Comme dans un film américain, ma famille attendait dans le hall de l'hôpital qu'on vienne lui annoncer l'heureux événement. Pourtant j'avais prévenu mes proches : vous n'allez pas poireauter toute la journée et toute la nuit dans une salle d'attente, c'est idiot. On vous téléphonera quand ça sera fini. Un accouchement c'est déjà assez stressant, alors si en plus, je sais que vous êtes tous derrière la porte, ça va me mettre la pression.
Donc, malgré ma lourde insistance, ma famille attendait dans le hall de l'hôpital.
Comme dans tout bon film américain, ils avaient acheté des nounours, des dragées et un bouquet de fleurs. Moi, dans un scénario idéal, je les aurais accueillis assise dans une délicieuse petite
nuisette, pimpante, fraîche, dispose et parfaitement maquillée, cela va de soi.
- Oh, que tu es belle ! Tu es vraiment magnifique !
- N'exagérons rien, je n'ai pas eu le temps de me repoudrer le nez.
- Mais non, je ne parle pas de toi, mais du bébé.
- Ah oui, bien sûr...
- Toi, tu as une petite mine, je trouve.
- Oh, ça doit juste être à cause des contractions super douloureuses et interminables, et de la césarienne en urgence. Mais sinon je pète la forme. Tu peux retirer ton pied de ma perfusion s'il
te plaît ?
Accoucher ne fait pas franchement ressembler à Claudia Schiffer, quoiqu'on en dise. L'idée que le bonheur de donner naissance à un bébé tant attendu pourrait compenser la fatigue et la douleur du
moment, est complètement fausse. Mais c'est là un avis purement personnel.
A posteriori, quand je repense à certains détails, j'en ris. Par exemple, suite à une discussion typiquement féminine avec d'autres femmes enceintes, je m'étais demandée comment j'allais m'épiler
le maillot pour le jour J. Question de politesse vis-à-vis du personnel soignant, avait dit une copine. C'est vrai, je ne pouvais résolument pas laisser mes poils en jachère, mais je ne savais
pas pour quel motif j'allais opter : le ticket de métro, le maillot Brésilien ou l'épilation intégrale. Non, tout ceci était trop commun, il fallait que je laisse s'exprimer mon sens artistique
et mon talent créatif trop souvent brimé.
-Tiens, je vais dessiner un myosotis ! Me suis-je écrié, le rasoir à la main.
Je ne savais pas à quoi ressemblait exactement un myosotis, mais c'est là que mon imagination prenait la main pour transformer cette zone pileuse sans forme précise, en une véritable oeuvre d'art.
5 minutes plus tard, essayant de soulever mon gros ventre de femme enceinte de 9 mois pour admirer le résultat dans la glace, j'ai dû faire preuve de courage et admettre la terrible réalité. Mon
myosotis avait salement morflé.
Bon, je l'appelerai "Myosotis de Tchernobyl" ai-je déclaré, philosophe.
Pendant la césarienne, alors que le médecin me découpait le ventre, j'ai repensé de manière fugace à mon myosotis difforme.
Ouais bon, toute l'équipe médicale aura trempé ses mains dans mes tripes, alors avoir 3 poils qui dépassent de la culotte, c'est franchement pas un drame. Pensée qui s'est immédiatement effacée
de mon esprit quand ils m'ont posé mon bébé sur mon sein.
Bref, certains trouveront ce récit un peu gore et préféreront sans doute une version édulcorée d'un accouchement où le bébé naît tout propre, comme à peine sorti du bain. Mais ça, c'est dans les
films Américains.