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L'incroyable destin de Clarisse Manzon (13)

Publié le 08 février 2011 par Mazet

Episode 13 : Encore un décès étrange.

La nuit était tombée depuis longtemps lorsque nous quittâmes le salon de la belle Clarisse.  Les rues s'étaient vidées, mais on imaginait sans peine la teneur des conversations qui se tenaient derrière les volets clos. Nous marchâmes silencieusement un long moment. Blaise ruminait sans doute sa colère contre le maire. Nous n'étions plus très loin de la librairie lorsqu'il se retourna vers moi.

   - Tu as l'air d'intéresser sérieusement la belle Clarisse.

   - Vous allez vite en besogne !

   - J’ai observé ses regards et, surtout ceux de l’amant en titre, le lieutenant Clémendot. Crois-moi, il avait l’air furieux de la manière dont Clarisse t’observait.

   - C’était la curiosité de la première rencontre !

   - Enfin ce n’est pas mon problème, mais sois prudent quand même, on dit que le lieutenant perd facilement ses nerfs. Je ne voudrais pas être obligé d’annoncer à ton père que son fils unique s’est fait embrocher à cause de Clarisse.

   - Ne craignez rien de tel !

Même si je m’en défendais, Clarisse peupla ma nuit. Alors que j’émergeais à peine de ces doux rêves, la gouvernante avait déjà fait le tour de Rodez. Comme nous étions, Blaise et moi, installés autour d’un bol de café fumant, elle lança.

   - Vous n’êtes pas encore parti, Monsieur Gilbert, il y a du nouveau.

Légèrement agacé, Blaise lança.

   - Comme tous les jours !

   - Cette fois, ce qui se murmurait, depuis quelques jours, est arrivé.  Jausion est arrêté.

   - Si je fais bien les comptes, c’est maintenant douze personnes qui croupissent dans la prison de Rodez.

Je rajoutai.

   - C’est la thèse du complot de famille exécuté  avec une poignée de sbires ramassés dans la lie du peuple qui a été retenue.

Je fus interrompu par l’arrivée du docteur Aubuy et contrairement à la gouvernante, il ajouta.

   - Gilbert,  vous allez nous quitter sans doute plus vite que prévu. Le Chevalier de la Salle considère que l’instruction est close.

   - Mais, il parait que les prévenus n’ont pas encore été confrontés entre eux.

   - Vous rendez-vous compte, plus de deux cents témoins ont été entendus !

   - Victimes d’hallucinations collectives, qui leur font croire que le cadavre a traversé la moitié de Rodez comme on porte une relique à la procession de Pâques.

   - C’est votre point de vue, Blaise. Je dois dire que je ne le partage pas entièrement, mais je suis aussi troublé par certains points.

Décidément les événements se bousculaient. Nous n’avions pas achevé notre bol, quand un gendarme fit irruption.

   - Vous êtes là Monsieur Aubuy! On vous cherche partout ! Il y a du grabuge à la prison. On a retrouvé Antoine Bancal, mal en point.

Sans hésiter, le médecin répondit.

   - J’y cours, vous venez avec moi, Gilbert ? Vous pourrez nourrir vos chroniques avec du concret !

J’enfilais rapidement un manteau. Accompagnés du gendarme, personne ne nous posa de questions et dix minutes après, nous étions dans la cellule. Elle n’abritait plus que le corps d’Antoine Bancal. Il gisait à même le sol, le visage contracté, une écume verdâtre au bord des lèvres. Le médecin se pencha examina le corps d’un air dubitatif. Bien entendu, mon imagination galopait.

   - Vous pensez qu’il a été empoisonné ?

   - Je ne peux pas me prononcer aussi vite, d’autant que la prison de Rodez est un vrai nid d’épidémies en tout genre. Au cours de l’hiver, une dizaine de prisonniers sont décédés des suites de maladies infectieuses. Je pense qu’il faut pratiquer une autopsie.

Deux gardiens emmenèrent le corps. Nous ne nous attardâmes dans ce cloaque infâme et reprîmes sans tarder le chemin de la librairie. 

   - S’il est prouvé que Bancal a été empoisonné, qu’est-ce que cela change d’après vous Gilbert ?

   - La question est toujours la même : « A qui profite le crime ? »

   - Il faudrait donc chercher celui qui avait intérêt à faire taire Antoine Bancal ?

   - Dans ce cas, on peut supposer que les deux commanditaires supposés du crime sont derrière cet empoisonnement.

   - Ce serait donc Bastide-Gramont et Jausion ?

   - Oui, mais ce n’est pas la seule hypothèse. Il semble que Bancal ait avoué son forfait devant le juge.

   - Cela semble certain.

   - Imaginons un peu qu’il ait émis le souhait de se rétracter, toute la construction du Chevalier de la Salle s’écroule. Il aurait mis douze personnes, dont deux notables en prison pour rien !

   - Vous ne voulez pas dire que l’autorité judiciaire aurait ordonné l’empoisonnement de Bancal ?

   - Cela peut vous paraitre énorme, mais je n’exclus rien. Dans la ville l’atmosphère est devenue tellement irrespirable, que les autorités craignent sans doute le pire et la mort de Bancal est un prix bien faible au regard de ces enjeux.


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