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7 janvier 1912 | Naissance de Giorgio Caproni

Publié le 07 janvier 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

  Le 7 janvier 1912 naît à Livourne Giorgio Caproni.

  Portrait_de_Giorgio_Caproni
  Image, G.AdC

  Traducteur de Baudelaire, Apollinaire, Proust, Céline, Frénaud et René Char, Giorgio Caproni, « poète du soleil, de la lumière et de la mer » (Carlo Bo), longtemps voué à la création solitaire qui le tient éloigné des grandes interrogations poétiques de son temps, occupe aujourd’hui une place centrale dans la poésie contemporaine italienne, dont il est assurément l’une des voix les plus originales.

  L’originalité de la poésie de Caproni tient à l’équilibre savant que le poète établit entre les contraires. Attachée au monde sensible et à l’expérience personnelle, elle l’est aussi aux contrastes et aux contradictions apportés par l’alliance entre « hermétisme florentin » et registre quotidien, « cantabile » ; entre syntaxe recherchée et simplicité du vocabulaire. À la métrique traditionnelle maîtrisée avec art s’oppose une « limpidité cristalline » qui assure aux poèmes leur musicalité « vibrante ». La précarité de la vie, la solitude, les inéluctables et douloureuses séparations sont l’essentiel de la thématique du poète, fondée sur l’oxymore (la présence-absence, le voyage sans départ, l’identité du chasseur et de sa proie…).

  Auteur de nombreux recueils, Come un’allegoria (Comme une allégorie, 1936), Passaggio di Enea (Passage d’Enée, 1956), Seme del piangere (La Semence des pleurs, 1959), Il muro della terra (Le Mur de la terre, 1975), Il franco cacciatore (Le Franc-tireur, 1982), Il conte di Kevenhüller (Le Comte de Kevenhüller, 1986), Giorgio Caproni a aussi écrit des nouvelles, Il Labirinto, Il Gelo della mattina.
Solo_tracce_elusive
Ph., G.AdC

L’ULTIMO BORGO

S’erano fermati a un tavolo
D’osteria.
  La strada
Era stata lunga.
  I sassi.
Le crepe dell’asfalto.
  I ponti
Più d’una volta rotti
O barcollanti.

  Avevano
Le ossa a pezzi.
  E zitti
Dalla partenza, cenavano
A fronte bassa, ciascuno
Avvolto nella nube vuota
Dei suoi pensieri.

  Che dire.

Avevano frugato fratte
E sterpeti.
  Avevano
Fermato gente — chiesto
Agli abitanti.

  Ovunque
Solo tracce elusive
E vaghi indizi — ragguagli
Reticenti o comunque
Inattendibili.

  Ora
Sapevano che quello era
L’ultimo borgo.
  Un tratto
Ancora, poi la frontiera
E l’altra terra: i luoghi
Non giurisdizionali.

  L’ora
Era tra l’ultima rondine
E la prima nottola.
  Un’ora
Già umida d’erba e quasi
(Se ne udiva la frana
Giù nel vallone) d’acqua
Diroccata e lontana.
Seulement_des_traces_-vasives
Ph., G.AdC

LE DERNIER BOURG

Ils s’étaient arrêtés à une table
D’auberge.
  La route
Avait été longue.
  Les pierres.
Les fissures de l’asphalte.
  Les ponts
Plus d’une fois détruits
Ou branlants.

  Ils avaient
Les os brisés.
  Et muets
Depuis le départ, ils dînaient
La tête basse, chacun
Enveloppé dans le nuage vide
De ses pensées.

  Que dire.

Ils avaient fouillé broussailles
Et fourrés.
  Ils avaient
Arrêté des gens — demandé
Aux habitants.

  Partout
Seulement des traces évasives
Et de vagues indices — renseignements
Réticents ou de toute façon
Peu dignes de foi.

  Maintenant
Ils savaient que c’était là
Le dernier bourg.
  Un bout de chemin
Encore, puis la frontière
Et l’autre terre: les lieux
Sans juridiction.

  C’était l’heure
Entre la dernière hirondelle
Et la première noctule.
  Une heure
Déjà mouillée d’herbe
Et (on entendait son écroulement
En bas dans la gorge) d’eau
Dans sa ruine lointaine.

Giorgio Caproni, Poesie 1932-1986 [Milano, 1989], in Anthologie bilingue de la poésie italienne, Bibliothèque de la Pléiade, Éditions Gallimard, 1994, pp. 1363-1365. Traduction de Philippe Renard et Bernard Simeone.



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