Un jour, non pas comme un autre, mais comme un jour. Surtout qu’il était 22h00, j’ai épargné les minutes, je suis sentimental. Je déambulais dans mes pensées en compagnie de mes humeurs vagabondes. J’étais bien accompagné. Nous cheminions donc au travers des sentes aérées de mon imagination fertile, nourries à l’engrais composté garanti sans OGM. Le paysage de ce jour nocturne nous fouettait agréablement le visage de son air doux et parfumé. Nos pas feutrés flottaient sur le flot fleurissant du sentier sinueux de nos rêves embués par la timide fraîcheur qui se faisait jour dans cette nuit naissante.
Un jour comme les autres, comme hier, comme demain ; aujourd’hui, pareil qu’hier et pas différent de demain. Un jour quoi, même à 23h00 et quelque, les minutes refusaient de coller aux heures et s’enfuyaient par paquets. Ma mémoire s’ankylosait, mes gestes s’embrouillaient. J’avais du mal à rassembler mes idées pour faire un bout de route ensemble sur ces chemins escarpés noyés d’étoiles comme on le faisait autrefois. Le brouillard s’était invité dans mon intimité sans y être convié ; couvrant de son masque opaque mes fantasmes et noyant par ses fines gouttelettes froides mes délires. J’avais du mal à articuler mes os ; mon destin devenait inanimé.
Aujourd’hui, un jour pas comme les autres, différent d’hier et sans lendemain. Un jour comme aujourd’hui où le temps prend son congé à 00h00. Les minutes s’évaporent à mon contact frigorifié. Je ne perçois que l’obscure trame de mon âme. Je me sens seul sans la fertilité de mon esprit autrefois nomade, isolé sans mes songes allègres et avides de plaisirs vers lesquels m’entraînaient ma joie de vivre et le soleil radieux de mes espérances. Immobile dans l’étendue éperdue de mon espace inamovible, je contemple ainsi ma fin dans ce miroir blafard qui me renvoie mon visage sans teint.
Un jour… Aujourd’hui… Seul hier a existé… Demain est mort.