Téléphone portable, baleine et divinité plantureuse.

Publié le 02 février 2011 par Kevinades

Amis lecteurs, c’est mercredi. Et le mercredi, c’est la journée des enfants. Cette journée bénie des dieux (mais peut-être plus pour longtemps) permet à votre serviteur de se sevrer de Kevin l’espace de vingt-quatre heures : c’est peu, mais c’est nécessaire. De l’autre côté, mes Kevin rechargent eux aussi leurs batteries durant ce laps de temps : c’est peu, mais c’est largement suffisant pour qu’ils m’en fassent baver dès demain.

Il est un sujet que je n’ai encore point abordé avec vous ici même. Il s’agit des nouvelles technologies. Une des tâches qui nous incombe en tant qu’expert en polyvalence est de faire progresser nos élèves dans le domaine informatique.

Le hic, parce qu’il y a toujours un hic, le hic c’est qu’un certain nombre de gamins est plus qualifié que nous. Le hic numéro deux, parce que j’aime bien râler, c’est que certains gosses ont accès à des technologies dont j’ose à peine rêver (genre le fils de smicard qui a un I-Pad). Le troisième hic (ben oui je suis enseignant après tout, j’aime bien me plaindre), c’est qu’avant de pouvoir leur expliquer comment on se sert des nouvelles technologies, on passe déjà un certain temps à les interdire.

Que le collègue qui n’a jamais confisqué une DS me jette la première pierre (mais une petite)! D’ailleurs, message à ceux qui en lisant DS imaginent déjà une plantureuse jeune femme grecque à moitié dénudée siégeant en haut d’une montagne : il faut vous remettre à la page !

Ce conseil est également valable pour tous ceux qui en lisant DS se rappellent avec nostalgie de leur première voiture.

Autre objet qui nous pose problème de manière régulière, le téléphone portable. Pourquoi attendre le collège pour emmerder le monde alors que c’est tellement facile dès l’école primaire ? Bon, rassurez-vous, ce n’est pas tous les jours non plus. Il y a quand même un cas dont je me rappelle plus particulièrement, c’est le cas de, n’en déplaise à certains, Kevin.

Ce bon Kevin donc, vient d’arriver à l’école, en cours d’année : tout est neuf, tout est beau, c’est merveilleux. C’est tellement merveilleux que très vite ce petit morveux essaie de marquer son territoire : glandage à outrance, bastons à gogo… Après tout, si ça marchait comme ça avant, pourquoi se priver ? Bien sûr, le bougre est inscrit dans ma classe, les débuts entre nous sont donc pour le moins houleux : ça tombe bien, moi, j’aime bien ça la « houleusité » !

Quelques jours après son arrivée tumultueuse, alors que mon nouveau disciple tente laborieusement d’aligner trois mots de français déchiffrables, nous sommes interrompus en pleine classe par la sonnerie d’un portable. Petit blanc de réflexion… Mon intellect supérieur me confirme que si ce n’est pas le mien, il est donc relativement logique de penser que ce doit être celui d’un élève… L’enquête ne dure pas bien longtemps puisque Kevin se dénonce courageusement (voire avec un soupçon de fierté genre « zavez vu bande de guignols ce que j’ai dans mes poches ! »).

L’appareil est immédiatement confisqué, mais je commets à ce moment précis une erreur impardonnable, digne du débutant de base, je ne l’éteins pas. La boulette. Une heure après, ce qui devait arriver arrive : rebelote, ça sonne ! Je raccroche, mais dieu seul sait pour quelle raison je ne l’éteins toujours pas. Ceci étant, mon Kevin commence à moins faire le malin, il perçoit ma colère grandissante (alors qu’en fait soyons honnêtes, je m’amuse comme un petit fou) et il doit sentir que la situation lui échappe quelque peu, surtout depuis que je lui ai dit qu’il était tout à fait possible que je garde son portable jusqu’en juin. Et du point de vue d’un gosse, en juin, c’est toujours dans vachement longtemps.

L’engin sonne comme ça une fois ou deux dans la journée. Numéro caché. Toujours le même. Je finis par demander à mon élève qui le harcèle de la sorte, qui ressent ainsi le besoin impérieux d’entendre le doux son de sa voix ? Sa réponse me laisse coi, perplexe, sans voix (ce qui arrive souvent avec Kevin) : cette personne qui ne peut se passer de lui au point de l’appeler trois ou quatre fois par jour sur le temps de la classe, cette personne n’est autre que… sa petite amie !

Ah ouais, quand même… Jusque où ils vont ! Ils ont bien changé les mômes de 10 ans… Du coup, à la sonnerie suivante, c’est plus fort que moi… Je décroche. Alors ce serait là une magnifique occasion pour moi d’enjoliver cette conversation afin de vous faire rire comme des baleines parce que vous aimez ça rire, et même les baleines vous aimez ça aussi.

Je pourrai, mais je ne le ferai pas. La vérité c’est que la conversation est extrêmement sommaire : je sens chez mon interlocutrice une certaine gêne lorsque je lui annonce qui je suis, gêne qui se transforme vite en « raccrochage au nez » lorsque je lui explique que mon Kevin est pour le moment indisponible car en classe et que ce serait peut-être bien qu’elle envisage d’en faire autant. Vous voyez, pas vraiment de quoi se marrer.

En tout cas, je fais vraiment un métier formidable… Maintenant, en classe, ben il est tout à fait possible d’être interrompu par les petites amies de mes élèves. Allez, promis, vous serez les premiers au courant le jour où le coup de téléphone viendra de la maternité !