Magazine Nouvelles

2. Les folies sont affaires de vauriens. (In Chansons)

Publié le 07 février 2011 par Sophielucide

2. Les folies sont affaires de vauriens. (In Chansons)

Le bal des gens biens, à la maison, ça se passait tous les samedis dans les émissions des Carpentier à la télé. Moment redouté qui  commençait dans la gaité pour vite dégénérer.  Et tout ça par la faute de Dalida et Joe Dassin, qui, hélas, honoraient de leur incontournable présence le programme préféré de papa et maman,  les Variétés….


La légende familiale racontait que mon père avait rencontré Dalida en Algérie, alors qu’elle y donnait un concert. Ils auraient même dansé ensemble et si les choses n’avaient pas évolué entre eux c’est par simple fidélité paternelle. Ma mère détestait qu’il raconte cette anecdote à laquelle elle n’accordait d’ailleurs aucun crédit. Tandis que son côté, elle évoquait parfois le regard lourd de l’impeccable Joe Dassin,  arborant ses sempiternels costumes immaculés,  posé sur elle à je ne sais quelle occasion.

Ces deux-là s’étaient donc choisis avant l’heure des amants virtuels, incarnant la perfection de l’amour éthéré tandis que nous autres, les cinq gosses, assistions avec angoisse à leurs chamailleries puériles. Nous leur avions pourtant fourni, après moult réflexions, une explication vraisemblable : comme par hasard, les deux élus de leurs cœurs énamourés louchaient ! CQFD ! Si l’on suivait la trajectoire de leurs regards croisés, on tombait invariablement sur les deux téléspectateurs que nos parents formaient. Nous leur avions même proposé de concrétiser  l’expérience, à l’aide d’une règle et d’une craie mais la perspective de nous voir toucher de nos mains pleines de doigts l’écran sacralisé les avait pour une fois mis d’accords pour nous ordonner d’aller immédiatement au lit….

Heureusement existait Adamo, le « tendre jardinier de l’amour » comme le gratifiait Brel. Mon père n’en était pas jaloux, il n’excitait, à ma connaissance,  personne d’autre que moi dans la famille. Sa chanson « vous permettez, monsieur » m’a depuis toujours semblée parfaitement érotique ; je pouvais donc me permettre d’en claironner les paroles sans éveiller le moindre doute dans l’esprit des grands qui le jugeaient en général mièvre ou niais, selon le répertoire qu’il entonnait d’une voix ambigüe, androgyne, mystérieuse….

Le chanteur ringard par excellence, avec sa mèche de cheveux laqués sur un visage lisse que ne trahissait aucune émotion,  m’enchantait tout simplement. D’abord parce que ses doux yeux d’épagneul recelaient toute la gentillesse promise à mes yeux d’enfants et puis surtout parce qu’ils contredisaient parfaitement son sourire de travers, ironique, presque lubrique…

Ah Adamo ! Ma honte à moi, mon secret de midinette qui continue de chanter à tue-tête ses fadaises poétiques :

Bien qu’un mètre environ nous sépare, nous voguons par-delà les violons….

Raymond Devos l’avait bien compris, lui qui disait : « Adamo… c’est chanson, c’est poèmes, c’est vibrations ! »


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sophielucide 370 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines