Ph., G.AdC
Roma 22 Gennaio 1938
Sogni erotici.
Ero in treno nel sogno di stanotte (ecco che ritorna quel viaggio in Sicilia in 3a classe) e appunto in 3a classe. Il vagone era affollato, notai con un certo sollievo che il pubblico viaggiante non era composto di gente eccessivamente stracciona. Però i sedili erano due soli di fronte lungo tutta la parete come in certi vecchi trams, e la gente era stipata, il pavimento ingombro di cesti, altri viaggiatori in piedi. Il treno si muove. Capisco che dal finestrino si assiste alle scene successive di un film che si svolge lungo tutta la strada, ma non c’è tela nè proiettore. Gli attori si vedono lì, come se fossero in carne ed ossa. Protagonista del film è una ragazzina slanciata, robusta, capobanda di un gruppetto di ragazze di cui le figure restano in ombra. La figura di lei è invece chiarissima, è bella, con viso luminoso e arguto, due trecce nere annodate sulle tempie. Allegramente sta proponendo alle sue compagne qualche burla e intanto rimane seduta a mezz’aria, reggendosi in equilibrio sulle piante dei piedi. Accuratamente si abbassa sui ginocchi la veste (in tal modo è impossibile che il pubblico veda poi nella pellicola, quello che per pudore ella nasconde) ma io abbassando gli occhi vedo fra le sue gambe il suo sesso scoperto, dischiuso a causa della posa larga delle gambe, ed esso mi appare simile ad un piccolo campo grigio, un po’ vizzo, con un lievissimo alone giallo. Il treno continua la corsa, la scena scompare. Inutilmente io cerco dal finestrino il seguito delle scene, un disordine di fatti reali si svolge invece nella strada sottostante, fra andirivieni di reti e bagagliai, affanose fermate. (Quante di queste stupefatte fermate d’incubo, nei sogni, con viaggiatori ammassati in tradotte scoperte, come soldati o bestie !) Il seguito del film non riesco a vederlo. Penso con rimpianto ai fatti interessanti che si svolgeranno nel corso della pellicola perduta, là nella sal (questa proiezione della proiezione che cosa è dunque mai ?), cerco inutilmente quelle belle fanciulle, e altre due ne vedo, non di film, ferme a una stazioncina, che ad un tavolino fanno i compiti. Anche all’ andata le avevo intraviste, occupate nello stesso lavoro, esse certo ogni giorno fanno i compiti e per quante volte io passi, le vedrò sempre così. (Riconosco qui la sensazione avuta della ritornante monotonia delle occupazioni nel trascorrere della nostra vita, nonostante gli avvenimenti di fuori — I anno passato per me senza grandi avvenimenti). Una delle fanciulle ha uno strano viso, capelli di un biondo avvizzito, lisci e composti, guance lisce e scarne, e i suoi occhi mi seguono con una strana adorazione e nostalgia. Piú in là in piedi altre fanciulle, di cui noto i dolci capelli dalla pettinatura composta, e morbidi, gonfi e lisci, un po’ lunghi, discosti con leggerezza dal volto. Anche nei moti queste fanciulle hanno una grazia danzante. Ma nessuna mi guarda come la scolara al tavolino. In questo momento, un ragazzetto accanto a me, nel treno, piange. Subito quella fanciulletta balza in piedi, e di sotto il finestrino, sollevandosi, gli tende un bellissimo cane di stoffa, che sembra vero : — Te lo regalo, — gli dice — portatelo con te a casa tua —. (Remin. di una pagina di Cellini). Capisco che fa così per farsi bella in mia presenza, ne sono orgogliosa. Prendo in mano il cane per osservarlo. E’ un’imitazione prodigiosa. Il suo strano muso allargato e schiacciato dai lunghi occhi mi fa un po’ paura […].
Elsa Morante, Diario 1938, Einaudi, 1989, pp. 13-14-15. A cura di Alba Andreini.
Rome 22 janvier 1938
Rêves érotiques.
