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La France championne du monde du pessimisme ?

Publié le 07 janvier 2011 par Voilacestdit

"La France championne du monde du pessimisme" ont titré les média en ce début d'année en rapportant les résultats d'un sondage BVA-Gallup réalisé dans 53 pays.

Les pays européens envisagent l'année 2011 avec pessimisme à l'inverse des pays émergents, plus pauvres mais jeunes et à forte croissance, ou de pays comme le Brésil, l'Inde ou la Chine où 49% des sondés ont foi dans leur avenir, contre 15% seulement des Européens.

La France  championne du monde du pessimisme : 61% des sondés voient l'avenir en noir (52% des Britanniques, 48% des Espagnols, 41% des Italiens... 22% des Allemands).

Pas de quoi faire rêver, mais de quoi donner à penser. Ci-joint quelques réflexions de mon épouse Chantal sur le pessimisme des Français :

Ce qui engendre le pessimisme c’est le sentiment que les choses ne peuvent aller que plus mal dans l’avenir. Le pessimisme nourrit le pessimisme : c’est le cercle vicieux. On voit tout en noir et nos projections peignent l’avenir en noir, toujours plus noir.

Cette disposition d’esprit concerne l’avenir, mais elle est relative à une situation passée, là d’où l’on vient. La preuve en est ce que révèlent les sondages : les pays jeunes comme la Chine, l’Inde ou le Brésil sont les champions de l’optimisme. Il s’agit d’une notion relative qui relie les trois temps : passé, présent, futur, dans une même dynamique. En effet, le temps présent est toujours vécu dans le contexte de la mémoire  et de l’imaginaire et ces trois temps se conjuguent tout en se contaminant mutuellement. L’être humain est ainsi fait qu’il « vit » toujours à la fois dans les trois dimensions du temps : là est sa grandeur et sa misère.

La représentation du présent est impactée par le passé et donne sa couleur au futur. Les Européens  en général, les Français en particulier, ont le sentiment que les choses ne peuvent que se dégrader. C’est effectivement le cas si on se situe dans la logique  qui a guidé la croissance des pays occidentaux  à un moment de leur histoire et de leur place sur la carte du monde. Le développement économique, l’Etat providence, l’ascenseur social, etc… les ont  grisés et ont conditionné leur espérance du toujours plus.

Or ce mode de fonctionnement caractéristique des  trente glorieuses et dont nous avons fait une norme dans la mesure où il nous menait sur un chemin de facilité, n’est plus adéquat. La roue tourne et les cartes s’en trouvent distribuées différemment. La réalité du monde est devenue autre. L’Occident n’est plus le centre du monde et  la France n’en est plus le nombril. Les lois qui gouvernent le monde ne sont plus les mêmes. Nos souvenirs ne sont pas des repères, des normes auxquelles se référer pour guider nos attentes du futur. Et il est temps d’admettre que notre passé regretté est impuissant à s’imposer à la réalité. La réalité d’aujourd’hui n’est plus telle qu’elle était hier. Nos attentes quant à l’avenir ne peuvent être celles que nous continuons à calquer sur un passé  que nous avons d’ailleurs tendance à mystifier dans l’après coup.

A ce stade, nous sommes désagréablement délogés de nos certitudes et de nos sécurités : cette étape est déstabilisante, déconcertante. Une étape de deuil dont nous ne pouvons pas faire l’économie. Il nous faut regarder la réalité en face, envisager la situation actuelle avec ses mutations, voire ses bouleversements – technologiques, géopolitiques et écologiques.   Il s’agit de prendre la mesure de ces changements et de les accepter, puisqu’ils sont incontournables.

A partir de là, une nouvelle page blanche de l’histoire est prête à être écrite et nous pouvons imaginer l’avenir, le rêver, le construire, l’espérer…

La vision pessimiste, si elle ne se confronte pas à l’obstacle - forme qu’épouse  à un moment donné la réalité - ne peut que nous conduire inexorablement à la mort. Notre vision du noir ne fait que nous renvoyer à la couleur de nos lunettes et non à la réalité. Il s’agit d’emprunter d’autres lunettes. Ce pessimisme rampant est une forme de passivité qui est l’indice d’une victimisation générale. Les Français vont-ils mourir, victimes de leur aveuglement, à vouloir refuser de regarder la réalité en face ? Cette tendance ne peut-elle s’inverser dans une vision optimiste, dans un processus tourné vers la vie ?

Mais au fait, dans notre cher passé défunt, avions-nous autant que cela le sentiment d’être pleinement satisfaits de la situation ? Satisfaits de cette surenchère de consommation qui nous a aveuglés sur tant de réalités (le gaspillage et la surexploitation de la terre, la surconsommation aux dépens des pays les plus pauvres…). Un   passé qui nous a  anesthésiés dans une dépendance et une passivité consumériste, dans une léthargie morbide et mortifère… 

Le passé nous a fait expérimenter que le trop plein d’avoir ne conduit pas forcément au bonheur. Il conduit seulement à une avidité toujours plus grande, au besoin du toujours plus. N’assistons-nous pas aujourd’hui à la faillite du mythe de la société de consommation ? N’est-ce pas là une bonne nouvelle ? N’étouffons-nous pas dans des systèmes de sécurité de plus en plus sophistiqués  et inadaptés, pour tenter d’échapper désespérément à un sentiment d’insécurité de plus en plus insinuant et  rampant et que nous ne parvenons ni à circonscrire ni à contenir ? Systèmes de sécurité dont nous finissons par nous sentir prisonniers et qui entravent notre liberté. La terre-mère n’appelle-t-elle pas à une mobilisation du monde entier si nous voulons continuer à vivre ?  Des enjeux et des défis cruciaux pour demain…

A ce moment, s’ouvrent la vision et la perspective d’un formidable chantier qui nous appelle et nous  invite à mobiliser nos ressources et nos énergies individuelles et collectives, aujourd’hui à la dimension mondiale.

Cet aujourd’hui  n’est-il pas l’opportunité de nous réveiller et donc de devenir très optimistes car enracinés et emportés dans le dynamisme de la vie et de briser le cercle morbide du pessimisme ?

En somme le choix entre le pessimisme et l’optimisme est déterminant : il revient à s’engager dans la voie de la vie ou dans celle de la mort.


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