Quetes de vision et loges de lunes

Publié le 23 janvier 2011 par Honorquest

La quête de vision et la loge de lune sont des rites qui ont permis à des dizaines de milliers de personnes de par le monde de trouver un sens à leur vie et un nouvel élan. Bien que ces rites soient très anciens, ils sont fondamentaux pour se reconnecter à la nature profonde de l'être humain. Dans cette ère moderne de superficialité et de divertissements qui ont perdu tout contact avec la nature, ces rites deviennent de plus en plus significatifs et importants pour se retrouver en tant qu'hommes et femmes dans notre essence sacrée et divine.

Depuis que j'ai annoncé notre cycle de rites de passage en Champagne et plus tard peut-être au Québec, l'intérêt pour ces rites n'a cessé de provoquer des questions, des écrits et des éclaircissements. Nous avons compilé cela avec un extrait pris dans mon dernier volume, Le Sentier de la Beauté. Voici donc un texte qui cherche à expliquer l'essence de ces rites de découverte intérieure que sont la quête de vision et la loge de lune.

A l'exemple de ce que nous retrouvons dans la nature, les rites de passage marquent le rythme des saisons de la vie de l'être humain. Chacun d'eux signale le début d'une nouvelle étape dans la vie et l'évolution de ceux et celles qui en bénéficient.

A la puberté, les jeunes gens préparaient leur entrée dans le monde adulte. Chez les Premières Nations, la phase que les Occidentaux nomment la crise d'adolescence est un phénomène inconnu. Dans la tradition autochtone, les enfants passent directement de l'enfance à la vie adulte en quelques jours à l'aide du rite de passage.

Pour ce faire, les jeunes hommes de treize et quatorze ans étaient amenés sur la montagne pour réaliser leur quête de vision. Là-haut, ils jeûnaient pendant plusieurs jours et plusieurs nuits. Ils se privaient de nourriture, d'eau et de sommeil pour s'harmoniser avec le monde spirituel où ces besoins n'existent pas. Ils se confrontaient à leurs peurs. Être seul sur la montagne avec une simple couverture en guise de protection contre les animaux, les éléments et les esprits, rendait parfois les craintes très présentes. Ils étaient complètement seuls, parfois pour la première fois de leur vie, et alors tous les aspects de leur personnalité qui avaient besoin de transformation se manifestaient. Leurs démons intérieurs sortaient pour les dévisager et les jeunes hommes se devaient de regarder avec courage ces aspects d'eux-mêmes. Sans relâche, pendant toute la durée de leur vigile, ils imploraient leur vision, la révélation de leur médecine, le sens de leur vie et leur raison d'être sur terre.

A leur retour, ces jeunes hommes n'étaient plus des enfants. Ils avaient appris à maîtriser leur corps et leurs besoins essentiels: la faim, la soif et le sommeil. Ils avaient affronté leurs peurs et en étaient revenus vainqueurs. Ils se connaissaient maintenant beaucoup mieux, avaient acquis une grande maturité et connaissaient leur rôle au sein de la communauté, le sens de leur vie et leurs talents plus particuliers (médecines et totems). Ils étaient maintenant des adultes. En effet, vivre une telle expérience et les apprentissages et connaissances qu'elle transmet donnent à la personne une grande maturité.

Pour la jeune fille, ce passage à la vie adulte était marqué par l'arrivée des premières lunes de la femme. Dans la culture autochtone, les menstruations sont appelées la lune de la femme parce que ce cycle biologique humain suit le cycle mensuel de la Lune. Cette nouvelle étape était une source de grande joie pour tous et un gage d'avenir pour la communauté. Cette jeune femme portait désormais en elle la promesse de l'enfantement.

A cette occasion, une grande fête était organisée pour souligner l'événement.

