans un corps de grosse moche.
Et plaire aux hommes, forcément, avec mon passif, ça me fait carrément paniquer.
La seule motivation qui me reste aujourd’hui, c’est la saleté de petite phrase du docteur de quand j’avais 10 ans « Si tu bouffes des bonbons, à 30 piges, tu clamses »
J’ai 30 piges dans moins de 6 mois, et je suis pas super fan de laisser deux orphelines et un veuf après mon trépas…
Merci beaucoup, Madame Parle, de m’avoir ouvert ton espace pour m’exprimer sur ce sujet si délicat.