Dans mon rêve de cette nuit j’étais dans le train (voilà que revient ce voyage en Sicile en 3e classe) et justement en 3e classe. Le wagon était bondé, je notai avec un certain soulagement que la foule des voyageurs n’était pas composée de gens trop dépenaillés. Cependant il n’y avait que deux sièges en vis-à-vis sur une des parois comme dans certains vieux trams, les gens étaient entassés, le sol encombré de paniers, les autres voyageurs restaient debout. Le train s’ébranle. Je comprends que par l’encadrement de la fenêtre on assiste à une succession de scènes d’un film qui se déroule tout au long du parcours, mais il n’y a ni toile ni projecteur. Les acteurs sont là, on les voit comme s’ils étaient en chair et en os. La protagoniste du film est une jeune fille élancée, bien plantée, meneuse d’un petit groupe de filles dont les silhouettes demeurent dans l’ombre. En revanche, sa silhouette à elle est très claire, elle est belle, le visage lumineux et fin, deux tresses noires nouées sur les tempes. Elle plaisante joyeusement avec ses compagnes et dans le même temps reste assise à mi-hauteur, se tenant en équilibre sur la pointe des pieds. Avec beaucoup de précaution, elle ramène sa robe sur ses genoux (de sorte qu’il est impossible que les spectateurs puissent voir dans le film ce que pudiquement elle cache) mais moi, baissant les yeux, je vois entre ses jambes son sexe découvert, entrouvert en raison de la position écartée des jambes, et il m’apparaît semblable à un petit champ gris, un peu flétri, avec un très léger halo jaune. Le train poursuit sa course, la scène disparaît. Je cherche en vain par la fenêtre la suite de la scène, un méli-mélo de faits réels se déroule en revanche sur la route en contrebas, au milieu d’un va-et-vient de rails et de porteurs de bagages, d’arrêts fébriles. (Combien de ces stupéfiants arrêts de cauchemar, dans les rêves, avec des voyageurs entassés dans des wagons militaires découverts, comme des soldats ou des bestiaux !) La suite du film, je ne parviens pas à la voir. J'en viens à regretter les faits intéressants qui se dérouleront dans la partie perdue de la pellicule, là dans la salle (qu’est-ce donc que cette projection de la projection ?), je cherche en vain ces belles jeunes filles, j’en vois deux autres, qui ne proviennent pas du film, immobiles dans une petite gare, qui font leurs devoirs sur une table. Je les avais déjà entrevues à l’aller, pareillement affairées, c’est sûr elles font chaque jour leurs devoirs et autant de fois que je passe, je les vois chaque jour faire la même chose. (Je reconnais bien là cette sensation de sempiternelle monotonie face aux tâches répétitives de notre vie, quand bien même interfèrent des événements extérieurs — 1 année passée pour moi sans événements notables). L’une des deux jeunes filles a un visage étrange, des cheveux d’un blond flétri, lisses et bien arrangés, des joues lisses et décharnées, et elle me suit du regard avec une étrange adoration et nostalgie. Un peu plus loin debout d’autres demoiselles, dont je remarque la douceur des cheveux bien coiffés, soyeux, gonflés et lisses, un peu longs, légèrement dégagés du visage. Il émane de ces jeunes filles une grâce dansante jusque dans le moindre de leurs mouvements. Mais aucune ne me regarde comme l’écolière attablée. En ce moment, un petit garçon à côté de moi, dans le train, pleure. Soudain cette jeune fille bondit sur ses pieds, et dessous la fenêtre, se soulevant, lui tend un très beau chien en tissu, qui semble vrai : — Je te l’offre, — lui dit-elle — emporte-le avec toi à ta maison —. (Souv. d’une page de Cellini). Je comprends qu’elle agit de la sorte pour se montrer belle en ma présence, j’en suis fière. Je prends le chien dans ma main pour l’observer. C’est une imitation prodigieuse. Son étrange museau élargi et écrasé aux longs yeux me fait un peu peur […].
Traduction inédite d’Angèle Paoli
Note d’AP : rédigé par Elsa Morante sur un cahier de classe ordinaire, le Diario 1938 (Journal 1938) est longtemps resté inédit en Italie, et n'a jamais été publié en France. Dans la marge de droite, en bas, l’auteur a pris le soin de noter : « Libro di sogni ». « Livre de rêves ». Au recto de la première page figure un autre titre : « Lettere ad Antonio ». « Lettres à Antonio ». Titre original que les éditeurs de la maison Einaudi n’ont pas retenu. Ils ont préféré celui de Diario 1938, plus conforme au contenu de l’œuvre et au genre qui est le sien ; d’autant plus que le nom du destinataire n’apparaît plus dans les pages du cahier. En revanche, le cahier suit un ordre chronologique précis. Sur une courte période, du 19 janvier au 30 juillet 1938, Elsa Morante fait état des « hauts et bas » de sa relation tourmentée avec Alberto Moravia. La page blanche, lieu privilégié d’une écriture intime que les aléas d’un amour malheureux poussent à l’introspection, est le véritable interlocuteur d’Elsa Morante. Suspendue entre rêve et sommeil, l’écriture de Diario 1938 révèle de son auteur une voix originale, un espace inconnu tissé de fantasmagories intérieures jusqu’alors refoulées, de souvenirs exhumés des profondeurs de la mémoire et de fragments de la réalité. L’ensemble de ces pages constitue un petit théâtre d’ombres d’où surgissent les silhouettes de personnes inventées parmi celles, plus connues, de Moravia ou de la mère d’Elsa Morante.
ELSA MORANTE
■ Elsa Morante
sur Terres de femmes ▼
→ Alibi
→ L’Île d’Arturo
→ 18 août 1912 | Naissance d’Elsa Morante
→ 25 novembre 1985 | Mort d’Elsa Morante
→ (dans la galerie Visages de femmes) un portrait d'Elsa Morante (+ un extrait de L’Île d’Arturo et un extrait d'Aracoeli)
■ Voir aussi ▼
→ une fiche bibliographique sur Elsa Morante (établie par Paola Cavicchi pour sa thèse de doctorat sur Elsa Morante)
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