Chez les Apaches, la cérémonie de Femme Changeante, figure mythologique très importante de leur culture, durait trois jours. La lune de la jeune femme était honorée et célébrée dans la joie et l'allégresse. Celle-ci était considérée comme une déesse (comme Femme Changeante elle-même) pendant toute une journée. Pour commencer, les grand-mères préparaient la jeune femme en lui parlant de son nouveau rôle dans la communauté, des mystères féminins, des choses à éviter et à rechercher dans ses futures relations avec les hommes, et de toutes les choses qu'elle devait apprendre en tant que femme. Ensuite, ses aînées la massaient, l'enduisaient d'huiles odorantes et la revêtaient de très beaux habits préparés spécifiquement pour cette occasion. Elle était alors présentée à la communauté comme la personnification vivante de la Divinité, l'incarnation de Femme Changeante. Les gens venaient de très loin pour avoir la possibilité de lui parler, de la toucher, d'être bénis par sa présence. La jeune femme demeurait pendant plus de douze heures les bras tendus vers le ciel, dans la posture traditionnelle de la Déesse Mère, à recevoir patiemment ce déferlement d'attention bienveillante. Les gens venaient de très loin pour lui poser des questions, car sa voix était celle de la Déesse. La jeune femme répondait la première chose qui lui venait à l'esprit, et les réponses offertes étaient les bonnes.

Ainsi, au sein de chaque culture autochtone, la jeune femme qui recevait et vivait sa première lune était accompagnée dans la découverte de l'aspect sacré de cette phase dans son cycle, qui faisait d'elle une personne pouvant co-créer avec le Divin une nouvelle vie sur Terre. Elle découvrait donc cela comme quelque chose de sacré, de grand, de ressourçant, qui participait à la nature même de la divinité dans le monde. C'était là une expérience extrêmement riche, profonde, puissante, qui donnait pouvoir à la femme et lui permettait d'acquérir le sens d'une fierté, d'une responsabilité, d'une importance, qui faisait qu'elle avait énormément de respect pour elle-même. Et du fait, à chaque fois que ce cycle revenait, ces mêmes émotions étaient réactivées à l'intérieur de la femme. C'était donc vécu comme quelque chose de grand, qui allait l'inspirer, et produire une ouverture et une communion avec le monde dans lequel elle vivait.

Les femmes qui vivaient un tel événement avaient une très haute opinion de leur féminité et de l'importance du rôle sacré qu'elles avaient à jouer en tant que femmes au sein de la communauté. Elles avaient également la compréhension du mystère de la femme, ce qui les amenait à respecter encore davantage la nature sacrée de leur lune.

Or, les femmes dans le monde occidental n'ont pas vécu cette expérience d'initiation au caractère sacré de la femme à l'apparition des premières lunes. Au contraire, la première lune est vécue comme un désagrément, les jeunes filles ne sont pas préparées par les femmes qui l'ont elles-mêmes vécue comme un désagrément. Il s'emploie dans le monde occidental une terminologie désignant la femme dans sa lune comme "indisposée", "dans le rouge", "malade", autant d'expressions qui dénigrent cette phase extrêmement importante et extrêmement riche dans la vie de la femme. C'est à tout cela que sont dus les dérèglements dans le cycle, les états de fatigue, les douleurs, le syndrome prémenstruel que connaissent bien des femmes au moment de leurs lunes aujourd'hui.

Cependant il existe un moyen de corriger cela, en vivant le rituel que les femmes vivaient autrefois à la puberté pour reconnaître leur nature sacrée. J'ai déjà accompagné des femmes, ayant de 25 à 65 ans, dans ce rite pour honorer leur nature sacrée et faire ce qui aurait dû être fait au moment opportun.

Mais, même sans vivre ce rite, si la femme prend du temps pour elle à chaque cycle, si elle infuse cette période de son cycle avec un sentiment sacré, de beauté, si elle sait ainsi se respecter, il y a de grandes chances qu'elle vive cela tout à fait différemment. 

Ensuite, à partir de cette initiation, les jeunes femmes pouvaient intégrer la loge de la lune.

Pour elles, ces moments bénis devenaient propices à un plus grand recueillement, à la réalisation d'une autre sorte de quête de vision. Elles se regroupaient souvent ensemble dans une place à l'écart du village, dans cette habitation appelée la loge de la lune, un espace où elles pouvaient communiquer entre elles, se ressourcer, communier avec les forces divines de la lune qui régulent ce cycle. Ce lieu était interdit aux hommes. Là, elles s'accordaient un temps de repos, de méditation et de partage. De cette façon, elles apprenaient à vibrer en harmonie avec leur cycle et n'avaient pas tous les problèmes que connaissent les femmes aujourd'hui. Douleurs, SPM, hémorragies, etc., tout cela n'existait pas autrefois parce qu'il y avait un espace dans lequel les femmes pouvaient s'épanouir et trouver du repos, de l'inspiration et la connexion avec la Terre Mère.

