Question posèe à John Shelby Spong (né le 16 Juin 1931 à Charlotte, Caroline du Nord) est l'ancien évêque anglican du diocèse de Newark, New Jersey. C'est un chrétien libéral, théologien, universitaire, critique religieux et écrivain.
Permettez-moi de dire en commençant que si je me considère encore comme chrétien, c'est grâce à vous et à vos écrits. Je suis un ancien catholique et votre message du Dieu d'amour contraste avec le Dieu du jugement qu'on transmis pratiquement tous les papes à l'exception (miraculeuse ?) de Jean XXIII.
Pourtant je me demande parfois pourquoi ne pas être tout simplement bouddhiste ? Le Bouddha n'est pas Dieu, il est simplement un être humain qui, comme Jésus, indique aux hommes comment se libérer de la souffrance et trouver la paix.
Des théologiens comme Marcus Borg ont étudié les ressemblances de Jésus avec le Bouddha, ainsi que des hommes remarquablement inspirants comme Thich Nhat Hahn.
Jésus et le Bouddha soulignent tous deux l'importance transformatrice de la force d'amour-compassion qui existe en chacun de nous. Il me semble que leurs deux traditions convergent sur un même mythe décrivant la réalité qui nous dépasse : Jésus assis à la droite de Dieu et le Bouddha devenant un en fusion avec l'univers.
(De même d'ailleurs, j'ai été frappé lors d'un récent voyage au Vietnam du rôle que joue dans le bouddhisme le bodhisattva de compassion Quan Am qui m'a semblé analogue à celui de la vierge Marie dans le catholicisme).
Je me dis parfois que si des penseurs comme vous ou Thich Nhat Hahn ne nous proposent JAMAIS de devenir nous aussi bouddhistes, c'est parce que les racines de notre ouverture interreligieuse sont chrétiennes.
Ce qui nous maintient dans le marigot chrétien est, sans doute, pour les catholiques comme moi la protection dont les prêtres pédophiles jouissent de la part de leurs évêques, ou le coût exorbitant que représente l'encyclique de Paul VI sur le contrôle des naissances. Peut-être est-ce la résistance des évêques à admettre les filles comme enfants de choeur. Ou bien la hiérarchie a-t-elle utilisé toute son énergie pour résister aux télévangélistes évangéliques Pat Robertson et Jerry Falwell qu'elle ne se rend plus compte que la puissance de Dieu brille désormais à travers les ministères de Martin Luther King, de William Sloane Coffin, de John Dear, de Daniel Berrigan, de soeur Joan Chittester et de vous-même ?
Y a-t-il du vrai dans tout ceci ? Finalement, l'Église a tellement besoin de réforme, les forces conservatrices sont si puissantes que je me dis que nous ferions mieux de devenir bouddhistes. Et pourquoi pas ?
Réponse de John Shelby Spong
Vous soulevez une question passionnante. J'aime beaucoup Thich Nhat Hahn et j'estime beaucoup le bouddhisme. Un de mes amis anglais, qui est toujours prêtre anglican, se dt chrétien bouddhiste athée. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que signifie cette associations de mots qui ne vont ordinairement pas ensemble.
J'ai eu, en Chine, le privilège d'une conversation d'un après-midi entier avec un moine bouddhiste et j'ai passé un jour entier, en Inde, en compagnie de trois théologiens hindous.
J'y ai pris conscience que les questions auxquelles réfléchissent les grandes religions sont toujours les mêmes ; ce sont évidemment les questions les plus fondamentales de la vie humains. Les réponses que les religions apportent sont différentes, dans la mesure où elles dépendent de la culture, de l'environnement, des circonstances et du lieu où elles sont apportées. Il n'y a rien d'étonnant à cela. Leur langage n'est évidemment pas celui de Dieu mais celui de la tribu, de la culture, de l'histoire des hommes qui s'expriment.
Je n'attache guère d'importance à la conversion que font certains d'une religion à l'autre, à moins évidemment, qu'ils ne changent en même temps de culture. Je ne crois pas qu'un occidental puisse réellement pénétrer toute la profondeur d'une religion orientale, bien que certains s'y efforcent pourtant. Je trouve plus important que chacun approfondisse sa propre religion, en corrige les déviations, évite tout fondamentalisme et se garde des compromis politiques auxquels toutes les religions se sont livrés au cours des siècles.
Je trouve l'essence du christianisme au delà des Écritures qui ont été rédigées longtemps après l'époque de Jésus, au delà des credo des 3e et 4e siècles et même au delà des mots de nos liturgies anglicanes qui sont nées au 13e siècle.
Il est indispensable que notre quête de la vérité dépasse ces traditions religieuses, si nous ne voulons pas en être réduits à identifier « le sacré » avec les formulations de ce qui n'est qu'un système religieux à l'ancienneté relative.
Je ne crois pas que Dieu soit ni chrétien ni bouddhiste et pourtant le christianisme et le bouddhisme ont amené des centaines de millions d'hommes à connaître le mystère de Dieu.
C'est avec joie et espérance que je marche sur le chemin du Christ, j'ai l'impression que je commence à peine à le découvrir et je ne suis pas disposé à le quitter pour en suivre un autre.
Traduction Gilles Castelnau