L'héritage qui embarrasse

Publié le 16 janvier 2008 par Lauravanelcoytte

Jean-Marc Philibert, envoyé spécial à Pellevoisin
16/01/2008 | Mise à jour : 08:22

Le maire de Pellevoisin devant la maison d'Hélène Louart. Parmi les conditions au legs de sa fortune à la commune, la centenaire avait requis la construction de logements sociaux.

Dans son testament, une vieille dame a laissé plus d'un million d'euros à la petite commune de Pellevoisin. Mais en posant ses conditions.

Le petit village berrichon, en plein cœur des collines du pays Boischaut, n'avait encore jamais vu cela. Claude Roux, le maire de Pellevoisin, dans l'Indre, est d'ail­leurs bien embarrassé par toute cette histoire.

Depuis le mois de novembre et l'ouverture du testament d'Hé­lène Louart, morte en juin dernier à l'âge de 100 ans, voilà sa commune désignée légataire universelle de la vieille dame et virtuellement à la tête d'une for­tune d'au moins 1,15 million d'euros.

«Cela représente l'équivalent de notre budget annuel de fonctionnement», confirme l'élu.Un véritable pactole pour les885 habitants de ce petit coin du Berry.

Oui, mais voilà : les Pellevoisinois ne toucheront le jackpot qu'à plusieurs conditions. «L'argent doit servir à construire des logements sociaux, souffle M. le maire. Le problème, c'est que Pellevoisin en a déjà plus d'une cinquantaine sur son territoire. Nous n'en avons pas vraiment besoin. Mais enfin, s'il faut en passer par là… »

Et ce n'est pas tout. Caprice ou malice, la vieille dame qui au passage avait déshérité la seule famille qui lui restait, une nièce a imposé d'autres conditions à sa commune. Et certaines laissent pantois. Ainsi, si sa tombe «devra être entretenue et fleurie», comme le rappelle son testament déposé chez le notaire du village, Me Sylvie Pouchol, une plaque commémorative portant son nom, ainsi que celui de son compagnon, devra également être apposée à la mairie. Les deux tableaux qui trônaient dans son salon devront, eux, être «installés dans le bureau du maire». Sans parler du fait qu'une rue du village devra être baptisée de son nom et que sa maison devra être cédée «à des Parisiens»… «  Elle voulait que sa maison soit vendue uniquement à des gens résidant dans la capitale, excluant même les banlieusards, explique Claude Roux. Pourquoi ? C'est un mystère.» À Pellevoisin, les rumeurs vont bon train.

«Elle savait ce qu'elle voulait»

Accoudé au comptoir de Chez Babette, l'unique café-restaurant du village, Joseph semble résumer l'opinion des Pellevoisinois, des gens un peu rugueux, à l'accent roulant et au tempérament de taiseux. «Si elle avait mis un peu moins la godille, cela aurait été mieux», lâche l'artisan à la retraite, casquette vissée sur la tête au-dessus d'une fine moustache blanche qui lui barre le visage.

«Il veut dire qu'on aurait préféré qu'elle fasse preuve de moins d'astuce, intervient Babette, la patronne, un petit bout de femme énergique, débarquée de Châteauroux il y a vingt-cinq ans. Quand on a appris l'histoire, on s'est dit : Chouette, on va pouvoir avoir un nouveau camion de pompiers. On n'a pas été déçus…»

Le camion de pompiers devra pourtant attendre. Comme la réfection des trottoirs du petit village construit en pente ou le ravalement de la salle des fêtes municipale, située juste en face de la mairie. Visiblement, Hélène Louart n'avait pas les mêmes priorités que les élus de la commune. «C'était une vieille dame sympa, assez fluette, qui rentrait tranquillement chez elle. Une chose est sûre : elle savait ce qu'elle voulait, commente Denis, le jardinier, voisin de la centenaire avant qu'elle ne parte finir ses jours à la maison de retraite d'Écueillé, à une quinzaine de kilomètres de Pellevoisin. Pour le reste, elle ne montrait pas la fortune qu'elle avait.»

Outre sa maison de la rue de la République, plutôt modeste, la vieille dame disposait surtout de deux comptes bancaires bien garnis, dont un en Suisse pour lequel un inventaire définitif reste à faire. À Paris, le notaire a aussi fait procéder à l'ouverture d'un coffre dont la vieille dame était titulaire. À l'intérieur : des bijoux mais aussi des napoléons et, plus surprenant, des pièces d'or américaines, anglaises, australiennes et même mexicaines… Une fortune nimbée de mystère que personne, à Pellevoisin, n'est capable d'expliquer.

«On sait seulement que cette dame, qui était née au village au début du siècle dernier, était partie très jeune avant de revenir il y a vingt-cinq ans», explique le maire. Entre-temps, employée de commerce à Paris, elle avait rencontré un tailleur italien du quartier de la Madeleine. Est-il à l'origine de son trésor ? Hélène Louart a choisi de ne pas répondre à cette question. Ni à toutes les autres, d'ailleurs…

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