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12 janvier 1976 | Mort d’Agatha Christie

Publié le 12 janvier 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


Le 12 janvier 1976 meurt à Wallingford (Connecticut) Agatha Christie.

PORTRAIT AGATHA CHRISTIE
Image, G.AdC

  Née Agatha Mary Clarissa Miller, Agatha épouse en premier mariage Archibald Christie. Encouragée par sa mère, Agatha Christie se lance dans l’aventure de l’écriture et plus spécialement dans l’écriture du roman policier. La publication en 1920 de La Mystérieuse Affaire de Styles la rend célèbre. De ses expéditions avec son second époux, Max Mallowan, archéologue, Agatha Christie, géniale inventrice de Miss Marpel et du détective belge Hercule Poirot, tire de nombreux romans : Murder in Mesopotamia (Meurtre en Mésopotamie, 1936), Death on the Nile (Mort sur le Nil, 1937). D’autres titres ont contribué à immortaliser Agatha Christie : The Murder of Roger Ackroyd (Le Meurtre de Roger Ackroyd, 1926), Murder on the Orient-Express (Le Meurtre de l’Orient-Express, 1934), Ten Little Niggers (Dix petits nègres, 1939), Crooked House (La Maison biscornue, 1949)...

AGATHA CHRISTIE EN CORSE

   Parmi les nombreux séjours d’Agatha Christie hors d’Angleterre, il en est un qui reste très mystérieux. Celui que la dame anglaise effectua en clandestine, en Corse. De ce séjour, il reste des traces dans un recueil de nouvelles. Marie-Jean Vinciguerra a remonté pour nous la piste de la disparition d’Agatha Christie, survenue « le jour même du septième anniversaire » de Rosalind, la fille que la romancière a eue d’Archie Christie. Quand ce séjour eut-il lieu, se situa-t-il avant ou après la rupture avec Archie ? « Dans une superbe page de Ma Vie, Agatha évoque les lieux d’enchantements qui se sont accordés à sa sensibilité et à son goût de la beauté. » Dans son article « Sur la piste d’Agatha Christie », l’auteur de Chroniques littéraires retrace les étapes de cette aventure tout à la fois touristique et littéraire.

SUR LA PISTE D’AGATHA CHRISTIE

(Extrait de Chroniques littéraires de Marie-Jean Vinciguerra)

ArleQuin à Coti-Chiavari

  Dans l’avant-dernière nouvelle du recueil, Mr Quinn voyage (The World’s end), Mr Satterthwaite accompagne en Corse une duchesse anglaise excentrique et avaricieuse. L’évocation de leur arrivée à Ajaccio, après six longues heures de traversée sans confort, fait penser aux émerveillements, autour de ces années 1900, qui prolongeaient un certain romantisme, de ladies friandes du « pittoresque » de l’île « avec ses brigands et ses maquis ». S’enthousiasmant sur le paysage enchanté d’Ajaccio, ses palmiers sous un soleil de carte postale, nos voyageurs sont amusés par « cette passerelle, qui descend saluée par un cri de triomphe, en chœur d’opérette, des brigands se ruant à bord en arrachant de force la bagages des mains des passagers. » […]
  La duchesse souhaite voir « quelque chose de l’île ». Profitant de la voiture d’un juge indien en retraite, elle organise une escapade avec la jeune anglaise, qui part en éclaireur sur son tacot du côté de Coti-Chiavari.
  On prend de la hauteur. Voici « Ajaccio, qui étincelle au soleil, blanche comme la cité d’un conte de fées. »
  Les deux voitures grimpent vers Coti-Chiavari, sur une route sinueuse. Sommes-nous en hiver ? Les pics sont couverts de neige, le vent cingle. Après avoir éprouvé le vertige des vitrages, nos Anglais atteignent « un petit village qui comprenait en tout, cinq à six maisons de pierre, un écriteau portait en lettres hautes d’un pied, ce nom imposant : Coti-Chiavari (prononcé à l’anglaise) ». Naomi déclare : « Nous sommes arrivés au bout du monde ». Une légère brume voile le paysage. N’est-ce pas, selon le proverbe du lieu, « Sta fumaccia ch’hè a dote di Coti ? ». La route s’arrête. « C’était le bout, la fin, et au-delà, le commencement du néant. Derrière eux, la ligne blanche de la route, devant eux, rien. Seulement loin, très loin au-dessous de la mer ». Mr Satterthwaite respire profondément : « C’est vraiment un endroit extraordinaire, on sent qu’il peut arriver n’importe quoi ici, qu’on peut rencontrer n’importe qui. »
COTI CHIAVARI le visage tourn- vers la mer- semblant surgir du paysage avec la soudainet- d-un tour de magie
Ph., G.AdC

