J'ai un pote qui est agent immobilier.
Je lui ai fréquemment demandé sa recette pour vendre des maisons et des appartements.
Jusqu'à présent, il m'a répondu laconiquement.
"Le feeling".
C'est tout ce qu'il concédait, comme renseignement.
Mais avant-hier, il a vendu un château fort.
C'était la première fois de sa vie qu'il explosait ses objectifs. Oui, la boîte lui donne des objectifs et mon pote en remet une couche, il a beaucoup d'ambition personnelle. Au total, il a toujours la pression.
Mon pote est un type sobre, mais là, il était exalté.
Il m'a téléphoné pour me faire partager son énervement. "Toi qui voulais savoir comment je faisais pour vendre…" et cetera.
"Ce château fort, que j'ai fourgué, c'est la réponse. Un cas d'école, si tu veux".
Après je résume, parce que ses explications étaient ponctuées de rires gras et non seulement ça ne facilite pas la compréhension, mais en plus, c'est vulgaire et je préfère ne pas me souvenir de ses Ah ah huileux.
"Devant un candidat à la propriété, tu ne parles pas de ce qu'il voit. Tu le focalises sur le potentiel du bien. Tu entends ? Le po-ten-tiel. Mais pas n'importe lequel.
Le château fort, c'était un amas de ruines.
Je n'ai pas parlé des ruines.
Je n'ai pas non plus raconté des blagues, du style Quand vous aurez retapé la tour de gauche, vous y verrez plus clair. Mon acheteur n'aura pas le temps de le faire. Alors, tu te doutes bien que le reste non plus.
Non, je lui ai fixé un objectif accessible, un horizon possible, un avenir si tu veux.
Ce n'est pas un château que vous achetez, c'est un pan de l'Histoire.
Vous n'en serez pas seulement le propriétaire, vous en serez aussi le gardien.
La France vous tire déjà son chapeau.
La flatterie, Coco, la flatterie, mets-toi bien ça dans la tête, personne n'y résiste".