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Fin de Sylvette et la penderie

Publié le 24 janvier 2011 par Ctrltab

Fin de Sylvette et la penderie

- Rappelez-vous, Charles, ce que nous a dit l’antiquaire à propos de cette penderie. Qu’elle faisait partie d’un héritage d’une princesse russe qu’on avait retrouvée morte, noyée dans la Volga.

- Euh, oui, vaguement…

- Cette femme était follement coquette. Ce qui explique d’ailleurs la taille démesurée de cette penderie. Elle enchaînait les amants, les dépouillant un par un. Acculée à la ruine, elle aurait préféré se jeter dans la Volga avec sa plus belle parure plutôt que de renoncer à…

Madame n’eut pas la force d’achever sa phrase. Elle se laissa retomber, royale, sur son blanc oreiller. Magnifique posture de tragédienne qui fit trembler son mari de désir. Mon dieu, que cette femme était belle ! Sa belle gorge se gonfla, Madame eut le courage de continuer encore :

- Eh bien, je crains que cette femme ne soit jalouse de moi et ne vienne régulièrement visiter MA penderie !

- Que dites-vous ?!

- Oui, j’ai des preuves. Certaines de mes robes disparaissent et réapparaissent comme par enchantement. Dernièrement, ce sont mes bottines blanches qui se sont volatilisées. Charles, je vous en supplie, faites quelque chose ! Je ne veux plus voir cette penderie.

Les larmes lui montèrent aux yeux. D’ailleurs, c’était vrai, elle se demandait bien où se cachaient ses belles bottines blanches…

- Oh, laissez-moi me reposer maintenant. Il me coûte assez de vous faire une telle confession, croyez-le ! J’ai suffisamment honte. Et annulez le docteur, je vous en prie. Je n’ai plus de force pour voir qui que ce soit aujourd’hui.

Comme Edouard doit se réjouir de ce beau spectacle, tout enfermé qu’il est, pensa Hortense. Quel dommage tout de même qu’il ne puisse me voir par le trou de serrure. Il ne peut profiter de mes cheveux en désordre et de mes poses de Dame aux Camélias. Je suis sûre qu’il en serait terriblement excité. Vite, il est temps que je me débarrasse de mon mari !

Malheureusement, la suite des événements ne se passa pas tout à fait comme Madame l’avait prévu. Au lieu d’acquiescer à ce nouveau caprice- se débarrasser de la penderie- et la laisser en paix, c’est-à-dire avec son amant, son mari, émoustillé par ces pamoisons, se sentit une vigueur nouvelle et prêt à affronter les démons de sa femme.

- Un fantôme dans le placard ! Vous délirez, voyons ! Et je vais vous le prouver…

D’un pas bravache, il se dirigea vers la fameuse boîte de Pandore. Madame se cacha sous son oreiller, ne préférant pas assister à la scène. Il ouvrit finalement la penderie et il vit…

Il vit un bras, une jambe, des poils, des froufrous, des cheveux, un autre bras, et encore une autre jambe, une fesse, deux fesses, un pied, un jupon, une tête, une robe, un sein, une… Son sang se glaça. Dans la pénombre de la chambre, il referma aussitôt la porte du placard sur cette vision cauchemardesque et vint s’allonger, livide, aux côtés de sa femme :

- Oui, vous avez raison, nous allons nous débarrasser de cette penderie au plus vite…


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