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Communion

Publié le 18 janvier 2011 par Addiction2010

Souvent, quand je dois voyager, je prévois ce que je vais faire de ces heures à passer assis dans un siège d’avion. Une dizaine d’heures, même en classe affaires, c’est long. Je pourrais, comme beaucoup de mes voisins vaguement consulter quelques dossiers ou regarder quelques films, ou encore m’endormir après un repas et un Armagnac salvateur. Cela, je le garde plutôt pour le retour, de nuit, même si le temps de vol est plus court quand on voyage vers l’est.

Aujourd’hui, j’avais prévu de relire l’un de mes romans inachevés, « Crime Passionnel » sur lequel je n’arrive plus, depuis un moment déjà à me concentrer assez pour corriger tout ce qui ne m’y plait pas et enfin trouver une issue qui me convienne. Je voulais commencer par le lire et avais emporté une copie imprimée depuis plusieurs semaines, copie où j’avais pris soin d’augmenter l’interligne pour permettre des annotations. Et puis, ce document a disparu de mon sac. Je n’ai guère envie de dire ici dans quelles circonstances. Alors, j’ai bien essayé de suivre le plan établi et me suis lancé dans cette tâche. J’en suis à peu près à la moitié au moment où, quelque part très haut au dessus de l’océan, j’écris ceci.

En vérité, je n’ai pas trop l’esprit à ce que j’avais prévu.

Ce matin, en me rendant à l’aéroport, j’ai entendu le rappel d’une information que je connaissais. Mes frères assassinés allaient être portés en terre. J’étais choqué d’apprendre que l’homme qui avait ordonné de les sacrifier allait oser s’y rendre. Manque-t-il à ce point de cœur ? Mais le temps n’était pas à la colère et peut-être vaut-il mieux que le symbole de la Nation qu’est le Président de la République soit présent, peut-être vaut-il mieux oublier celui qui occupe la fonction.

J’avais décidé qu’à l’heure où là bas dans le Nord, chez moi, on se recueillerait, je serais moi aussi en communion avec eux. J’ai parlé à Dieu, je lui ai dit tout le mal que je pensais de lui pour ce qu’il avait laissé faire. « Le libre arbitre de l’homme » me dirait le père Jean-Louis. Le prix à payer est bien excessif. Trop d’hommes sont morts. Mes deux frères assassinés, mais aussi ces gendarmes nigériens qui tentaient de leur porter secours et dont, en France, on fait bien peu de cas. Et puis, j’ai demandé à Dieu pourquoi il laissait une jeune femme seule dans la douleur.

J’ai été en communion avec vous mes frères. Un instant. Vous vivrez encore longtemps dans le cœur de vos amis. Moi, je sais que je vous oublierai. Sans doute votre image, si semblable à celle qui était la mienne autrefois, me reviendra-t-elle encore. Il est possible aussi que Dieu reçoive encore ma colère pour ce qu’il a laissé faire de vous. Du moins si c’est le père Jean-Louis qui a raison. Et s’il a raison, vous êtes avec moi au moment où j’écris cela. Je voudrais qu’il ait raison, que cet au-delà vous ait accueilli, que vous y ayez retrouvé des êtres chers, et que vous y attendiez ceux que vous avez quitté sans prévenir. Peu m’importe de savoir si tout cela existe, à cet instant précis, je vous sens en moi et j’espère que vous êtes aussi entrés dans l’âme de tous ceux qui ont quelques pensées pour vous. Oui, qu’il y ait une âme ou non, un dieu ou pas, quelle importance puisque vous êtes avec nous.

Adieu, mes frères.


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