Une autre, patron (1)

Publié le 08 février 2011 par Zegatt

Si vous vous souvenez, on avait déjà croisé le père Charles un peu plus tôt (http://zegatt.wordpress.com/2009/05/16/bucolisme-1/ pour la première partie, les autres suivent – de 1 à 5), et du coup, je suis retourné le voir. Bonne lecture !

« Par hasard, vous ne forceriez pas sur la bouteille (…) ?
- Bien sûr… Et vous, non ?
- Pas d’ingérence dans ma vie privée, s’il vous plaît… »

– Charles Bukowski, Pulp

-  UNE  AUTRE,  PATRON  -


Blues passager aux airs lancinants. L’atmosphère entêtante m’avait conduit jusqu’au bar.

Il était là, comme à son habitude. Je commandais une bière, et me dirigeais vers sa table. Une tape sur l’épaule, il leva le nez et agita vaguement la main en signe de salut. Ses yeux n’étaient pas encore vitreux. Nous pourrions discuter.

« Salut gamin. »

Les verres tapèrent l’un contre l’autre ; j’entamais, il finissait. Long sirotement silencieux, le regard perdu vers l’extérieur. A la recherche de quelque chose, sans doute. Probablement. Le vide d’un début de matinée, couleurs ternes assombries par la vitre fatiguée. Charles Bukowski dans toute sa forme, l’attitude un brin bourrue, déjà de si bon matin. Il passa une main sur ses lèvres, effleurant sa barbe. Dernières gouttes dans le verre, tintement sur la table boisée. Il fit un signe un peu plus énergique que lui renvoya le serveur. La prochaine arrivait.

« Qu’est-ce qui t’amène ? Gonzesse ? »

J’ai su, à cet instant précis. Pas la peine d’en placer une, il avait compris d’entrée de jeu. J’ai su que j’avais bien fait de venir.

Un sourire ironique à peine suggéré passa sur son visage, redressant ses joues débonnaires.

« Tu crois vraiment que mes leçons valent quelque chose pour te pointer pour ça ? Tu crois que si elles valaient quelque chose, je serais là, moi ? »

Le serveur posa le plein et prit le vide.

Bukowski pointa son doigt vers le liquide mousseux.

« Si c’était le cas, c’est pas ça que je sucerais de si bon matin. »

Et de joindre le geste à la parole.

« Vous comprenez quelque chose à leur logique ?

- C’est toi qui te plante dans l’énoncé gamin, tu cherches de la logique là où y’en a pas. Tu penses que ta façon de penser s’applique aux autres. Boum. Mauvais point. »

Il roula une cigarette, la coinça en bouche, et alluma le tout. Il lâcha un rond de fumée. Qui se dissipa avant d’atteindre le plafond.

« Le principe est simple. Hormonal. T’as le mâle, t’as la femelle.

- Affaire de trique ?

- Me pique pas mon vocabulaire, tu veux. Ca fait étriqué. Mais je reconnais que le système est plus basique de notre côté, plus facile d’approche. C’est oui, c’est non, le reste suit en fonction. Et pour elles, rien à faire, le système est intégré – ça complexifie l’affaire. Pas de bol, hein. »