  Soudain, « devant eux, assis sur une pierre, le visage tourné vers la mer… semblant surgir du paysage avec la soudaineté d’un tour de magie », Mr Harley Quinn. Nous savons qu’il va se passer quelque chose. Il neige maintenant. Mr Quinn propose de se réfugier dans une petite auberge, au bout de la rangée de maisons. Ces anglais prévoyants ont emporté leurs provisions (jambon froid, œufs durs, gruyère…). Ils n’espèrent de l’auberge qu’un café chaud. L’auberge se réduit à « une pièce minuscule, assez sombre, car l’unique petite fenêtre ne donnait que peu de lumière. De l’extrémité de la pièce venait une lueur réchauffante. Une vieille Corse jetait dans le feu une brassée de branches qui se mit à flamber. »
  À l’intérieur de la pièce, « trois autres personnes sont assises au bout d’une table de bois nu ». « Cette scène avait quelque chose d’irréel… les personnes assises paraissent encore plus irréelles. » Il y a là, une « grande dame » du théâtre anglais, un petit homme réjoui et chauve (le mari) et un écrivain. Les deux groupes lient conversation. On est, entre gens du même monde, celui des arts et de la Nobilty… Une distraction de la Diva renvoie à l’affaire du vol de son opale où avait été impliqué le fiancé de la jeune artiste anglaise. Mr Quinn, grand justicier dans la tradition d’Alexandre Dumas — un auteur cher à Agatha Christie — débrouille sans en avoir l’air, tous les fils et tire les ficelles du drame-vaudeville : après tant d’années, l’opale perdue réapparaît dans une petite boîte indienne à secret, image en réduction de la tombe égyptienne où est celée (et scellée) l’énigme.
  L’enquête ne s’apparente-t-elle pas à la quête de l’archéologue, qui découvre les mécanismes permettant de dégager de ses bandelettes, le Secret ? Mais le « Deus ex machina » est bien cet Arlequin, maître du temps et de l’éternité.
  Ainsi fut réparée à Coti-Chiavari, humble village corse, une erreur judiciaire, qui fit tant de bruit, avec son parfum de scandale, dans le milieu de la gentry […]
  J’ai refait le chemin de ces Anglais, en fait, le chemin d’Agatha Christie, accompagné de mon ami Henri Antona, maire de Coti-Chiavari, lui réservant une belle surprise, avec beaucoup d’émotion.
  Une fois parvenus à l’auberge du Bout du Monde (la route en 1930 s’arrêtait bien là à cette petite maison), je lui lus la nouvelle d’Agatha Christie. Henri Antona devait découvrir qu’en 1926, l’écrivain anglais s’était précisément arrêté dans l’auberge de sa grand-mère, cette maison où il passa son enfance. Tous les détails donnés par l’auteur correspondaient parfaitement à la réalité. Aucun doute n’était possible. Dans la petite « maison-écrin » de Coti-Chiavari, la maléfique opale s’est changée en Agat(h)e insulaire, telle qu’en elle-même, pour l’éternité de l’écriture.

Marie-Jean Vinciguerra, « Sur la piste d’Agatha Christie » in Chroniques littéraires, Éditions Alain Piazzola, 2010, pp. 113-114-115-116.


■ Marie-Jean Vinciguerra
sur Terres de femmes

Bastion sous le vent (lecture d’AP)
Chroniques littéraires (lecture d'AP)



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