Le patronage "Notre Foyer".

Publié le 05 février 2011 par Douce58

      Mon père, mes oncles Pierre et Paul avaient été scouts dans une troupe du Moyen-Vernet, dont l’âme était l’abbé Joseph Coreau. Quand j’eus sept ans, j’entrai à mon tour au patronage Notre Foyer, rue Ampère. L’abbé avait, après la guerre, dissous la troupe scoute officielle, mais il en maintenait l’esprit et le style. Toutefois, il n’y avait plus d’uniformes. Nos équipes avaient notamment gardé du scoutisme les fanions brodés aux emblèmes d’animaux. Il y avait les Cerfs, les Loups, les Aigles, les Mésanges, etc.   Chaque équipe était commandée par un chef, lequel était secondé par un sous-chef. Je retrouvai au Foyer plusieurs jeunes garçons du Moyen Vernet et des quartiers limitrophes du Saint-Louis et du Champ-de-Mars : Antoine Gendre, Jean-Pierre Bisli et surtout Dany Perramond, qui devint plus tard mon camarade d’études et resta mon ami pour la vie.      Les jeudis et les dimanches après-midi au Foyer débutaient et s’achevaient invariablement par une prière à la chapelle. Le jeudi, nous jouions dans la cour du patronage, qui était en terre battue, ombragée par quatre beaux platanes. Ballon prisonnier, volley-ball ou encore jeu du mouchoir. Règle de ce dernier : un joueur passait derrière les autres assis en cercle et posait subrepticement le mouchoir par terre, dans le dos de l’un d’eux. Si celui-ci s’en apercevait à temps, il devait ramasser le mouchoir, se lancer à la poursuite de celui qui l’avait posé et le toucher avant qu’il n’ait repris sa place. S’il y parvenait, il le délogeait et l’autre repartait pour un tour. En cas d’échec, c’est lui qui devait se débarrasser du mouchoir au détriment d’un autre joueur.      Jeu de « vies » : deux garçons s’affrontaient en duel. Il s’agissait d’arracher à l’adversaire sa « vie »,  matérialisée par un foulard passé dans la ceinture au niveau des reins.      Jeu du Cerf, appelé ainsi je ne sais pourquoi, peut-être en raison de la solitude de l’animal cerné par la meute et qui livre son dernier combat.  Le « cerf » avait pour toute défense un bouclier, un grand écu de bois tridenté en son chef,  qu’il tenait, le bras passé dans une courroie en cuir et la main refermée sur une poignée, le tout solidement fixé sur la face  interne du bouclier.  Il s’avançait dans la cour.  Aussitôt s’abattait sur lui une grêle de balles de caoutchouc de toutes tailles, lancées par les « chasseurs ». Si l’une d’elles l’atteignait, il devait céder le bouclier à l’auteur du tir, qui devenait « cerf » à son tour. Le « cerf » avait le droit de ramasser les balles ou de les intercepter au vol et de les relancer vers les « chasseurs ». Il pouvait ainsi en éliminer quelques-uns, mais en général, c’était « le cerf » qui succombait sous le nombre. Le cerf était un totem prestigieux. L’équipe qui portait son nom avait son chant de guerre, ou plutôt de paix :
Dans sa maison un grand cerfregardait par la fenêtreun lapin venir à luiet frapper à lui :Cerf, cerf, ouvre-moiou le chasseur me tuera.Lapin, lapin, lapin, viensme serrer la main. 




       Il y avait encore le jeu de Kim et divers autres, qui mettaient en œuvre les qualités de mémoire, d’observation, d’écoute et d’adresse.       Nous avions aussi des séances de cinéma (j’ai déjà dit tout ce que je leur devais) et des représentations théâtrales.  Notre grande salle de réunions était en effet équipée d’une scène.  De temps en temps, les plus âgés d’entre nous s’y produisaient dans des pièces originales.  Certains avaient un vrai talent. Je me souviens en particulier d’un grand garçon assez corpulent qui s’appelait Cros. Il jouait avec beaucoup de naturel et de justesse des personnages placides et néanmoins autoritaires, qui n’étaient pas (je ne le savais pas encore) sans rappeler le grand Raimu.       Un jour, je me risquai moi aussi à monter sur les planches (en fait, je jouai dans la cour).  J’incarnais Sitting Bull dans la « Terreur du Texas », pièce que j’avais écrite et mise en scène moi-même, s’il -vous-plaît.