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Petit matin

Publié le 09 février 2011 par Addiction2010

Ils somnolent. La plupart d’entre eux, comme moi, se sont levés bien avant le jour. C’est l’hiver, les nuits sont longues, mais pas pour tout le monde. Il n’est pas six heures du matin, nous sommes compagnons d’un voyage sans surprise, réunis dans ce train qui a quitté la surface et s’est enfoncé dans le sous-sol parisien. Les derniers noctambules croisent ceux qui se sont couchés à l’heure où ils s’apprêtaient à commencer à vivre.

Voilà bien longtemps que je n’avais fréquenté ces voitures où l’on est bien moins entassé qu’aux heures de pointe. J’avais oublié ces têtes baissées, ces paupières fermées. La nuit a été courte. Ou longue. Pour moi, c’est un avion à prendre et une voiture récalcitrante qui m’ont fait me trouver là. Je vois bien que pour tous ces gens, c’est juste le quotidien d’un réveil dans la nuit, d’un trajet embrumé pour rejoindre un travail sans autre intérêt que la paie en fin de mois. Le souvenir d’un temps depuis longtemps révolu me revient, celui de ma jeunesse, de nuits d’étudiant quand nous attendions le premier métro pour rejoindre la Cité Universitaire et oubliions les cours du matin.

A cette heure, les cous serrés dans une cravate ne sont pas nombreux. On ne se lève pas si tôt pour aller s’asseoir dans un bureau. Il n’y a guère que le mien, car en hiver, je n’ai pas renoncé à cet accessoire qui protège tout de même ma vieille gorge des attaques du froid. Autrefois, elle servait à me donner une contenance que ma jeunesse m’aurait interdite mais aujourd’hui, je pourrais me permettre de l’oublier. D’ailleurs, elle n’est plus tellement portée, même dans les bureaux. De toute manière, la plupart des hommes de ce train n’ont même pas de cravate chez eux. C’est encore l’heure des ouvriers, agents d’entretien et autres travailleurs obscurs. Dans une heure, ce seront les employées de bureau toutes pimpantes et souvent trop maquillées qui les remplaceront et enfin le club costard-cravate arrivera, encore plus tard. Avant le retour du calme pour quelques heures.

Ceux qui sont avec moi ce matin auront une journée bien différente de la mienne. Je monterai dans un avion, on me servira un café et probablement ce qui ressemblera à un petit-déjeuner quand eux attendront déjà la fin d’une journée monotone, comme toutes les autres. Ce n’est pas que la mienne sera passionnante mais au moins aujourd’hui, elle ne ressemblera pas à celle d’hier. J’oublierai le français quelques heures, serai concentré sur quelques sujets bien précis pour lesquels je me rends à Amsterdam. Sans doute certains de mes improbables compagnons de voyage m’envieraient-ils, eux qui ne dépassent jamais la riante gare qui est ce matin comme tous les autres leur destination.

Nos mondes se croisent parfois. Ils s’ignorent le plus souvent.


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