Sauf qu’aujourd’hui j’ai les pieds dans la boue, et mes bottes s’y enfoncent insensiblement alors que la pluie dégouline de mon chapeau, que les gouttes tombent sur mon nez, plantée au bord de la carrière où les poneys tournent au trop, au galop, dans les éclaboussures des mottes de sable mouillé.
Les enfants se mouillent de cette grisaille humide qui me transit en profondeur.
La pluie est froide, glaciale.
Je desselle la ponette de mon petit et la rentre au box. Je n’ai pas le courage de la panser, mes petits ont plus froid qu’elle. Alors à peine à l’abri, à peine libérée de son filet, elle se roule dans la paille sèche.
Personne au Mac Drive. À croire que la pluie n’encourage en rien les sorties. À peine arrivés à la maison, opération « on enlève les bottes crottées, et on pose les pantalons mouillés pour enfiler de moelleux survêts». Aujourd’hui, plus que d’autres jours, je voudrais avoir une cheminée.
Plus tard, un peu réchauffée, un peu rassasiée, j’ouvre mon ordinateur et voit passer un mail de D : « qu’est ce qu’être un artiste ? »
« C'est aspirer à un idéal. »
« C'est savoir qu'on va mourir et que la vie ne suffit pas. »
« C'est laisser une trace de notre bref passage sur terre. »
« C'est les grottes de Lascaux et les peintures de Picasso. »
« C'est dire j'aime la vie et je voudrais qu'elle continue éternellement. »
« C'est souffrir et continuer à aimer. »
« C'est continuer à y croire alors que personne n'y croit. »
« C'est ce dire qu'on est une feuille de papier et qu'on voudrait être grand comme un immeuble de 36 étage.»
« C'est regarder autour de soi et voir le merveilleux dans tout ce que l'on voit, alors que la plupart des gens ne voient rien, et pouvoir dire, regardez comme c'est beau. »
J’apprécie de plus en plus la générosité de l’artiste.