Magazine Journal intime

Nous sommes l'immortalité défectueuse.

Publié le 20 janvier 2011 par M.
J'ai exploré les recoins du silence, pataugé laborieusement dans sa panse hostile et pas franchement apprivoisée - décroché son stupide coeur bleuté entre le pouce et l'index - essayé de me parler à moi même mais là, je n'ai réussi qu'à me fendre le crâne. Du premier coup. Grammaire et conjugaison se sont sévèrement ramassé la gueule, sans rien me dire, au réveil je n'ai trouvé dans mes chaussures ni excuse ni explication et tu sais les mots n'avaient pas plus de sens que des torchons seulement cette sonorité doucement familière et pourtant absente. J'ai ramassé ma dignité comme un chiffon sale dans le verre en étoile. Et je t'ai emboîté le pas. C'est con à dire mais j'avais pas aussi bien dormi depuis des semaines. On pourrait croire que la solitude endurcit seulement mais en vérité elle grise les contours de mon visage pour mieux m'enfoncer la vulnérabilité dans le dos, quelle pute, quelle traîtresse, bien sûr j'aime jouer l'ombre et déambuler sur les trottoirs évidés par le gel comme un stand de poissons sans mer - ne pas ouvrir la bouche c'est apaisant - mais au fond tout au fond j'ai jamais eu si froid la nuit. Sur l'écran ratatiné de l'inconnue x défilent des photos que je n'aurais pas pu prendre, oui tu as l'air heureux maintenant, tu as l'air heureux comme à l'époque peut être et ça me fait plaisir, puisque mes souvenirs sont punaisés au mur et jaunissent puisque moi même, je ne me rappelle pas. Je te parle du présent avec mes mains volubiles et mes yeux cernés, tu ne m'écoutes pas vraiment tu ricoches juste sur certains mots, secoue la tête, m'ouvres la porte quand tout prend l'odeur d'un tic-tac sordide.Viens contre stop, trois codes, deux escaliers, les visages familiers si terribles à toucher, la réalité intransigeante contre l'infini des possibles, le désert la sécheresse et la peau qui jamais ne change, la vieillesse dans mon timbre et la jeunesse planquée entre tes doigts, dans la tiédeur d'une poche. Les portes restent ouvertes mais derrière on ne trouve plus rien. La jolie fille évidemment a foutu le camp depuis un bail et je l'ai probablement voulu, je range les livres dans un carton, un jour j'irai les rendre. La tête posée sur l'épaule j'aimerais que tu continues de parler, je pense souvent aux choses qui ne vont pas se produire et je ne sais pas exactement quoi espérer dans ce bordel suave alors je me contente de changer la couleur des draps. Marin raté en haut du phare, j'ai de temps en temps envie d'une clope en regardant la ville s'écraser en contrebas sur ma falaise, j'ai de temps en temps envie de les embrasser, les embruns, les enfants avec leurs immenses yeux gris, des yeux d'animaux pris dans les phares d'une bagnole à la fois invaincus et résignés, à la fois tristes et bourrés d'espoir, j'ai parfois envie de les aimer sauvagement mais à ce moment là il n'y a déjà plus personne, les chaises sont vides, alors je rentre chez moi la poitrine pleine de putains de sourires bêtes et de putains de sanglots de crocodile.

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