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Amphigourique

Publié le 06 janvier 2011 par Addiction2010

La réponse se voulait discrète et ne suivit pas les chemins habituels. Elle trouva sa voie pourtant et arriva aux yeux et aux oreilles de ce que l’on qualifie de grand public. On put d’abord lire dans les journaux l’édifiante histoire d’un député, se déclarant porte-parole de nombreux instituteurs et autres enseignants, qui avait pris la plume pour officiellement demander au gouvernement une réaction à la pauvreté du vocabulaire présidentiel et aux approximations multiples de la grammaire élyséenne. Et puis, ce furent les journaux télévisés, probablement pas celui de la chaîne dont ce président est l’obligé, qui rapportèrent cela.

C’était une question au gouvernement, elle eu donc une réponse. Amphigourique. C’est le mot qui doit éclairer le député. Ainsi donc, celui qui est parait-il Président de la République serait capable de maîtriser parfaitement la langue française mais choisirait d’utiliser un style populaire pour éviter l’amphigouri. Et c’est pourquoi l’énarque de service a torché une réponse qui se veut sans doute spirituelle en utilisant un mot dont le sens est inconnu du plus grand nombre.

Mais quelle est donc cette mode que l’on voudrait nous imposer où, suivant l’exemple venant du sommet de l’Etat, chacun devrait oublier les formes grammaticales correctes et les mots de plus de deux syllabes ? Encore s’il ne s’agissait que d’abandonner le charme suranné du plus-que-parfait du subjonctif… L’accent circonflexe est-il donc assimilé à une arme capable d’infliger des blessures létales ?

Pourtant celui qui aurait ainsi choisit un verbe qu’il voudrait plus proche du peuple appartient à une génération à qui, en principe, on a encore appris l’existence du conditionnel passé deuxième forme, à qui les instituteurs, que l’on n’avait pas encore affublés d’un titre aussi pompeux que creux, faisaient apprendre des listes de vocabulaire où les mots simples ne fuyaient pas et acceptaient la fréquentation de frères un peu métèques aux racines grecques ou encore plus exotiques.

Il faudrait aujourd’hui ignorer ces formes que l’on dit compliquées de la langue française. Qu’on ne les recherche pas, qu’on utilise les tournures directes nourries de mots communs, que l’on privilégie une syntaxe compréhensible par tous, cela relève du bon sens. Mais pourquoi jeter l’anathème sur le respect de la grammaire la plus élémentaire ?

Que sont, en réalité, la grammaire et l’orthographe ? Des règles qui permettent, par le respect d’un code commun, la compréhension du discours de l’un par l’autre. Qu’est ce qu’une langue si ce n’est un ensemble de mots et de formes qui permettent de les utiliser ensemble en indiquant à celui qui les reçoit un sens aussi précis que possible ? L’oublier et autoriser chacun à créer sa propre variante revient à tuer la langue.

Faudrait-il donc que le français singe ce sabir d’anglais qui sert de lingua franca au monde des affaires ? Le subjonctif anglais n’est guère plus employé que par ceux qui l’ont appris comme langue étrangère, à qui on a inculqué quelques formules. Simplifier serait être moderne ! Le français, comme d’autres langues, possèdent des subtilités grammaticales qui permettent de rendre compte de nuances, pourquoi devrions nous nous en priver ?

Car au fond, c’est l’absence de règles qui crée l’amphigouri, ou plutôt le charabia car ce mot « amphigourique » a été utilisé à dessein, certainement. N’est-il pas paradoxal, de la part d’un gouvernement qui place l’ordre en tête de ses préoccupations, d’oublier sciemment les lois qui régissent la langue et permettent, justement, la communication entre les français autres locuteur de notre langue ?


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