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Petits voyages

Publié le 12 janvier 2011 par Addiction2010

Je m’interrogeais hier. Mais à quoi bon puisque tant d’autres questions restent sans réponse.

Pourquoi les gens sont ils si tristes dans les voitures de métro ? Qui sait à quoi ils pensent derrière ce visage fermé, composé d’indifférence. Ils semblent concentrés sur un livre et parfois on voit les paupières se fermer, la tête basculer, le roman ou le pamphlet glisser, ce qui souvent réveille l’inconnu avec qui l’on partage cet ersatz de compartiment où manquent les cloisons et les photos de paysages qui décoraient autrefois ceux des trains. Le voyage du banlieusard en vaut bien un autre et les murs qui défilent en laissant l’impression de vagues points lumineux ne sont guère moins attirants que les prés et les bois des longs périples ferroviaires.

On entend des conversations sans être invité à les écouter, et sans le vouloir on est introduit dans l’intimité des familles que ces compagnons éphémères et indiscrets racontent à haute voix. Et puis, subitement, à la station suivante, l’histoire s’interrompt. On ne saura jamais quel cadeau stupide le beau frère a fait, ni où la copine a décidé de passer ses prochaines vacances. On pourrait imaginer la fin, créer toute une suite, mais on ne le fait pas, d’autres voisins s’installent, on pense à ne pas manquer le prochain arrêt où il faut descendre.

Quelquefois, cela ressemble à un Babel toujours recommencé. On perçoit des langues que l’on est incapable d’identifier, ou bien on saisit quelques mots d’espagnol, de russe, appris en voyage ou sur les bancs de l’école il y a si longtemps. Parfois, trop rarement, quelqu’un viole la règle monastique qui impose l’isolement. Le plus souvent, il s’agit d’un étranger de passage qui cherche à savoir s’il est dans le bon train et qui s’exprime dans cet anglais approximatif que chacun est supposé comprendre. Et une ou deux fois l’an, une conversation s’engage. Elle ne va jamais bien loin et ne dépasse guère les lieux communs, même quand le touriste est tout à fait exotique et curieux.

Mais la plupart de ceux que l’on peut observer restent dans leur tour d’ivoire, les unes finissent de vernir leurs ongles, d’autres, l’air sérieux et concentré, ont l’œil rivé sur leur téléphone, sans oublier ceux qui, le regard vague, ne connaissent que ce qui entre par leurs oreilles équipées de ce lien les attachant à la petite merveille qui débite à volonté la musique qu’ils aiment et que l’on subit parfois.

Soudain, le conducteur fait une annonce : « Nous allons stationner quelques instants pour régulation des trains ». Et c’est un remue ménage dans la rame. On regarde les montres. On sent venir le retard. On sort les téléphones. On prévient. « J’arrive, mon train est bloqué ». Quelques insultes à l’intention de la RATP et de la SNCF fusent. Mais l’agitation ne dure pas. Très vite la léthargie reprend ses droits. Heureusement, la station d’arrivée est là. On quitte les inconnus qui retournent au néant dont ils ont surgi. Peut-être les croisera-t-on un autre jour encore. On ne se reconnaîtra pas.

Faut-il être morose ?


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