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Fièvre & glue

Publié le 02 février 2011 par Xavierlaine081

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Parfois la fièvre se vend en pots. Ce sont de ces récipients en matière plastique blanchâtre, munis d’un couvercle relativement serti sur les bords, dont il faut extirper la tirette pour en libérer le contenu. Puis, comme tout pot qui se respecte, on le range,  et il reste, là, l’étiquette rongée par l’humidité, en quelque recoin sombre de notre cave intérieure. 

Il faut quelque gnome viral farceur pour vous rappeler l’existence du récipient et de son contenu maléfique. Il cherche parfois des années par quelle faille mettre sous vos pieds le pot, obligeamment débarrassé de son couvercle. 

Mais voilà que trompant votre vigilance, il parvient à ses fins. 

Votre étourderie fait le reste : vous voilà le pied dans le pot, tentant en vain de vous dégager de cette emprise mouvante, collante, qui, dès lors qu’elle vous tient, ne vous lâche plus. 

Vous vous agitez avec l’énergie du désespoir. Votre agitation ne fait que consolider les fils de glue qui enserrent vos pieds, remontant à vos chevilles. Dans un geste qui se voudrait salvateur, vous renversez le pot, et c’est la catastrophe. 

La glue fiévreuse se répand, gagne vos genoux, vos hanches, vous terrasse, vous envoie au tapis par une maîtresse prise de judo. Vous voilà emberlificoté serré, incapable du moindre geste sans resserrer les liens dont gnome et glue vous gratifient généreusement et avec force éclats de rire. 

Vos pitoyables tentatives de trouver du repos sont agitées de ces rires sarcastiques, vous faisant osciller du froid le plus intense à une chaleur digne d’un enfer. Gnome et glue se marrent, vous tapent à grands plats de la main dans le dos, insinuant dans vos bronches quelque papier de verre qui vous invite, à chaque respiration, à un profond déchirement. 

Vous voilà leur otage soumis. Ils ne vous lâcheront plus qu’ils n’aient, comme une vulgaire serpillère, ou comme un citron, ou une orange, pressé votre jus jusqu’à la dernière goutte. 

Tant qu’il en reste, ils mettent un bonheur évident à battre la pâte molle que vous êtes devenu. Vos piteuses tentatives de tenir encore debout ne sont que tristes pantomimes au cirque maladif qui vous enferme. Ils prennent même plaisir à tirer le tapis de sous vos pieds, à faire balancer dangereusement les murs et le sol, si possible en sens contraire, histoire de vous convaincre que, désormais, c’est la terre entière qui se met à vous faire défaut. 

Ce sera leur ultime facétie avant leur retrait hilare. 

Mystérieusement, à votre réveil, vous ne trouvez plus trace du pot, ni de cette glue élastique et filamenteuse qui vous avait maintenu, comme un vulgaire saucisson, sous la couette, si longtemps. 

Vous entendez bien encore quelques gloussements en certains passages secrets de votre être épuisé. Les grains de silice restent encore accrochés aux parois enflammées de vos bronches, comme sacs plastiques aux branches, après le passage d’une tempête. 

Vous restez assis, prostré, tentant en vain de réunir vos esprits dispersés dans cette rageuse folie. Le calme peu à peu se fait dont vous doutez encore de la véracité. La nuit, vous vous surprenez à écouter le moindre bruit avec l’angoisse qu’ils reviennent vous tirer de votre sommeil enfin réparateur, par les pieds et dans un grand rire tonitruant. Mais non, tout est revenu au silence : ils vous ont laissé au blanc de vos pensées, sans autre forme de procès. 

Manosque, 2 février 2011 

Xavier Lainé 


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