Rejetant sa rancune, Adam saisit
la main d’Eve, l’entraîna
d’un pas hésitant, vers l’avant.
vers ce plus loin des terres
à conquérir, des bêtes à dominer,
d’obstacles à franchir, dont ils
ignoraient encore les périls
et les pièges.Ecartés des ondes bienfaisantes
et des clartés du dedans, exposés
à un indicible malaise fait
d’inquiétudes et de peur,
ils pressentaient qu’il leur fallait
dorénavant faire face à leur
propre chaos pour tenter de le réduire.
Demain, il leur faudrait nouer une interrogation à la prochaine ; s’accorderà une soif indomptableque rien ne viendra combler.Il leur faudra endurer,interminablement,la nostalgie d’une sourceet d’une parole perdues.
-
Savoir, murmura-t-elle.Il nous fallait savoir… De quelleconnaissance s’agissait-il ?L’homme s’immobilisa, lâcha lamain de sa compagne, rebroussasubitement chemin.
Suspendu, là-bas dansun équilibre sans faille d’oùle bien et le mal étaient exclus,il aperçut à distance le jardin :suave, immuable, hors de portée.Tendu vers cette image de plusen plus lointaine, tout son corpsse raidit. Dépossédé, meurtri,Adam revint lentement vers lafemme, la fixant avec animosité.- Reviens, lui cria-t-elle.
Elle éprouvait le même arrachement :mais aussi une impatience,le désir d’un ailleurs.
En elle quelque chosed’impulsif se déliait, battaitdes ailes. Quelque chosese défaisait, par lambeaux,d’un cocon protecteur.
Devant Adam et Eve s’étalaitun univers balbutiant.
Un monde amarré à la chaîneininterrompue des nuitset des jours ; un monde martelépar le temps.
A suivre....... Andrée ChedidPoèteHassan MassoudyCalligraphe