Venceslas

Publié le 08 février 2011 par Banalalban

Venceslas, hélas, est parti dans l’apathie des gens normaux qui se rapprochent inéxorablement du mur. Comment puis-je le considérer autrement qu’en homme incomplet parce qu’atrocement mutilé dans l’imperfection ? La rectitude des traits polis poils et vissés de bon goût et de ce qu’il convient d’être me font bien rire à gorge déployée. Je suis prête : j’aspire à la vilennie.

Je vais le confronter à ses dilemnes lui qui a toujours prétendu bien me connaître.

Ce soir, Venceslas aurait dans l’envie de se faire longuement avoir. Je le laisse faire, il se laisse voir et avoir, je suis lasse et laide hélas, tant pis pour lui, tant mieux pour moi.

Je vais le détruire psychologiquement, il ne pourra plus remonter après ça. Avec un peu de chance, il pleurera.

Moi, je ne dirai rien. Je ne le consolerai pas.

Je ferai des quenelles.

Elle me fait des quenelles. Des quenelles de brochet. Elle fait les meilleures quenelles du monde. Des quenelles maison. De jolies quenelles bien gourmandes. Je sais qu'elle ne les fait rien que pour moi. C'est un peu sa façon à elle de me prouver qu'elle m'accorde de l'importance. Elle est littéraire. Elle pense beaucoup et d'une bien étrange façon. Elle est aérienne. Moi je suis terrien. Elle me fait des quenelles de brochet et je suis heureux. On se marira un jour. J'appellerai mon premier fils Grégory. Il aura le choix : il sera littéraire ou pas. Et elle continuera à nous faire des quenelles. Il m'en faut peu. Parfois elle parle d'un ton dur. Elle me dit comme ça : "Venceslas, ce soir, je te détruis" mais je regarde ses quenelles et ses quenelles me racontent autre chose. Elles sussurent : "En fait elle t'aime". Elle  ne fait des quenelles de brochet maison pour personne d'autre. Et je sais que ça veut dire quelque chose. Je la connais bien. Je la connais si bien. Je la regarde et je lui murmure : "Je te connais si bien". Et elle s'énerve. Je ris : je sais ce que ses quenelles me disent.

Venceslas ? Et bien je ne sais pas trop. Combien de temps ça fait qu'ils sont ensemble ? Ils ne vont pas bien l'un avec l'autre. Elle et lui, c'est comme porter deux chaussettes gauches. Rien ne va : ça se voit. Elle le rabaisse à longueur de temps : il est niais. Et plus il est niais, et plus elle le rabaisse à longueur de temps. Et plus elle le rabaisse, plus il est niais. Il y a beaucoup de couples qui fonctionnent comme cela. Je ne sais pas comment il fait pour supporter Daria. Je ne les imagine pas ensemble. Et encore moins mariés... Tu crois qu'ils vont se marier ? Depuis combien de temps sont-ils ensemble ? Un an ? Un an et demi ? Il est niais. Elle est méchante. Ils n'arrêtent pas de se disputer tout le temps : ils font des querelles pour rien. En fait c'est elle qui fait des querelles pour rien. Je les aimais bien au début, mais depuis qu'ils sont ensemble, on dirait qu'ils vont en venir aux mains : elle fait des querelles comme un pase-temps. Faut voir les regards qu'elle lui lance. Elle m'a dit un jour "Géraldine, Venceslas est niais : j'en peux plus". C'est dur. Elle dit des choses dures : c'est un couple particulier. J'aurais dû faire une thèse là-dessus plutôt. Un doctorat sur la relation entre Daria et Ven. Qu'est-ce que je suis allée me faire chier à faire une thèse sur la Lex Iulia de Civitate Latinis Danda et son impact, une thèse que personne ne lira jamais : ça serait bien plus intéressant. Et puis elle est trop littéraire pour lui. Ça se voit qu'elle est littéraire alors que lui est plus ancré dans la réalité. Il est très réel Ven, il est bien défini. Elle a une bouche de littéraire, elle. Lui, il est niais. Être littéraire, c'est très discret. La niaiserie ce n'est pas littéraire, c'est même très physique. La bêtise, ça, ça peut être littéraire mais on n'a jamais vu un littéraire niais. Enfin, un littéraire, ça ne peut même pas dire une niaiserie de temps en temps. Un littéraire, ça peut-être bête, pas niais. As-tu jamais entendu Daria dire une niaiserie ? Alors que lui, franchement, plein ! Et puis il faut qu'il arrête de prétendre à tour de bras la connaître... ça doit être usant à force. Je ferais des querelles moi aussi, si tu étais si niais. Enfin pas autant et puis toi tu ne prétends pas me connaître tant que ça. Je connais Daria depuis presque dix ans et elle arrive toujours à me surprendre.