Elles profitaient de cette période sacrée pour offrir leur sang à la terre. Ce n'est pas un hasard si dans toutes les cultures traditionnelles de la terre les femmes portaient des jupes et des robes. Elles pouvaient ainsi donner directement à la terre le sang qui s'écoulait et elles étaient aussi en lien constant avec la Terre Mère. A ce moment, tout le pouvoir de la Terre Mère coulait en elles. Elles pouvaient ainsi comprendre qui elles étaient, et recevoir la force de donner la vie, de soigner et de nourrir leur famille avec aise et grâce.

Les rêves, les songes et les visions qu'elles avaient durant leur lune étaient écoutés et respectés par le reste de la communauté. Elles étaient donc reconnues par tout le monde autour d'elles dans leur participation avec les forces vives de la nature. Elles ne pouvaient donc pas vivre un tel moment comme un désagrément.

Aujourd'hui, pendant leur lune, les femmes ont l'impression de perdre de l'énergie, de perdre leur sang, de perdre quelque chose. Autrefois c'était un partage. Ce qui était donné à la terre était reçu comme un temps de vision, de méditation, de ressourcement, de partage. C'était un état de réciprocité donc, qui n'est plus vécu comme tel aujourd'hui.

En effet, aujourd'hui, beaucoup de femmes n'ont pas reçu cette cérémonie qui leur permet d'honorer leur nature sacrée de femme, et il y a même une tendance dans la société occidentale à rabaisser la femme. C'est pourquoi un grand nombre d'entre elles n'ont pas développé l'aspect spirituel, sacré, divin de leur nature et ne reçoivent pas toujours le respect qui leur est dû en tant que femme. Plutôt que de partager le sang sacré avec la terre, celui-ci est jeté aux poubelles dans un conditionnement qui augmente la pollution de leur mère la terre.

Ainsi, il est important aujourd'hui de retourner aux sources, de retourner à cette compréhension du sacré. C'est pour cela que j'ai réactivé une forme de quête de vision qui est adaptée à la nature sacrée de la femme, en permettant à celle-ci d'être dans un espace sacré pendant plusieurs jours, sans les rigueurs et la nature extrême des quêtes de visions qui sont propres à l'homme. C'est parce que l'homme a besoin de comprendre et d'apprendre la maîtrise de soi que la nature extrême de la quête est nécessaire à son développement. Pour une femme en revanche, il n'est pas nécessaire de rester éveillée. C'est l'homme qui doit maîtriser cette discipline. La femme au contraire peut dormir, rêver, se détendre... C'est en fait cette habilité de se détendre et de s'ouvrir, la relaxation, qui lui permet de s'épanouir.

Bien des femmes aimeraient aujourd'hui faire des quêtes de vision pour avoir accès au caractère sacré de leur psyché qui est lié avec le divin, et aller chercher des enseignements concernant leur identité, leur totem, leur mission sur Terre. J'ai donc créé un espace qui permet cela, mais en respectant la nature de la femme, et c'est ce que j'appelle la loge de la lune.

Dans les cultures traditionnelles, une fois ces rites de passage vécus, le jeune homme et la jeune fille avaient une idée beaucoup plus claire de leurs rôles et de leur place au sein de la communauté. Il n'y avait donc pas matière à ces crises d'identité que connaissent les jeunes Occidentaux, la fameuse crise d'adolescence.

Pour les jeunes adultes des communautés autochtones (ces rites, bien qu'effectués sous des formes différentes, sont pratiqués par toutes les peuplades autochtones sur tous les continents), leur identité profonde et le sens de leur vie en tant qu'individus d'une communauté au sein du monde étaient clairs. Leur voie s'étendait devant eux, pleine de promesses. Ils s'y engageaient en toute confiance, se sachant encadrés et pleinement appréciés.

C'est en raison de leur importance que je préconise aujourd'hui de vivre à tout âge ces rites de passage.