Morose

Cela fait un moment que çà dure : je suis morose. Ce n’est pas le désespoir, je ne vais pas aller longer un canal et penser à m’y jeter, pas plus que l’eau ne m’attirait au point de m’y noyer l’autre jour quand, près de la Seine en crue, j’allais voir mon banc. Je suis juste morose. Les raisons à cela ne manquent pas. Les plaies au cœur ne se referment ni rapidement, ni facilement mais c’est aussi une impasse matérielle où je suis qui contribue à m’éloigner de la sérénité heureuse ou inconsciente. Mais de cela, je ne dirais rien de plus ici.

Ecrire m’a offert ces derniers mois quelques fenêtres sur la vie quand personne près de moi ne voyait plus rien, quand les malentendus succédaient aux mensonges, à moins que ce ne soit l’inverse. Je ne sais si j’ai fait des choix ou si je me suis laissé emporter, au bout du chemin, cela ne fait pas de différence. J’ai raconté ici un amour qui, si j’en crois la raison, n’aurait pas dû exister, d’ailleurs je n’en ai raconté qu’une facette, celle que j’ai vue et j’ai arrêté, pour l’instant au moins, de  publier ici sa version romancée. D’autres diraient que tout n’était qu’illusion et parfois je préfère les croire, tellement c’est commode, tellement cela me permet de m’échapper. A d’autres moments, je veux au contraire retrouver la foi et voir un amour dont je sais qu’il fut aussi intense qu’éphémère, et partagé. Partagé… J’en doute aussi parfois, comme si je voulais me rassurer, retrouver le confort de certitudes quelle que soit la douleur à accepter d’abord.

Bien sûr, « elle » est présente. Elle est si loin. La revoir répondrait à mes interrogations, balaierai probablement ce qui reste d’un sentiment qui s’est endormi sur un souvenir où seuls subsistent les jours dont je ne me suis pas débarrassé, ceux que j’ai choisis. Revenir au premier moment. Et prendre un autre chemin. Mais non, certainement pas ! L’histoire s’est produite et je ne veux pas le regretter, quand bien même je me serais, nous nous serions trompés.

Si « elle » est absente, l’ « autre » est là. Est-ce que je l’aime ? La passion est loin et l’amour reste malgré les épreuves, les colères, les mots trop durs échangés. L’homme peut-il éprouver un sentiment tendre pour deux femmes, avoir envie du corps de l’une en pensant à l’autre ? La route est longue.

Et pourquoi écrire tout cela ici, l’offrir aux yeux inconnus et indifférents d’improbables lecteurs. Pardon de vous avoir dérangé. Cela ne vous concerne pas et ce n’est pas de vous que j’attends ce miracle qui seul pourrait me sortir de ce bourbier immonde. Ne vous inquiétez pas, de toute manière le cœur finira bien par s’apaiser et oublier qu’il a voulu une liberté qui lui était interdite. Quant aux soucis matériels, je finirai par faire la manche, ici ou ailleurs, et vous ne serez pas là pour le savoir. Rien n’est grave.

Il va falloir arrêter ces inutiles billets introspectifs. J’ai deux romans inachevés, un autre à peine commencé et une multitude de textes épars dont je ne suis guère satisfait. Voilà de quoi apaiser mon besoin d’écrire sans infliger à quiconque l’exposition de mes états d’âme.

Je suis morose.